MATHÉ Antoine, Amédée, Félix

Par notice complétée par Gauthier Langlois

Né le 18 mai 1808 à Cosne-sur-l’œil (Allier), mort le 5 mars 1882 à Moulins (Allier) ; étudiant en droit puis négociant ; militant républicain démocrate, membre de la Société des droits de l’Homme et exilé en Belgique sous la monarchie de juillet, député de l’Allier sous la Seconde République ; proscrit exilé à Jersey suite au coup d’État du 2 décembre 1851, oncle et père adoptif de Pierre Félix Mathé, député de l’Allier et Henri Mathé, député de la Seine.

Félix Mathé portant l’écharpe de député en 1848
Félix Mathé portant l’écharpe de député en 1848
Galerie des représentants du peuple (1848).

Il était fils d’un couple de propriétaires aisés de Moulins, Pierre Mathé et Marie-Anne Mallet. Il avait un frère, Charles Lucien qui était marchand de bois.

Il fit ses études à Moulins, puis son droit à Paris. Nous ne connaissons pas la nature de ses relations de jeunesse avec Auguste Blanqui, mais elles étaient sans doute anciennes et basées sur la confiance, comme en atteste la liste des nombreuses lettres saisies en 1839 dans les papiers de Blanqui, à lui adressées par divers membres de la famille Blanqui depuis 1823 (il n’avait que 15 ans), en 1825 à Grenoble (Isère), en poste restante, en 1826 à Vidalon (Ardèche), dans une auberge à Saint-Laurent-du-Var, en poste restante à Dijon, Valence, Avignon. Il en recevait aussi d’Étienne de Canson, grand ami de Blanqui et sans doute ami commun. Certes, nous ne connaissons pas le contenu de ces lettres qui avaient été restituées à la femme de Blanqui et détruites depuis. Lui étaient-elles réellement adressées ou servait-il de boîte aux lettres ou de prête-nom ? Pourquoi figuraient-elles dans les archives de Blanqui avant d’être détruites ? Quelles que soient les réponses, que ces documents se soient trouvés dans les papiers de Blanqui signifie des relations anciennes et privilégiées. Blanqui le cite d’ailleurs souvent comme témoin de ses activités.

Félix Mathé fut l’un des neuf étudiants en droit décorés de Juillet, membre du Comité de la Société des Écoles et de la Société des Amis du Peuple. En mars 1831, il demeurait en garni 15, rue des Cordiers (XIe arr., maintenant partie de la Sorbonne, Ve). Il fut écroué le 16 mars 1831 à La Force puis Sainte-Pélagie pour provocation au crime et outrage à un commandant de la force publique, de nouveau écroué à Sainte-Pélagie en juin 1832 sous l’inculpation de détention d’armes et libéré par ordonnance le 13 juillet 1832. Membre de la Société des Droits de l’Homme, dont il était commissaire d’arrondissement. En septembre-octobre 1833, il fut avec Napoléon Lebon, Jean-Jacques Vignerte, Buonarroti, Voyer d’Argenson, Berrier-Fontaine et des ouvriers comme Zael Efrahem et le tailleur Grignon, l’un des membres du Comité d’action ou Commission de propagande fondé au sein de la SDH (en opposition aux républicains modérés) pour organiser et instruire les ouvriers. C’est à l’initiative de cette commission que devait être créé le journal ouvrier L’Association (dont seul un fragment d’article est connu).En outre, ayant soutenu les grèves des tailleurs et des fileurs parisiens en novembre et décembre 1833 et sans doute celle des ouvriers cambreurs, dès le 8 décembre 1833, lors d’une réunion de la Commission chez Lebon et Vignerte, 27, rue Saint-Jean-de-Beauvais (XIIe arr. ancien, maintenant Ve), Berrier-Fontaine, Lebon, Vignerte et lui furent arrêtés en compagnie d’une dizaine d’ouvriers, dont le serrurier François Allard, le cambreur Étienne Dupuis* et le bonnetier Zéphir Seigneurgens, etc., inculpés, comme Grignon et Efrahem, déjà incarcérés, d’être les « instigateurs des coalitions d’ouvriers » (Étienne Cabet), ce pour quoi ils furent condamnés à trois ans de prison (25 avril 1834), puis, sur appel du procureur général, à cinq ans de prison et à cinq années de surveillance de haute police (octobre 1834). Il demeurait, lors de son arrestation, en garni, 1, rue de la Tour d’Auvergne (IIe arr., maintenant IXe). Félix Mathé fut en plus inculpé pour les journées insurrectionnelles d’avril 1834. Après s’être vu refuser la défense de Philippe Grouvelle, il participa à l’évasion collective du 12 juillet 1835. Il fut condamné par contumace à 10 ans de détention et à la surveillance à vie le 23 janvier 1836.

