LEDRU-ROLLIN Alexandre, Auguste

Né le 2 février 1807 à Paris, mort à le 31 décembre 1874 à Fontenay-aux-Roses (Seine) ; avocat ; homme politique démocrate « radical ».

Alexandre Ledru-Rollin
Alexandre Ledru-Rollin

D’une famille de bourgeoisie parisienne connue, Alexandre Ledru était le petit-fils du prestidigitateur Ledru, dit Comus, professeur de physique des enfants de France, et le fils du docteur Ledru.

Avocat en 1830, Alexandre Ledru ajouta à son nom celui d’une de ses grands-mères : Ledru-Rollin, pour ne pas être confondu avec son confrère Charles Ledru*.

Ledru-Rollin acquit rapidement une réputation au barreau et dans le parti républicain. En 1832, il publia une consultation contre l’état de siège ; en 1834, il fit paraître un mémoire sur les massacres de la rue Transnonain ; en 1835, pour sa défense de Marc Caussidière* au Procès d’avril, il obtint les louanges de Raspail* dans Le Réformateur ; en 1837, à propos de l’attentat Meunier*, il enleva l’acquittement de Lavaux, complice de Meunier ou prétendu tel, et en 1838 l’acquittement du Journal du Peuple qui avait inséré une adresse des travailleurs anglais aux travailleurs français.

Directeur du Journal du Palais dès 1834, il fut l’auteur de travaux juridiques appréciés. Il avait de la fortune et en aura davantage du chef de sa femme. Membre du Comité central de l’opposition démocratique, il se présenta aux élections générales de 1839 dans la circonscription de Saint-Valéry-en-Caux (Seine-Inférieure) et se fit battre. Il fut élu par contre le 24 juillet 1841 par 123 voix sur 127, à une élection partielle au Mans en remplacement de Garnier-Pagès* aîné qui venait de mourir. L’année suivante, aux élections générales, il conserva le siège du Mans, et il le conserva encore au renouvellement de 1846.

Au cours de sa campagne électorale de 1841, il avait affirmé son attachement à la République démocratique et sociale. Les autorités orléanistes ouvrirent alors une série de poursuites contre ses amis politiques du Mans et contre lui-même. Non seulement l’« affaire Ledru-Rollin » traîna en longueur et se termina par des acquittements, à la confusion du ministère public, mais la réputation de Ledru-Rollin comme ami des ouvriers atteignit son maximum.

Ledru-Rollin plaida à la fin 1841 devant la Cour des pairs pour Dupoty* impliqué pour "complicité morale" dans l’affaire Quénisset* et des Travailleurs égalitaires. Il devint avocat à la Cour de cassation.

Dès la session de 1842, il se fit remarquer par ses interventions sur les fonds secrets, la réforme de la législation criminelle, l’agiotage sur les chemins de fer, la loi sur les annonces judiciaires.

C’est lui qui fournit la plus grande partie des fonds en 1843 pour créer La Réforme. Le journal parlait du droit au travail et faisait ouvertement aux ouvriers la proposition de soutenir l’opposition radicale afin d’améliorer leur sort. Ledru-Rollin traita ce thème lui-même et par exemple dans la brochure Aux Travailleurs, Paris, 1844, in-16, 15 pages, brochure à laquelle George Sand* s’associa expressément dans L’Éclaireur de l’Indre.

« La discussion du paragraphe de l’adresse relatif au fameux voyage de Belgrave-Square, fut pour Ledru-Rollin, en 1844 l’occasion d’un [magnifique] triomphe. » Il combattit de nouveau le projet de loi sur les fonds secrets. Il intervint sur les brevets d’invention, l’abolition de l’esclavage, les troubles de Rive-de-Gier.

Au cours de la session de 1845, il combattit le projet d’armement des fortifications de Paris, et tenta de faire abolir le timbre, impôt sur les journaux et écrits périodiques.

A celle de 1846, il s’éleva avec force contre la « fusion dynastique »
Organisateur de la campagne des banquets en 1847, Ledru-Rollin fit tout naturellement partie du Gouvernement provisoire le 24 février 1848. Le ministère de l’Intérieur lui fut confié. Sa conduite y fut trop républicaine pour lui concilier la bourgeoisie conservatrice, notamment le 17 mars et le 16 avril, et trop peu démocratique et sociale pour satisfaire le mouvement populaire. Il intervint dans la préparation des élections en faveur des candidats républicains, aidé par George Sand* entre autres, et il prit position contre les clubs socialistes et communistes. Contre Auguste Blanqui* il joua son rôle dans la production du document Taschereau.

