LAPONNERAYE Albert

Par Jean Maitron

Né le 8 mai 1808, « déposé dans la tour de l’hospice des orphelins de la Patrie » à Tours (Indre-et-Loire) sous le numéro 16347, mort le 1er septembre1849 à Marseille (Bouches-du-Rhône). Publiciste et théoricien jacobin, puis socialiste et communiste.

Fils d’Albert Philippe Dulin de Laponneraye, officier de l’armée de Condé, Albert Laponneraye ne fut reconnu par ses parents que huit ans plus tard, le 17 avril 1816, le jour où ceux-ci se marieront à la mairie du IVe arrondissement (ancien), Mais il vécut sa jeunesse dans des conditions matérielles toujours précaires et devint très vite, dès l’âge de 18 ans, le seul soutien de sa mère et de sa sœur (le père était mort en 1822).
Surveillant dans une pension, puis journaliste, il publia dès 1828 son premier ouvrage : Discours contre la peine capitale, dont il ne reste plus d’exemplaire, et juste avant les Trois Glorieuses, Histoire de l’amiral Coligny. En 1831, le 6 novembre, Laponneraye organisa un cours public d’histoire de la Grande Révolution à l’usage des ouvriers parisiens, où il exaltait l’exemple de Robespierre et des sans-culottes, donnant aux luttes révolutionnaires en France une interprétation politique de classe, ce qui lui valu son interdiction. Il fut fermé dès le 4 décembre. Laponneraye, alors, publia son cours par livraisons ; les quatre premières livraisons furent saisies et leur auteur, arrêté le 21 janvier 1832. Pendant sa période « préventive », il participa aux troubles qui eurent lieu à Sainte-Pélagie le 1eravril, ce qui, non seulement put influencer le jury, mais lui valut un séjour de trois semaines à La Force « pour y être mis en punition ». Inculpé d’avoir « attaqué les droits et l’autorité du Roi, excité à la haine et au mépris du gouvernement, et à la haine contre une classe de personnes, à la guerre civile et au pillage des propriétés, et de provocation au renversement du gouvernement et à la rébellion par des discours proférés dans une réunion publique et contenus dans quatre écrits imprimés, publiés, distribués et intitulés Cours publics d’histoire de France depuis 1789 jusqu’en 1830, par le citoyen Laponneraye, 1e... 4e leçons », il fut condamné le 21 avril à deux ans de prison et 1 000 F d’amende et l’imprimeur, Grosseteite, à 2 mois de prison et 500 F d’amende. Mais entre temps, la dixième leçon, rédigée vers le 20 mars avait été publiée et fut à son tour l’objet d’un nouveau délit. L’état de santé de Laponneraye, cause de plusieurs transferts en maison de santé, provoqua aussi le report de ce procès du 20 mai au 20 juillet 1832. La peine cette fois fut de 3 ans et 3 000 F d’amende, reportant ainsi la fin de son séjour à Sainte-Pélagie jusqu’au 20 avril 1837... L’imprimeur Mie fut condamné à 6 mois d’emprisonnement et 3 000 F d’amende. Le Cours public fut pendant ce temps traduit en polonais par les soins de l’Association Démocratique Polonaise (TDP) en 1834.
Il semble difficile de qualifier Laponneraye de membre de telle ou telle société. S’il se situe dans la mouvance des sociétés républicaines de l’époque et parmi leurs animateurs, dès juillet 1830 de la Société des Amis du Peuple, surtout de la tendance Caunes*, plus tard de la Société des Droits de l’Homme et des diverses sociétés de défense des libertés individuelles ou de la presse, il ne figure jamais sur les listes. C’est une particularité. Il faut dire aussi qu’entre 1832 et 1837, une participation active ne lui fut guère facile.
De Sainte-Pélagie, le 1er février 1833, il lança une Lettre aux Prolétaires, où il leur demandait, s’ils voulaient améliorer leur sort, de soutenir le mouvement républicain. Ce texte provoqua un troisième procès d’assises qui se tint le 27 juin 1833 et prolongea son incarcération de trois mois, jusqu’au 19 juin 1937. L’amnistie du 8 mai ne lui en épargna que quelques semaines.
Il avait également publié en 1835 des Mémoires de Charlotte Robespierre sur ses deux frères, précédées « d’une introduction dans laquelle, après avoir présenté des considérations générales sur Maximilien Robespierre, [il] a tracé les principales circonstances de la vie de sa sœur, et raconté quelles furent ses relations avec elle. » (p. 2).
Laponneraye, qui se rattache au courant communiste néo-babouviste, fonda en 1837 L’Intelligence, dont le sous-titre fut d’abord « Journal du droit commun », pour devenir « Journal de la réforme sociale », et qui dura jusqu’en 1840. L’Intelligence était imprimée à Orléans, et le 9 octobre 1837, avant la parution du premier numéro, le procureur général près la cour d’appel d’Orléans se demandait s’il devrait poursuivre lui-même ou laisser ce soin à son collègue de Paris ; c’est Paris qui poursuivra en 1838 et enverra de nouveau Laponneraye et son gérant Mayenobe en prison.
En 1838, Laponneraye édita en brochure un Catéchisme républicain néo-babouviste, déjà publié dans L’Intelligence, qui fut lu non seulement des ouvriers français, mais servit plusieurs années durant de thème de discussion parmi les ouvriers allemands de la Ligue des Justes (Bund der Gerechten).
Laponneraye édita, en volume, en 1838, son Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu’à 1814, en deux tomes. C’est une histoire ardemment robespierriste, qui a été très lue par la classe ouvrière parisienne et peut-être par la classe ouvrière des grandes villes. Laponneraye, dans une réédition, lui donna une suite jusqu’à la chute de Louis-Philippe et, après sa mort, en 1853, un continuateur la compléta, sous le nom de Laponneraye, du récit de la révolution de 1848, ce qui témoigne en faveur du grand succès de l’ouvrage.
En 1839, suite à la présence de son nom en signature de l’« Appel au Peuple de Paris » du 12 mai, aux côtés de Armand Barbès*, Auguste Blanqui*, et autres, des indications de polices en font un des chefs de la Société des Saisons et des organisateurs des journées des 12 et 13 mai, des réunions s’étant tenues chez lui du 1er au 10 avril. Par contre, dans son réquisitoire, Franck Carré le lave complètement de toute participation, ce qui semble plus compatible avec ses conceptions. En effet, bien que très proche d’idées de la Société, comme il le fut des autres, Laponneraye n’était pas du tout partisan de ce genre d’action. De plus il était probablement à Lyon jusqu’au 22 mai, selon, le préfet du Rhône. Cependant, il avait élu domicile dans les locaux qui servaient à son journal, L’Intelligence où passaient régulièrement des républicains et rien n’empêche que les réunions susdites s’y soient bien tenues sans qu’il y ait participé..
Laponneraye édita aussi, en 1840, les œuvres de Robespierre en trois volumes in-8°.
Lorsque disparut L’Intelligence, il s’efforça de lancer Le Club, Journal de discussion politique et philosophique, dont seul le prospectus a paru (1841).
Comme « agent républicain », Laponneraye fit d’ailleurs, dans l’été de 1841, une tournée dans la vallée du Rhône, puis à Grenoble, à Marseille, à Carcassonne et à Toulouse, épié par les procureurs du roi et les procureurs généraux.
Le procureur de Carcassonne signalait, le 20 septembre, qu’il avait rencontré les « communistes de Villalier », c’est-à-dire les amis carcassonnais et nullement communistes de Barbès.
Est-ce à partir de ce moment que Laponneraye se fixa à Marseille ? On ne sait. Il s’y trouvait en 1848-1849, publiant le journal La Voix du Peuple, qui disparut au début de 1850.
La préfecture des Bouches-du-Rhône le faisait surveiller, à la fois comme rédacteur en chef du journal démocratique et comme affilié de la Solidarité républicaine, considérée dès mars 1849 comme société secrète.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article33319, notice LAPONNERAYE Albert par Jean Maitron, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 4 juillet 2022.

