MACÉ Armand, Louis

Par Gérard Boëldieu

Né le 27 janvier 1821 à Alençon (0rne) ; lieu et date de décès inconnus ; instituteur dans la Sarthe ; républicain ; révoqué par le comité d’instruction de l’arrondissement de Mamers (Sarthe) le 28 juillet 1849 ; sanction confirmée par le ministre de l’Instruction publique le 2 novembre suivant ; condamné par la commission mixte de la Sarthe en février 1852.

Armand Macé, ainsi que ses deux sœurs nées en 1817 puis 1823, vint au monde dans une famille de tisserands alphabétisés du chef-lieu de l’Orne. Ses parents s’installèrent ensuite à Bourg-le-Roi, petite commune du nord de la Sarthe, proche d’Alençon (580 habitants en 1831). Son père, Pierre Marin Macé, en devint en 1832, à 35 ans, le premier instituteur communal après obtention du principal du collège de Mamers (Sarthe) d’un brevet de capacité du 3e degré (lire, écrire, compter). L’école étant mixte, sa fille aînée, Amanda, le secondait. Pierre Marin Macé possédait la maison qui servait d’école. À sa mort en 1863, Amanda lui succéda, jusque vers 1875.

Armand Macé devint à son tour instituteur, sans avoir été élève d’une école normale primaire. Breveté du degré élémentaire en 1839, il débuta sa carrière d’instituteur à Aillières (aujourd’hui Aillières-Beauvoir), petite commune (640 habitants en 1836) à l’orée de la forêt de Perseigne. Il y resta un an. De même à Saint-Rémy-du-Plain (aujourd’hui Saint-Rémy-duVal) son poste suivant où il exerça comme instituteur privé. Le 5 août 1840 il y épousa Victoire Honorine Dessay, âgée de 22 ans, fille du percepteur. En 1841, Massé passa, en tant qu’instituteur communal cette fois, à Rouessé-Fontaine (580 habitants), commune proche de Bourg-le-Roi. Devenu père de deux petites filles nées le 3 février 1841 puis le 24 novembre 1842, il s’employa à tenter d’améliorer sa position professionnelle et financière. Pendant deux ans, il travailla en vue de l’obtention du brevet supérieur qu’il réussit en avril 1843. Dans une lettre au Recteur d’Angers datée du 19 septembre 1843, il affirma qu’ayant vécu jusque-là grâce « aux avances de sa femme et à des emprunts », il devait chercher ailleurs pour faire vivre ses enfants. Il était prêt à accepter la place de maître d’études qu’on lui proposait au collège d’Alençon. Ayant tiré un bon numéro à la conscription, il se croyait libre c’est-à-dire exempté d’engagement décennal. Il supplia donc le Recteur de le laisser aller. Sans attendre la réponse, il remit sa démission au maire et quitta Rouessé-Fontaine. Le 10 octobre, l’inspecteur des écoles de la Sarthe Édouard Solaire dénonça au même Recteur Macé pour avoir quitté son poste sans autorisation de l’administration, sans lettre d’exeat et engagement décennal en cours. Menacé d’être traduit devant le comité d’arrondissement pour abandon de poste, Macé reprit son poste une semaine plus tard. Devenu veuf le 11 décembre 1843, il déserta à nouveau pour Alençon, encouragé, semble-t-il, par Julien Chassevant, régent de mathématiques au collège d’Alençon et fouriériste. (À ce propos, l’inspecteur Solaire parle, malheureusement sans préciser, de « l’influence » de Chassevant sur Macé, tout en déplorant que le père de ce dernier, malgré des tentatives, n’en ait eu aucune pour dissuader son fils). Cette affaire se termina par un blâme assorti de quelques circonstances atténuantes : la jeunesse de Macé ; le fait qu’il aurait été mal conseillé ; sa détestation des lieux où il perdit sa femme. Présenté en mai 1844 par l’inspecteur Solaire comme un instituteur « capable et entendant bien la direction d’une école », Macé fut agréé par le conseil municipal de Vivoin, entre Alençon et Le Mans (1337 habitants en 1846). Alors qu’à Rouessé-Fontaine l’effectif hivernal des élèves, payants et gratuits, était de l’ordre d’une dizaine, à Vivoin, il pouvait, à l’arrivée de Macé, atteindre soixante-dix. Le 28 juin 1845, Macé se remaria avec Marie
Boucher, âgée de 18 ans, originaire de Vivoin, fille d’un fabricant de toile. Le 18 août 1848, une fille naquit.

