LA MORVONNAIS (de) Hippolyte

Né le 11 mars 1802, mort le 4 juillet 1853. Poète breton, catholique. Fouriériste orthodoxe, puis dissident.

Il fit des études de droit à Rennes où il s’ennuya profondément. En 1824, il s’installa à Paris et rencontra les poètes de la nouvelle génération romantique. En 1826, il épousa une de ses cousines : cela ne fit pas un bon ménage. Il s’installa avec elle au manoir du Val de l’Arguenon, près du bourg du Guildo, commune de Saint-Pôtan (Côtes-du-Nord). Il y mena une vie oisive consacrée à la poésie. En 1832, au moment de Noël, il participa aux « Entretiens de la Chesnaie » et revint à la foi et à la pratique catholiques.
Il se lança dans les études sociales à partir de 1840, fut séduit par Fourier et écrivit deux articles dans le Journal de Dinan, pour défendre les doctrines sociétaires. Il adressa à Laverdant une profession de foi par laquelle il adhérait à l’école, « bien que je sois et veuille demeurer catholique, ou plutôt parce que je suis catholique ». Il devint l’ami de Pellarin, autre rédacteur de La Phalange, et il le resta jusqu’à sa mort. Au cours de l’automne 1841, il défendit les fouriéristes contre L’Univers et L’Université catholique. Il cessa, d’ailleurs, de collaborer à ce journal. Le 16 août 1843, il écrivait à son ami Achille du Clésieux : « Je ne cherche point à faire le bien où il ne peut se faire, mais bien là où il peut seulement se faire, dans le christianisme social. » Il est un des inventeurs de la formule.
Pour La Morvonnais, l’école sociétaire était la seule école socialiste non révolutionnaire et il l’appréciait d’autant plus qu’il répugnait à la violence et comptait uniquement sur le progrès, sur les initiatives individuelles, et sur le renouvellement naturel des choses. À ses yeux, de plus, elle était la seule capable de faire et de réussir des expériences locales. En 1844, il fit paraître en feuilleton, dans Démocratie pacifique, un roman à tendances humanitaires qu’il avait publié l’année précédente : Le Manoir des Dunes ou Famille des âmes. La même année, il publia un autre roman dans lequel il condamnait la société capitaliste : Les Larmes de Magdelaine. Reflets de Bretagne.
Rapidement, les fouriéristes s’inquiétèrent de la manière dont La Morvonnais interprétait leurs doctrines. De son côté il s’inquiétait de certains articles trop voltairiens de La Phalange ou de Démocratie pacifique. Il fit alors un séjour à Paris et fréquenta l’équipe de Démocratie pacifique : Victor Considerant*, François Cantagrel*, Gabriel Laverdant* et surtout Charles Pellarin*. Il vit qu’entre eux il y avait des divergences profondes. En 1844, il fut ainsi amené à rompre personnellement avec le « Noyau central » de l’école sociétaire, sauf avec Pellarin, et, dès lors, il s’écarta complètement du fouriérisme.
En 1846, dans une lettre à Arnaud de l’Ariège*, il dépeignit les disciples de Fourier comme des gens bornés et rétrogrades. En 1847, il leur reprocha de ne pas être touchés par la grâce religieuse.
En 1848, il appuya le journal Le Drapeau du peuple de l’abbé Chantôme, mais changea d’avis quand Arnaud l’eut mis en garde contre ce prêtre peu soucieux d’orthodoxie. La même année il adhéra au programme défini par Arnaud de l’Ariège dans son discours du 13 septembre sur le droit au travail. Il écrivit aussi une étude : Moyens d’amener le capital métallique à accomplit sa fonction naturelle et sociale, où il distinguait trois sortes de capitalistes : celui qui possède la terre, celui qui possède le métal, celui qui possède la production agricole et manufacturière. Sous la garantie de la communauté, il aurait voulu qu’à ce dernier fût assuré le même intérêt qu’aux autres, ceci pour favoriser l’agriculture et l’industrie. Pour y parvenir, il comptait sur « la bonne foi chrétienne ». Il envisageait une déclaration de tous les capitaux et la mise en circulation de « bons circulants de production, lesquels représenteront un travail effectué ». Il y avait dans tout cela des réminiscences de Saint-Simon et des emprunts à bien d’autres.
