LOYNEL Auguste

Par Philippe Darriulat

Né à Caen en 1823, mort à Paris le 4 novembre 1849. Chansonnier.

Il fait de bonnes études secondaires à Caen et vient à Paris pour y suivre l’enseignement de la faculté de pharmacie. Il préfère cependant assez rapidement la fréquentation des goguettes – notamment les Templiers et les Amis de la vigne à Ménilmontant - à celle des amphithéâtres. Ayant adopté une vie de « bohème » il écrit de nombreuses chansons : une cinquante pendant sa courte carrière d’auteur qui s’écoule de 1842 à 1849. Pour la période qui précède la révolution de février nous n’avons conservé aucune de ses productions et les seules informations dont nous disposons viennent de Bachimont. Il aurait alors composé des chansons mélancoliques ou gaies, chansons à boire et chansons d’amour, mais peu ou pas de textes politiques. Il lui arrivait aussi d’écrire ses propres musiques : le Chant des travailleurs d’E. Petit devait être interprété sur l’air des Montagnards de Loynel. En 1848 il propose de nombreux couplets militants et c’est même lui qui écrit la préface au recueil La Voix du peuple ou les républicaines de 1848. L’essentiel de son propos est alors de défendre la réputation des chansonniers ouvriers tout en leur fixant une mission éminemment politique : « Malheur à ceux qui n’ont pas compris que la chanson populaire était et est encore la véritable expression des sentiments du peuple éclairé, qui, depuis longtemps, a compris que la domination de cette reine que l’on nomme la démocratie sociale, était seule capable de briser les liens dont la misère l’étreint chaque jour ! » Il chante alors tous les thèmes chers à la gauche républicaine : la cause polonaise – A la Pologne – le soutien aux députés de la Montagne – le Chant des Montagnards – l’espoir d’une régénération morale de la nation rendue possible par la révolution – Les Hommes de l’avenir. Il écrit beaucoup à propose des journées de juin 1848 : Les orphelins de juin 1848, Les Martyrs de juin 1848, L’Amnistie, Aux Mânes des généraux mort pour la République, Aux déportés. Il vit ces événements comme un drame, plaignant avec les mêmes accents les victimes des deux camps, demandant aux vainqueurs de respecter les vaincus et témoignant d’une évidente angoisse sur l’avenir de la République. Sa volonté de mettre sur le même plan les insurgés et ceux qui les ont écrasés est un peu remise en cause lorsqu’il écrit, pendant la période de la préparation de l’élection présidentielle, La Candidature en dèche ou le dégommé, un texte dirigé contre Cavaignac bourreau des « journées de juin ». Tout comme Festeau avec lequel il est lié, il propose un Peuple français à Louis-Napoléon Bonaparte rédigé au lendemain de l’élection de ce dernier à l’Assemblée. Cette chanson demande à l’ancien exilé de se faire « républicain » tout en le menaçant : « Si tu cherchais à monter sur le trône,/ Le sang pourrait arroser ton chemin. » Dans A bas les prétendants il va bien plus loin, dénonçant celui qu’il appelle un « faible débris de la race impériale » comme un de ces « fous dont la rage insensée » prépare une restauration. En 1849, il semble qu’il se soit radicalisé, apportant son soutien à Blanqui et aux accusés du 15 mai 1848 – Aux Juges et aux condamnés de la haute-cour de Bourges – tout en affirmant avec force ses convictions socialistes contre les « bleus et les blancs » qui se sont ligués depuis la chute de la monarchie pour multiplier les « lois antisociales » (Le Dernier mot). Il fréquente alors la goguette l’Assommoir à Belleville pour laquelle il écrit une chanson – L’Assommoir de Belleville, romance trouvée dans les ballades de Fanfan Chaloupe - et meurt misérable et totalement alcoolique.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article34176, notice LOYNEL Auguste par Philippe Darriulat, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 24 août 2017.

Par Philippe Darriulat

SOURCES et bibliographie : AN, ABXIX 721(collection Bachimont). — Henri Avenel, Chansons et chansonniers, Paris, C. Marpon et E. Flammarion, 1890. — Philippe Darriulat, La Muse du peuple, chansons sociales et politiques en France 1815-1871, Rennes, PUR, 2010. — Pierre-Léonce Imbert, La Goguette et les goguettiers, étude parisienne, 3ème édition, Paris 1873. — Alphonse Leclercq « Les Goguettes d’autrefois » dans Les Échos parisiens, artistiques et littéraires, n°3, 5 et 7, 1re année, juin, juillet et août 1873.

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