Après son évasion, Félix Mathé, se réfugia en Belgique où il participa avec Émile Labrousse* à la création d’une École centrale de commerce en 1837. Il en revint pour reprendre les affaires de son frère, décédé en 1840, et faire commerce de bois à Moulins, sans attendre, semble-t-il, l’amnistie des contumaces. Il y épousa, le 22 février 1842, Marie-Esther Bigot (1812-1860), fille d’un couple de propriétaires et veuve de son frère Charles Lucien Mathé. Ce n’était sans doute qu’un mariage de convenance, destiné à élever les deux enfants de son frère et de sa femme : Pierre Félix (1834-1911) et Henri Mathé (1837-1907), qu’il adopta en 1860. Car Félix semble avoir vécu peu de temps avec son ex-belle-sœur et n’a eu aucun enfant avec elle.

Commissaire du gouvernement puis député de l’Allier, en 1848, à la Constituante, en 1849 à la Législative, il fut à l’extrême gauche et demanda la mise en accusation de Louis-Napoléon Bonaparte et de ses ministres. Montagnard, il avait adhéré en 1849 à l’Adresse au Peuple.

En 1851 il partageait son temps entre son domicile parisien du 30 rue de Bourgogne et son domicile de Moulins, où il était qualifié de propriétaire. Poursuivi pour son opposition au coup d’État du 2 décembre 1851, il fut désigné, par la commission militaire de Paris, pour être déporté à Cayenne par le décret du 9 janvier 1852. La Commission mixte de l’Allier notait : « Chef avoué du parti socialiste. Ancien commissaire du gouvernement en 1848 dans le département de l’Allier. A perdu ce département par la propagande active qu’il a exercée. Président des sociétés secrètes de l’Allier. Homme dangereux à tous égards. Chef du Comité de salut public organisé à Moulins. »

N’ayant sans doute pas été arrêté, il se réfugia, avec son neveu Henri, en Belgique puis s’installa à Jersey. Il participa aux activités politiques des proscrits et notamment à une déclaration publique datée de Saint-Hélier, 9 avril 1853, signée également par Antoine Serre, Prosper Jeannin, Constantin de Vallerot, François Bourachot et Grand. Membre de la société la Fraternité, il fut chargé par celle-ci —avec l’avocat Gustave Ratier, le cordonnier Arsène Hayes, les conducteurs de travaux Adolphe Rondeau et Étienne Henry— d’instruire l’enquête sur le proscrit Julien Hubert. Il était présent le 21 octobre 1853 à l’assemblée générale des proscrits républicains résidant à Jersey, qui déclara Julien Hubert comme espion et agent provocateur de la police de Napoléon III.

Il semble être revenu après l’amnistie de 1859, sans doute après le décès de son épouse, le 5 mars 1860 à Moulins. Avant de partir il laissa la dédicace suivante dans l’Album photo de Philippe Asplet, ami des proscrits : « A Philippe Asplet, au digne citoyen de Jersey, dont les sympathies pour les proscrits de Bonaparte et pour la cause qu’ils soutiennent, a résisté à de tristes déceptions, souvenir de profonde estime et d’amitié inaltérable. Mathé Félix. » Revenu en France, il adopta ses deux neveux, Pierre Félix et Henri, suivant jugement du 22 décembre 1860 du tribunal civil de Moulins, confirmé le 24 janvier 1861, par arrêt de la cour d’appel de Riom. Candidat aux élections législatives, il obtint des voix aux élections du 1er juin 1863 et du 8 février 1871 mais ne fut pas élu.

