MOMORO Antoine, François

Par Jean Maitron

Né le 13 novembre 1755 à Besançon (Doubs), guillotiné à Paris le 4 germinal an II (24 mars 1794) comme hébertiste ; libraire, graveur en caractères, imprimeur et journaliste républicain démocrate de tendance communiste.

Après des études sur lesquelles il est impossible de se renseigner, Antoine-François Momoro, fils du pauvre cordonnier bisontin Jacques François Momoro, vint s’établir à Paris en 1788. Il y exerça, comme quantité de petits patrons et d’artisans du temps, plusieurs professions voisines. Il arrivait tout au plus à l’aisance vers 1792.
Son adhésion aux idées révolutionnaires remonte à 1789. Il fréquenta, s’il n’en fut pas l’un des fondateurs, le club des Cordeliers qui s’ouvrit en 1790 dans le district où il avait son atelier. Il y fit la connaissance de Danton, de Camille Desmoulins et de Marat, entre autres. Il participa, le 17 juillet 1791, à la manifestation républicaine du Champ de Mars contre les manœuvres de l’Assemblée constituante qui tendaient à réinstaller sur son trône un Louis XVI considéré comme irresponsable de sa fuite à Varennes, représentée fictivement comme un enlèvement du monarque par les émigrés et leurs complices en territoire français !
Durant la crise de Varennes, Momoro s’était beaucoup dépensé dans les réunions du club des Cordeliers. Il avait assuré la publication d’une quinzaine de numéros d’un Journal du Club des Cordeliers, qui demandait de prendre à l’égard du roi en fuite, puis ramené sous escorte à Paris, des positions fermes. Après la manifestation du Champ de Mars, que Bailly, maire de Paris, fit disperser de manière très sanglante par la garde nationale bourgeoise, moins heureux que Danton qui s’échappa et que Marat qui se cacha, Momoro fut emprisonné.
Militant en 1792 de la section du Théâtre-Français, nouvelle division topographique de Paris où le district des Cordeliers était venu se fondre, Momoro était bien placé pour entrer en contact avec les Fédérés marseillais qui logèrent en partie sur son territoire, et pour jouer un rôle, le 10 août, dans la chute du trône. Il entra, aussitôt après la victoire de cette insurrection décisive, dans l’administration provisoire et révolutionnaire du département. Il siégea au Directoire même. Il mena alors la vie des commissaires que la Commune insurrectionnelle de Paris et l’administration insurrectionnelle du département de Paris envoyaient en province concurremment avec les commissaires du Conseil exécutif provisoire qui était le gouvernement central mis en place par l’insurrection. Momoro s’occupait de l’approvisionnement de la capitale, mais également de l’esprit public des provinciaux, du moral des soldats. Il eut tendance, ainsi que la plupart de ses collègues, à ne faire aucune distinction entre les besognes administratives qui étaient normalement siennes et l’action politique qui devait être réservée aux seuls commissaires du Conseil exécutif provisoire.
Mais les Parisiens révolutionnaires s’attribuaient alors infiniment plus qu’un quatre-vingt-troisième d’influence en France. Ils se sentaient les éducateurs des quatre-vingt-deux autres départements. En Normandie, Momoro déclara dans un discours que si les propriétés mobilières, commerciales et industrielles, comme nous dirions, étaient garanties par la nation, sinon à jamais, du moins pour longtemps, il faudrait prochainement exploiter les propriétés foncières conformément à l’intérêt général et vendre les produits de la terre à un prix fixé par l’autorité publique. On voudrait connaître ses propos exacts, qui le firent considérer immédiatement comme un partisan de la « loi agraire » c’est-à-dire d’un partage des grands domaines et des grosses fermes, plutôt que d’une collectivisation de l’agriculture. Au même moment, Babeuf était taxé en Picardie de prêcher la loi agraire. À Paris, Tallien, prote d’imprimerie promu à un rôle politique par les événements du 10 août, dans les colonnes de L’Ami des Citoyens son journal, qui était affiché sur les murailles, promettait aussi au peuple, avant les élections à la Convention, de régler le sort des grandes propriétés foncières.
Momoro, lié maintenant d’amitié avec Chaumette, Hébert, Anacharsis Cloots, confondus par la répression du Comité de Salut public sous le nom très fallacieux d’hébertistes, continua d’être, après la fin de ses fonctions officielles, un militant populaire parisien des plus importants.
Il fut actif dans sa section à la fin du printemps 1793 quand se préparaient contre les Brissotins et les Girondins de la Convention les journées du 31 mai et du 2 juin ; très actif pendant l’automne et l’hiver 1793-1794.
Momoro, toujours Cordelier et l’un des plus sensibles aux souffrances des classes populaires, apparaît alors, dans l’hiver 1793-1794, comme déchristianisateur, comme agent de la déprêtrisation et du culte de la Raison. Sa femme, qui était fort belle, figurait, dans les cérémonies, la déesse Raison de blanc vêtue et armée d’une pique. Momoro reçut sa part des coups des Indulgents à la Camille Desmoulins. Il était un ultra-révolutionnaire. L’historien robespierriste Albert Mathiez, qui n’éprouvait guère de sympathie d’ordinaire pour les militants révolutionnaires qui avaient eu maille à partir avec le grand Comité de Salut public, et pour les hébertistes ou soi-disant tels en particulier, faisait une exception pour Momoro. Il estimait son attitude, vers ventôse an II (février-mars 1794), beaucoup plus décidée, beaucoup plus cohérente que celle de Hébert. Il le voyait allant jusqu’au bout de l’insurrection projetée contre la Convention comme un nouveau 31 mai.
Lorsqu’il apprit, en 1917, que la mère de Momoro, domestique à Besançon, était morte de chagrin, en apprenant l’exécution de son fils, laissant pour tout héritage un peu de linge, 26 livres 17 sols en numéraire et 400 livres en assignats, cette pauvreté qui lui rappelait la pauvreté de Robespierre au 9 thermidor amena sous la plume de Mathiez des éloges qui valent d’être reproduits sur celui qui s’était intitulé en 1791 « citoyen de la section du Théâtre-Français et premier imprimeur de la liberté nationale » : « ... un des principaux chefs de ce parti hébertiste qui avait essayé, pour la première fois, de traduire et de représenter les aspirations populaires contre les bourgeois nantis de la Convention [...] Élevé aux honneurs, il resta simple et profondément démocrate. Il mourut pauvre, comme il avait vécu. »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article35144, notice MOMORO Antoine, François par Jean Maitron, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 15 juin 2016.

Par Jean Maitron

SOURCES : Albert Mathiez, Le Club des Cordeliers pendant la crise de Varennes et le massacre du Champ de Mars, Paris, 1910 et 1913. — A. Mathiez, « L’acte de naissance de Momoro », in Annales révolutionnaires, t. V, 1912, pp. 396-397. — A. Mathiez, « La mère de Momoro » in Annales révolutionnaires, t. IX, 1917, pp. 544-545. — « La femme, la descendance de Momoro », Le Curieux par Charles Nauroy, Deuxième volume, p. 142.(sa femme était Sophie Fournier, petite-fille du graveur en caractère Fournier).

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