Par Jean Maitron

ŒUVRES : Outre les œuvres signalées, Laponneraye a publié : Pétition à la Chambre des députés pour demander la radiation de l’article 291 du Code pénal [contre l’interdiction des associations], Paris, [1831]. — Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, avec des commentaires par le citoyen Laponneraye. Publié par la Société des Droits de l’Homme, Paris, [1832]. — Défense du citoyen Laponneraye, prononcée aux assises du département de la Seine, le 21 avril 1832. — Lettre aux prolétaires, signée : Laponneraye, Prison de Sainte-Pélagie, 1er février 1833. — Mélanges d’Économie sociale, de littérature et de morale, 2 vol., Paris, 1835. — Dictionnaire historique des peuples anciens et modernes, ou Résumé de l’Histoire universelle, Paris, 1835. — Réfutation des Idées napoléoniennes, Paris, 1839 (qui lui valut une réplique de Louis-Napoléon Bonaparte).

SOURCES : Arch. Nat., BB 18/1370 (dossier des poursuites de 1838) et BB 18/1394 (tournée de propagande de juin à septembre 1841). — Arch. PPo., A a/421. — Arch. Dép. Paris (Seine), registres d’écrou DY/4 11-5428 ; DY/8 7 n°21 ; DY/8 7 n°295 ; DY/8 7 n°876. — Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, M 949. — I. Tchernoff, Le Parti républicain sous la monarchie de Juillet, Paris, 1905. — Georges Weill, Histoire du Parti républicain en France (1814-1870), Paris, 2e éd., 1928. — J.-Cl. Caron, La société des Amis du Peuple (1830-1833), mémoire de maîtrise, sous la direction de Louis Girard, Paris IV, 1978. — Claude Latta, « L’insurrection de 1839 », Blanqui et les blanquistes, Société d’histoire de la Révolution de 1848 et des Révolutions du XIXe siècle (Colloque Blanqui 1981), SEDES, 1986. — Jacques Grandjonc, Communisme/ Kommunismus/ Communism. Origine et développement international de la terminologie communautaire prémarxiste des utopistes aux néo-babouvistes, Trier, Karl Marx Haus, 1989, p. 126-127, 179, 220. — J. Grandjonc, H. Pelger, « Gütergemeinschaft... Materialien von Carl Schapper für die Grundsätze des Bundes der Gerechten », in Walter Schmidt und Gustav Seeber (Hrsg.), Sozialismus und frühe Arbeiterbewegung, Berlin, 1989, p. 65-115. — Philippe Darriulat, Albert Laponneraye, journaliste et militant socialiste du premier XIXe siècle, Thèse de doctorat, sous la direction du Professeur Philippe Vigier, Université Paris X, Nanterre, 1990. — Notes de J. Grandjonc et J. Risacher. — Philippe Darriulat, Un enfant du siècle, Albert Laponneraye, révolutionnaire, historien et journaliste, Presses universitaires de Rennes, 2019, 271 p. – (Index des personnages).

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