Élu le 23 avril à l’Assemblée constituante par Alger, par la Saône-et-Loire et par la Seine, il fut le dernier des cinq membres désignés par l’Assemblée à la Commission du pouvoir exécutif. Les Journées de Juin, en faisant disparaître le 24 la Commission du pouvoir exécutif par la nomination du général Cavaignac comme unique chef de ce pouvoir, éliminèrent définitivement Ledru-Rollin du gouvernement. Candidat à la présidence de la République le 10 décembre en qualité de républicain démocrate, il recueillit 370 119 voix, dix fois plus que Raspail certes, mais combien de fois moins que Cavaignac (1 448 107) et que Louis-Napoléon (5 434 226 voix) !

Le voici maintenant à la tête de l’opposition démocratique ou Montagne. On peut suivre à travers ses discours le lent passage de Ledru-Rollin à la Montagne : le 8 août 1848, il s’éleva contre le cautionnement des journaux, au nom de la presse démocratique et pauvre ; le 8 septembre, il parla du droit au travail en termes sympathiques ; le 3 décembre il prit la parole au banquet démocratique et socialiste des Écoles de Paris-Bordeaux, dont le compte-rendu fut publié ; en mars 1849, il attaqua la politique italienne du ministère qui était ouvertement hostile à la République romaine. Il retrouva sûrement de la popularité dans ce retour sans ambiguïté vers la République démocratique et sociale. Preuve en est qu’il fut choisi aux élections de mai 1849 comme représentant par cinq départements à l’Assemblée législative.

Chef incontesté de la Montagne à la Législative, il ne le demeura que durant moins d’un mois : l’insurrection manquée du 13 juin l’obligea à s’exiler. À Londres, il s’efforça avec d’autres proscrits européens, tels que Mazzini et Kossuth, d’organiser d’en haut un nouveau 1848. Les événements changeaient, les hommes se renouvelaient, Ledru-Rollin en revenait toujours à sa gloire du 24 Février, jour où, forçant les indécisions de collègues du Gouvernement provisoire comme Marie, qui se seraient contentés d’une régence, il avait fait triompher la République, parce qu’il avait derrière lui la force populaire.
Il s’identifiait d’ailleurs avec la République de 1848 en France au point que crier « Vive Ledru ! » sous l’Empire signifiait pour la police être partisan de « l’anarchie », heureusement vaincue par le coup d’État.

Rentré en France en 1869, ami de Delescluze, Ledru-Rollin assista en spectateur à la fin de l’Empire. Choisi le 8 février 1871 par les trois départements du Var, des Bouches-du-Rhône et de la Seine, il donna sa démission le 19 février, conservant des relations avec Delescluze pendant la Commune, sans approuver les actes de celui-ci. L’homme politique n’était plus d’accord au fond avec personne. L’orateur populaire qui s’était efforcé au cours du Siège de Paris de reprendre contact avec la foule, et qui avait encore trouvé de nombreux auditeurs, ne parlait pas le langage du nouveau socialisme, celui de l’Internationale, et il ne reniait pas non plus la République démocratique. Le 1er mars 1874, Ledru-Rollin se présenta dans le Vaucluse et l’emporta sous l’étiquette de « républicain intransigeant ». Cette courte rentrée politique n’a aucune importance pour l’histoire.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article33646, notice LEDRU-ROLLIN Alexandre, Auguste , version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 1er juin 2021.
Alexandre Ledru-Rollin
Alexandre Ledru-Rollin

ŒUVRES : Aux habitants des campagnes. Discours des citoyens Ledru-Rollin, Félix Pyat et Pierre Joigneaux (à l’occasion du banquet tenu à Mâcon pour l’anniversaire de la révolution), Mâcon, s. d., (1849), 2 p. in folio. — Sa femme et ses amis ont réuni après sa mort les textes les plus représentatifs de sa pensée politique dans Discours politiques et écrits divers, Paris, 1879, in-8°, 2 volumes. On y trouve aussi les discours prononcés à ses obsèques par les républicains les plus notables, dont Victor Hugo.

SOURCES : Pascal Rhaye, Les Condamnés de Versailles, Paris, l’auteur, 1850. — Stanislas Mitard, Les Origines du radicalisme démocratique. L’Affaire Ledru-Rollin, Paris, 1952. — Marcel Dessal, Un révolutionnaire jacobin, Charles Delescluze..., Paris, 1952. — A.-R. Calman, Ledru-Rollin and the Second french Republic, New-York, 1922, in-8°, 453 pp. — Maurice Dommanget, Un drame politique en 1848, Paris, 1948. — Jean Dautry et Lucien Scheler, Le Comité central républicain des vingt arrondissements (septembre 1870-mai 1871), Paris, 1960.

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