MAZURE Sophie, écrit parfois MASURE Sophie, pseudonyme d’écrivain DAZUR Francis

Par Laurence Dupérier

Née le 1er mars 1801 à Niort, morte le 7 décembre 1870 ; séduite pendant une courte période par le saint-simonisme (elle est proche par certaines idées des rédactrices du Journal LaTribune des femmes), elle fut empreinte d’une sorte de « féminisme » chrétien.

Fille de François Alexandre Mazure qui fut inspecteur général de l’université impériale, elle était donc issue de la bourgeoisie cultivée.
A la mort de son père, elle éprouva de grandes difficultés financières. Malgré une pension allouée par le conseil royal de l’instruction publique, elle fut obligée de subvenir à ses besoins par des leçons et des travaux littéraires mal rémunérés.
En 1829, Sophie rencontra Pierre Ballanche* qui la présenta au cercle de Mme Récamier à l’Abbaye-aux-Bois. Cette rencontre fit naître en elle des ambitions d’écrivain. Mais, vite déçue de ne pouvoir exercer ses talents de femme-auteur, elle partit le 26 Juillet 1830 pour l’Angleterre. Dès février 1831, le frère de Sophie Mazure, fonctionnaire d’influence, appuyait la demande de rapatriement de sa sœur « institutrice dans un pensionnat de demoiselles » tandis que Ballanche soutint financièrement son retour.
Le 21 août 1833, Le Journal des débats annonça la parution de Marie ou l’initiation (1er roman de Sophie) comme « le roman mystique d’une dame qui se cache sous le pseudonyme de Francis Dazur ». Son roman, certes imprégné de sa foi chrétienne, n’en abordait pas moins les problèmes de la condition féminine et des rapports entre les sexes : le personnage de Félicie justifiait sa conduite par une profession de foi virulente, réclamant ainsi pour les femmes l’application des promesses contenues dans la Charte.
D’autre part, Sophie Mazure s’intéressa au saint-simonisme qui prônait l’affranchissement des femmes et proclamait l’égalité entre les sexes. Elle se lia aussi avec les rédactrices du journal La Tribune des femmes : elle publia même un poème pour commémorer l’anniversaire de Prosper Enfantin*. Mais elle ne fut pas pour autant une adepte inconditionnelle de la nouvelle religion. En tant que chrétienne elle devait être choquée par l’appel des fondatrices de La Tribune, pour une certaine forme de liberté hors du mariage.
Mais bien que ses opinions aient divergé en de nombreux points des prolétaires saint-simoniennes, elle partageait cependant l’idée que l’amélioration de la condition féminine passait par une réforme de l’éducation des filles.
En juillet 1833, La société des méthodes d’enseignement débattit sur « les moyens de favoriser et de mettre à profit le grand mouvement intellectuel qui se manifeste chez les femmes ». Lors de cette réunion, Sophie — forte de son expérience d’institutrice ---, fut choquée par l’irréalisme de certaines participantes : ainsi naquit l’idée de réclamer pour les filles pauvres et désireuses de s’instruire, la création d’une institution qui les eût prises en charge afin de recruter parmi elles, les éducatrices des futures mères de famille.
Sophie décida donc « d’assiéger » le ministère de l’Instruction publique. Guizot qui réorganisait l’enseignement primaire, lui accorda une audience. En juillet 1834, elle lui envoya le projet détaillé d’une école normale d’institutrices auquel le ministre répondit par un non possumus financier. Sans se décourager, Sophie fit imprimer une pétition qui fut présentée à la Chambre, le 30 mai 1835, grâce à l’appui de Alphonse de Lamartine* : elle y décrivait avec vigueur la « condition malheureuse de ces enfants abandonnées de l’ordre intellectuel » qu’étaient les institutrices, et réclamait la revalorisation du métier d’institutrice grâce à des diplômes acquis après des études officiellement reconnues. La pétition fut renvoyée en vain à Guizot.
Dans une lettre datée du 26 août 1835, elle prit à partie « ce pauvre homme d’État » dont elle refusa désormais l’appui. En réponse à cette diatribe, Guizot fit supprimer la pension de Melle Mazure, allouée par le ministère.
Parallèlement à cette action en faveur de l’instruction des filles, Sophie fréquentait toujours les milieux littéraires. Dès 1830, elle rencontra Honoré de Balzac* à l’Abbaye-aux-Bois. Elle entama une correspondance avec l’écrivain et fut chargée par lui, de développer l’esquisse d’un roman qui ne vit pas le jour. Dans un article de la Revue européenne (sept. 1835), Sophie y définit de façon explicite l’apostolat de la femme auteur — sorte de sainte laïque —, qui « renonce aux joies de la féminité, pour libérer ses sœurs et panser les plaies du monde social ».
Finalement, sa rencontre avec Balzac qui prit fin vers 1836, ne lui permit pas de concrétiser ses ambitions littéraires : les deux ouvrages qu’elle souhaitait écrire, restèrent à l’état de projet.
Déçue de n’avoir pu s’affirmer en tant que femme-auteur, Sophie, qui cherchait une occasion de dévouement, la trouva bientôt dans l’épidémie de choléra qui décimait l’Italie : en octobre 1836, elle partit offrir ses services au gouvernement italien.
Physiquement affaiblie, elle revint à Paris et décida de mener une vie de retraite quasi-religieuse, vouée au service de son prochain.
En 1839, elle publia à compte d’auteur La Reine des pauvres, la véritable histoire d’une vieille voisine que son dénuement n’empêchait pas d’aider les autres. Ce livre de Sophie marqua son adieu au passé et s’inspirant de cette vie exemplaire, elle devint tertiaire franciscaine. Offrant à Dieu ses espoirs trompés, ses illusions perdues, elle était dorénavant sœur Marie des Anges.
Restant fidèle aux causes qui lui furent chères, sœur Marie des Anges rejoignit vers 1844 une congrégation qui instruisait gratuitement les jeunes filles. Le 30 décembre 1844, elle demanda au ministre de l’Instruction publique, le rétablissement de sa pension de 500 F afin d’ouvrir une salle d’asile à Bourgoin. Après l’échec de sa demande, elle revint à Paris et s’établit alors chez les carmélites. Vers la fin des années 1840, elle rencontra Michelet puis établit une correspondance avec lui.
Après la disparition de ses protecteurs (Ballanche, Mme Récamier...), ses lettres attestent de la dégradation progressive de son existence matérielle et de ses facultés psychiques. Souffrant de neurasthénie, elle mourut le 7 décembre 1870.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article34843, notice MAZURE Sophie, écrit parfois MASURE Sophie, pseudonyme d'écrivain DAZUR Francis par Laurence Dupérier, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 27 avril 2010.

Par Laurence Dupérier

SOURCES : Agnès Kettler, « De François Dazur à sœur Marie des Anges, les illusions perdues de Sophie Mazure », Année Balzacienne, 1988 n° 1 et 1989 n° 2 — Michèle Riot-Sarcey, De la liberté des femmes : lettres de dames au Globe, Paris, côté-femmes éd., 1992.

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