Il a laissé dans le département de l’Allier le souvenir d’un démocrate bourgeois ami de la paysannerie et de la classe ouvrière. Voir Madet Charles.

Ses fils adoptifs firent carrière politique : Pierre Félix Mathé devint député de l’Allier et Henri Mathé, député de la Seine.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article34727, notice MATHÉ Antoine, Amédée, Félix par notice complétée par Gauthier Langlois, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 17 juin 2022.

Par notice complétée par Gauthier Langlois

Félix Mathé portant l'écharpe de député en 1848
Félix Mathé portant l’écharpe de député en 1848
Galerie des représentants du peuple (1848).

SOURCES : Archives de l’Allier, Acte de mariage, Acte de décès de son épouse. —Archives nationales, CC 728 N° 462. — Cour des Pairs, Affaire du mois d’avril 1834. Rapport fait à la Cour des Pairs par M. Girod (de l’Ain), Imprimerie royale, Paris, 1834-1836, vol. 6, 11. — Tableau synoptique des accusés d’avril jugés par la cour des Pairs établi par Marc Caussidière, Lyon, imprimerie de Boursy fils, 1837, Arch. Nat. BB 30/294, Bibl. Nat. in-4° Lb 51/24984. — Cour des Pairs. Procès politiques, 1830-1835, Inventaire dressé par J. Charon-Bordas, Paris, Archives Nationales, 1983, CC 592 d 1 N° 368. — Cour des Pairs. Procès politiques, 1835-1848, Inventaire dressé par J. Charon-Bordas, Paris, Archives Nationales, 1984, CC 728 n° 462. — Bibl. Royale, Bruxelles, diverses brochures école Centrale de Commerce et d’Industrie. — Maison de Victor Hugo - Hauteville House à Guernesey, Album Philippe Asplet, fol. 10. — « Arrestation de la Rue Saint-Jean-de-Beauvais », La Tribune, 12 décembre 1833. — Gazette des Tribunaux, 26 avril-11 octobre 1834. — À la France. L’agent provocateur Hubert, Jersey : imp. universelle, [1853]. — Victor Hugo, « 1853-L’espion Hubert », Œuvres inédites de Victor Hugo. Choses vues, 1888, p. 291-330. — Robert, Bourloton et Cougny, « Antoine Amédée Félix Mathé », Dictionnaire des Parlementaires français. — André Leguai, « Un républicain de 1848 : Félix Mathé », La Révolution de 1848 à Moulins et dans le département de l’Allier, Moulins, 1950, p. 133-162. — H. Wouters, Documenten betreffende de Geschiedenis der Arbeidersbeweging (1831-1853), 3 vol., Louvain, Paris, 1963. — Jacques Grandjonc, Communisme, Kommunismus, Communism. Origine et développement international de la terminologie communautaire prémarxiste, des utopistes aux néo-babouvistes, Trèves, Schriften aus dem Karl-Marx-Haus, 1989, t. 1. — J.-C. Caron, Génération romantisme, Les Étudiants de Paris et le Quartier latin, Paris, A. Colin, 1991. — L.-A. Blanqui, œuvres I. Des origines à la Révolution de 1848, textes présentés par D. Le Nuz, Nancy, Presses Universitaires, 1993. — Bert Andréas, Jacques Grandjonc, Hans Pelger, Association Démocratique, ayant pour but l’union et la fraternité de tous les peuples. Eine frühe internationale Vereinigung in Brüssel 1847-1848, Trier, Karl Marx Haus, 1996. — Jeanne Gilmore, La république clandestine 1818-1848, Paris, Aubier, 1997. — Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, « Mathé - Félix », Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier - (Université de Bourgogne/CNRS), [En ligne], mis en ligne le 27 août 2013. — Notice wikipedia. — Le journal d’Adèle Hugo : 1853, Paris : Lettres modernes : Minard, 1968, p. 482. — Notes de Michel Cordillot, Jacques Grandjonc, et Jean Risacher.

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