Ouvrier tailleur de Nantes. Président de la Section de Nantes de la Société philanthropique des Tailleurs, et par suite responsable régional de cette organisation qui tendait à s’étendre sur une partie de la France.
Le document ci-après, lu à l’audience du tribunal correctionnel d’Angers du 1er avril 1837, parce qu’il avait été saisi dans les papiers des dirigeants locaux de la Société philanthropique, poursuivis pour avoir secouru les grévistes de la profession d’Angers et de Saumur, donne sur la structure nationale de la Société philanthropique des renseignements qui la font sortir de l’ombre. L’orthographe et la présentation du document par la Gazette des Tribunaux ont été respectés :
« Nantes, 29 octobre 1836,
« Chers philantropes,
« Les temps est arrivé où il faut connaître nos forces, afin de bien nous entendre dans nos circonstances critiques. Si Saumur avait averti toutes les sociétés philantropique avant d’agir, nous aurions pu tous ensemble leur donner des avis salutaires dans leur position. Nous leur envoyons 44 francs 40 centimes, produit d’une collecte ouverte en leur faveur. C’est bien peuts sans doute, mais nous sommes ci tellement encomblés d’ouvriers chez nous que nous ne pouvons pas y suffire. Veuillez donc engager vos sociétaires à rester chez vous jusqu’à nouvel ordre, si cela est possible, car Bordeaux, Saumur et Tour envoyent tous leurs sociétaires chez nous pour faciliter leur ogmentation. Bordeaux va commencer, Tour veut le faire aussi ; mais nous leur écrivons à ce sujet afin qu’il ne commence pas avant que la philantropie toute entière ne connaisse bien sa position. Saumur a commencé, malheureusement il n’est plus temps de le retenir, mais nous croyons que ce ne sera pas long ; ils nous ont écrit ce que vous avez fait pour eux.
« Pour resserrer nos liens de confraternité, nous avons cru prudent de choisir des points centraux, savoir : 1° Marseille, 2° Bordeaux, 3° Nantes, 4° Tour, 5° Rennes. Nantes a dans son administration central Anger, Saumur, La Rochelle, Rochefort, Lons [?], Saintes, Cognac, Nior, St-Jean-d’Angély ; Rennes à St-Malo, Lorient, et à l’avenir Brest, Quimper, Vanes, St-Brieux, Dinant ; Bordeaux aura la Gascogne ; Marseille la Provence ; et Tour ses petites villes environnantes. Vous correspondrez directement avec nous, et tous les trois mois, vous nous donnerez un état de votre société. (Suivent l’état des sommes en caisse, le nom des membres du comité, et le prix des travaux ordinaires des différents ateliers).
« Aussitôt que nous aurons l’état de toute la France philantropique, nous vous en ferons part, ce qui se fera avant un mois ci toutes les villes mette de l’activité dans leur correspondances, ce dont nous ne doutons pas, car tous seront satisfait de savoir ce que nous possédons. Ce sera le journal des philantropes ; et c’est lui qui doit nous émanciper !
« Envoyez-nous de suite l’état de votre société comme nous venons de le faire et votre adresse la moins variante, surtout ne négligez pas notre correspondance. Vous mettrez sur le pain à cacheté de vos lettres le petit timbre qui sert à marquer vos cotisations comme nous le faisons dans la présente afin qu’avant de décacheter nos lettres nous sachions qu’elles viennent de notre société.
Recevez nos salutations fraternelles.
« Signé Le Gay, président
Le Moigne, vice-président.
« P.S. Veuillez nous donner une adresse, la moins variante possible, où nous ne soyons pas obligés de mettre tailleur, et ne pas négliger de nous avertir quand vous changerez d’adresse. »
Il n’est pas nécessaire de commenter ce document qui prouve qu’il existait en 1836 et 1837 un véritable syndicat clandestin des ouvriers tailleurs de France, soucieux de l’embauche, de la mobilité géographique de la main-d’œuvre, du chômage, des grèves et des variations locales des salaires. Voir aussi Lefebvre*.
SOURCE : Gazette des Tribunaux, 3 avril 1837.