En mars 1848, il avait fait paraître, sans nom d’auteur, une brochure confuse et rebutante : L’Ordre nouveau ou gouvernement du monde par les moins inspirés, les plus instruits, les plus capables... Par une loi d’État, il imposait le « principe de la charité obligatoire ». Dans la société idéale il distinguait trois groupes : celui des poètes, protecteurs des « besoins essentiels », celui des sages, assurant la répartition des richesses, celui des âmes sacerdotales, inspirant les sentiments élevés nécessaires à l’établissement de la « solidarité universelle », le tout sous l’autorité suprême du Pape. Dans cette perspective, la révolution sociale était définie par lui comme, la « jouissance du droit à un travail assuré et la jouissance du droit à la vie ».
En 1849, La Morvonnais cessa de se cantonner dans la théorie, pour devenir le réalisateur de la « Commune chrétienne » du Val de l’Arguenon. Comme il rêvait d’une République chrétienne, seule capable, à ses yeux, de permettre l’organisation du travail, il voulait en poser les premiers fondements dans la commune chrétienne constituée à l’image de la famille chrétienne. Ce fut une expérience limitée, comme aurait pu être celle du Phalanstère, une expérience fondée sur la vertu. Pour La Morvonnais, le but du législateur devait être de faire naître et de distribuer le travail. Donc, il veillait particulièrement à la production agricole, comme source de travail pour les ouvriers. Le soin de la politique agricole devrait être confié aux communes sous la surveillance de l’État. Dans la commune il y aurait une mairie, « maison d’agence et d’assistance », une école pour l’enseignement général et professionnel, un presbytère, centre d’éducation confié à des hommes élus parmi les plus vertueux, une église ou école religieuse. Il voulait créer des cités ouvrières à la campagne : moyen de lutter contre le chômage en permettant aux ouvriers de se livrer aux travaux des champs et à ceux de l’industrie. Les terres seraient louées par la commune aux cultivateurs et aux manufacturiers, pour y installer des usines.
La Morvonnais se faisait beaucoup d’illusions. Il s’efforça de réunir plusieurs sections de communes préexistantes : le bourg du Guildo (commune de Saint-Pôtan), la section de Sainte-Brigitte (commune de Saint-Cast). Avec ces éléments, il espérait constituer une commune nouvelle avec mairie, école, église, presbytère. Arnaud s’efforça de lui obtenir l’appui des milieux gouvernementaux. Une église fut achevée en août 1849 et érigée en paroisse autonome : Notre-Dame-de-l’Arguenon. Il ne restait plus qu’à fonder, juridiquement et administrativement, la commune nouvelle. Le dossier qu’il dut constituer à cet effet ne se remplit que des avis défavorables des différentes autorités locales. Il dut renoncer.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article33234, notice LA MORVONNAIS (de) Hippolyte, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 6 septembre 2017.

ŒUVRES : Étude sur le romantisme en Bretagne, Paris, 1911, in-8°, 585 pp. — Le Manoir des Dunes ou Famille des âmes, 1843, 2 vol., in-8°, 400 pp. — Les Larmes de Magdelaine, reflets de Bretagne, Paris, in-16, XVIII, + 566 pp. — L’Ordre nouveau ou gouvernement du monde par les moins inspirés, les plus instruits, les plus capables, Saint-Malo, s. d. (1848), in-8°, VII + 189 pp. — œuvres choisies d’Hippolyte de La Morvonnais (poésie et prose), par l’abbé Fleury 1911, in-8°, 151 pp. (l’étude : Moyens d’amener le capital métallique à accomplir sa fonction naturelle et sociale, se trouve pp. 137 et suiv.).

SOURCES : J.-B. Duroselle, Les Débuts du catholicisme social en France (1822-1870).

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