MARTIN Félix

Courtier en soie lyonnais. Après la révolution de Février, il fut un des fondateurs de la société secrète dite Société des Mutuellistes, membre du comité exécutif qui administra Lyon, et de la commission d’organisation du travail du Palais Saint-Pierre ; il se montra « l’un des coryphées du socialisme ».

Après que, le 5 juillet 1848, la Constituante eut voté un crédit de 3 millions pour encourager les associations ouvrières de production, Félix Martin, avec Ennemond Brosse* comme sous-gérant, créa une association des unis, des façonnés et des velours, sous le nom de Fabrique d’étoffes de soies unies. Elle groupait des ouvriers qui voulaient créer à Lyon un comptoir d’achat et de vente de soies à ouvrer et de vente d’étoffes de soie. Le groupe des façonnés était dirigé par Drivon-Fleuri*, ancien membre du Comité exécutif provisoire de la commune de Lyon, celui des velours par Eugène Cornu*, maire de la Guillotière, ancien mutuelliste, et membre de la Société des Droits de l’Homme.
Félix Martin chercha d’abord à obtenir de l’État un prêt de 250 000 francs. Ce fut François Coignet, délégué du Comité du travail à Paris, qui négocia l’affaire auprès de l’administration et du ministre. Il eut à lutter contre l’hostilité du Comité du travail lyonnais qui s’efforçait de prévenir le ministre contre l’association de Félix Martin, dont les statuts, semble-t-il, ne renfermaient rien quant à l’égalité des salaires et à la subordination du gérant. La subvention accordée au début de 1849 ne fut que de 200 000 francs. La société, définitivement constituée en mai 1849, comprenait 92 adhérents ayant souscrit plus de 300 parts de 100 francs. Félix Martin, à l’unanimité, fut désigné comme gérant. Un premier versement de 100 000 francs lui fut fait en juillet. Mais des luttes intestines éclatèrent. Gauthier, conseiller municipal de la Guillotière, réussit à faire entrer dans la société, sans souscription d’aucune part, une cinquantaine d’ouvriers de son quartier qui combattirent à outrance le gérant. Finalement, Félix Martin obtint leur exclusion. Mais, devant les difficultés nées du désordre, devant la discorde entretenue par de fréquents incidents du même genre, on fut amené à proposer la dissolution de la société.
Félix Martin trouvait en effet son autorité insuffisante. Il estimait nécessaire une véritable dictature du gérant pour expulser « les mauvais sujets » et imposer la discipline du travail et il proposa lui-même la dissolution. Elle fut approuvée par la commission de surveillance et entérinée par le ministre qui révoqua le prêt. Le 17 avril 1850, la société cessait toute activité ; l’actif était très inférieur au passif. Martin désabusé, écrira au préfet : « L’esprit d’association n’existe pas, j’ai poursuivi une chimère. En réalité, je n’ai trouvé que l’intérêt individuel, avide et agressif, le sentiment des droits poussé et converti en exigences insatiables, celui des devoirs nul. » Il n’avait donc plus confiance dans l’association des producteurs pour obtenir la suppression du salariat.
Les autorités le soupçonnèrent de s’être servi de l’association pour en faire un organisme de propagande socialiste. On prétendit qu’il avait dit : « Nous avons là une véritable association socialiste qui fera bientôt sentir tous ses effets. » Après les événements de Juin 1848, il devait être arrêté, ainsi que son sous-gérant Ennemond Brosse, mais on dut les relâcher faute de preuves. Voir Chardonnet Jean-Claude*

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article34615, notice MARTIN Félix , version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 6 août 2021.

SOURCES : Arch. Nat., BB 30/1473, doss. 6.930 A. — O. Festy, « Les deux associations ouvrières lyonnaises « encouragées » par application du décret du 5 juillet 1848 » (Revue d’Histoire de Lyon, t. XI, 1912). — J. Gaumont, Histoire générale de la Coopération en France, t. I.

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