Des plus favorables à la Révolution de février 1848, Macé proclama publiquement, par voie d’affiche, à Vivoin et ses alentours, son adhésion à la Seconde République envisagée comme émancipatrice du « joug de la superstition et du despotisme ». Le 24 février 1848, au chef-lieu de son canton, dans une réunion officielle d’instituteurs en faveur de la République, il se fit remarquer en demandant à ses collègues de refuser aux curés, membres de droit des comités d’instruction locaux, l’entrée de leur école. Suivant les consignes du ministre Hippolyte Carnot aux instituteurs de faire aimer la République, il créa et présida « tous les soirs » un cours d’adultes. Il fit jouer des comédies. Il fit de la propagande dans les environs en allant de cabaret en cabaret. Ces propos anticléricaux voire antireligieux et ces initiatives inquiétèrent le curé de Vivoin, François Chochon, qui déjà avait reproché à Macé « d’aller peu à la messe ». Surveillant l’instituteur de près, il l’accusa de ne pas donner l’exemple de la modération, de bafouer la morale en acceptant hommes et femmes dans son cours d’adultes transformé, selon lui, en « club », et en ayant, dans une comédie, fait se travestir sa femme en jeune veuve recherchée par deux amants. Partisans de l’instituteur (dont le nouveau maire élu en septembre 1848 qui fit de Macé son secrétaire) et partisans du curé s’affrontèrent. Dans la région, des rumeurs sur la conduite passée de Macé à Aillières et Rouessé-Fontaine circulèrent. Le curé Chochon demanda plusieurs fois à Macé de solliciter une autre commune. Vainement. Le conflit entre Macé et le curé atteignit un paroxysme le 13 mars 1849 à l’occasion d’une inspection par le nouvel l’inspecteur des écoles de la Sarthe, Jean-Marie Dalimier, assisté du comité d’instruction local au complet, (maire, adjoint et curé). D’entrée, Macé formula des récriminations contre le curé puis se retira. Un procès-verbal de la séance fut immédiatement rédigé. Pressé par le maire et l’adjoint, dans un souci d’apaisement, de s’expliquer avec son inspecteur, Macé finalement y consentit. Le lendemain, dans une commune voisine, accompagné du maire et de l’adjoint, Macé rencontra Dalimier qui accepta des excuses écrites et promit de ne pas sévir après cette « insubordination ». L’inspection, sans exclusion du curé cette fois, eut lieu le 13 juin. Macé lui-même reconnut que tout se passa bien. Peu après, début juillet 1849, le mot « insubordination » était à nouveau lancé contre Macé par Dalimier. Accusation grave en pleine phase réactionnaire ascendante de la Seconde République. L’inspecteur avait en effet appris que, seul des instituteurs sarthois, Macé « avait assisté au Mans à un banquet réputé socialiste, présidé par Ledru-Rollin, le 22 avril 1849 ». Initiative « contraire aux instructions du gouvernement et notamment du ministre de l’Instruction publique en date du 27 octobre 1848 ». Macé répliqua qu’il ignorait qu’il était désormais interdit aux fonctionnaires de l’enseignement d’assister aux banquets politiques, mais que s’il l’avait su il y aurait également assisté. Après avoir taxé Macé « d’exalté politique que rien ne saurait calmer », pris acte de son refus de démissionner, faisant siennes les critiques du curé et considérant l’état de division de la commune comme préjudiciable à l’école de Vivoin, Dalimier le traduisit devant le comité d’instruction de l’arrondissement de Mamers qui, le 28 juillet 1849, le révoqua par 9 voix contre 4. Sanction confirmée par le ministre le 2 octobre suivant. L’administration s’intéressa aussi à son père. Dans une lettre du 2 mars 1850 au sous-préfet de Mamers, ce dernier déclara que n’étant « par principe et par position sociale ni communiste ni socialiste » il était « franchement républicain, parce que la France doit être lasse des révolutions et que c’est le seul gouvernement qui puisse l’en préserver ».

Macé resta à Vivoin où il se fit instituteur privé tout en continuant ses fonctions de secrétaire de mairie. Il poursuivit sa propagande républicaine très activement. La division de Vivoin persista. En juin 1850, sous la pression des ennemis de Macé et dans l’impossibilité d’établir « des rapports pour le bien et la tranquillité avec le curé » , le maire démissionna mais fut reconduit peu après par 7 conseillers municipaux sur 11. Veuf à nouveau le 3 juin 1851, Macé se remaria à Vivoin avec Marie-Louise Desnos, 27 ans, originaire de Ponthoin, commune proche, fille d‘un cultivateur. Des trois femmes de Macé, elle fut la seule à ne pas signer l’acte de mariage.

Après le coup d’État du 2 décembre 1851, Macé, après son exclusion de l’enseignement primaire par le préfet en vertu de la loi Parieu du 11 janvier 1850, passa le mois suivant devant la commission mixte de la Sarthe. Présenté ainsi : « ex-instituteur révoqué à Vivoin ; ancien secrétaire d’un homme faible ; a fait beaucoup de mal dans cette commune après sa révocation et dans laquelle il a conservé une dangereuse influence ; très mauvais, très astucieux et incorrigible » il fut condamné à « la surveillance avec interdiction de la Sarthe ». Ce qu’il interpréta : condamné, lui et sa famille, à mourir de faim. Courant mars, il quitta Vivoin pour Alençon. Sa conduite dans l’Orne ne donnant lieu à aucun reproche, le 24 décembre 1852 sa peine fut commuée en « simple surveillance ». Après cette date, on perd sa trace.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article34231, notice MACÉ Armand, Louis par Gérard Boëldieu , version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 18 avril 2020.

Par Gérard Boëldieu

SOURCES : État-civil d’Alençon, de Rouessé-Fontaine, de Vivoin, consulté sur le site des archives départementales de l’Orne et de la Sarthe. — Archives dép. Sarthe : série T (l’absence de dossiers individuels d’instituteurs pour la période antérieure à la IIIe République été palliée par la consultation de dossiers communaux, de dossiers concernant la correspondance des instituteurs avec leurs inspecteurs, les rapports hebdomadaires entre ces derniers et leurs Recteurs, ceux des prrocès-verbaux des comité d’instruction d’arrondissement, etc…dont la cotation, dernièrement modifiée, exige la consultation d’une table de correspondance avant reclassement de la série) ; 3 M 344 administration communale de Vivoin 1848-1852 ; 4 M 422 à 433, 4 M 431 condamnations prononcées à la suite du coup d’État. — --- Cosnier Colette, Desmars Bernard, « Chassevant, Julien », Dictionnaire biographique du fouriérisme.

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