MONTLOUIS (Abbé de)

Né à Ivry-sur-Seine (Seine) le 6 floréal an XI (26 avril 1803), mort à Toulon le 22 mai 1871. Prêtre socialiste.

Son père était un riche rentier et sa mère appartenait à une famille d’imprimeurs fortunés de Clermont-Ferrand. Il fut ordonné prêtre à Moulins, puis nommé vicaire à Cusset (Allier). Il fut curé de Saint-Germain-des-Fossés (Allier) de 1828 à 1830, puis attaché à l’aumônerie de Charles X. Il devint curé de Voussac (Allier) le 1er juin 1831.
Il professa pendant longtemps, à Voussac, des opinions légitimistes, mais salua avec enthousiasme la proclamation de la République en Février 1848. Il bénit l’arbre de la Liberté, ceint de l’écharpe tricolore. Il fonda, le 14 mai 1848, un club « républicain démocrate ». Il en assuma la présidence, assisté de l’instituteur Besson*. Il y prêchait une sorte de socialisme chrétien. Le régime de Cavaignac fit fermer le club en juillet et, en septembre, l’abbé de Montlouis fut expulsé de Voussac, puis interdit par son évêque. Il refusa de se soumettre, se rendit à Paris et devint rapidement un des orateurs les plus écoutés des clubs de la capitale.
Il adhéra avec enthousiasme au programme des instituteurs socialistes établi par Pérot*, Gustave Lefrançais* et Pauline Roland*. Il organisa le banquet des prêtres socialistes imaginé par Démocratie pacifique. Le 29 avril 1849, il le présida avec les abbés Tranchant et Percy, dans le Jardin de la Liberté, 40, rue des Poissonniers. Les trois présidents étaient en soutane, il y avait une trentaine d’autres ecclésiastiques en costume laïque, et environ 600 convives, ouvriers pour la plupart. L’abbé de Montlouis y affirma entre autres choses :
« Oui, citoyens, je le dis bien haut, je suis prêtre républicain socialiste, un de ceux qu’on appelle républicains rouges ; mais aussi prêtre catholique, car je veux rester fidèle à ma foi et à mes devoirs religieux. » S’adressant aux ouvriers : « Nous voulons votre émancipation, nous ne voulons plus souffrir l’exploitation de l’homme par l’homme. Il est temps que le travailleur jouisse de tout le fruit de son travail, et que ce ne soit pas un industriel, pour cette seule raison qu’il est capitaliste, qui s’engraisse de vos sueurs. » (J.-B. Duroselle, Les Débuts du catholicisme social..., op. cit., pp. 399-400.)
Au club de la salle Roisin, 169, faubourg Saint-Antoine, en mai 1849, avec les députés Amédée de Saint-Ferréol* et Julien Maigne*, il entretenait une agitation qui, certainement, n’était pas sans rapport avec les préparatifs de la journée du 13 juin. À la séance du 1er juin, il lut une lettre d’un soldat du 48e régiment de ligne en garnison à Mâcon, annonçant que son régiment allait partir pour Chalon-sur-Saône y désarmer la garde nationale, que 60.000 (sic) vignerons de Mâcon offraient leurs services à la garde nationale, que le 49e avait refusé de marcher et que le 48e allait en faire autant. À la séance du 10 juin, devant 800 personnes, il rendit compte qu’il était allé, avec Garnier, voir les députés de la Montagne, mais que deux seulement d’entre eux les avaient reçus « assez légèrement » dans une antichambre. Selon l’abbé de Montlouis, « ils allaient demander que la Montagne se manifestât », car la « Jeune Montagne n’a été jusqu’ici qu’un mythe ». Ce ne fut pourtant pas son activité au club de la salle Roisin qui devait attirer des ennuis à l’abbé de Montlouis, encore qu’à la séance du 12 mai il eût mis en accusation le président de la République et ses ministres, mais bien plutôt celle qu’il déployait au club voisin des Acacias, rue Saint-Antoine. Depuis mai 1849, ce club était étroitement surveillé par la police. Celle-ci, le 12 juin, perquisitionna au domicile de Montlouis, 21, rue des Juifs. L’abbé fut arrêté, ainsi que plusieurs adhérents. En février 1850, les assises de la Seine le condamnèrent à six mois de prison et à 1.000 francs d’amende pour propos subversifs.
D’Amiens, où il résidait chez son frère, il adressa, le 5 janvier 1851, une lettre qui parut dans Le Mémorial de l’Allier et dans laquelle il s’élevait contre un article de l’officieuse Patrie qui le présentait comme un prêtre interdit condamné pour outrages à la morale publique et à la religion. Il fit de nombreuses démarches pour obtenir sa réintégration à Voussac : lettres au ministre de l’Instruction publique et des Cultes, à Cavaignac, à Mgr de Dreux-Brézé, l’aristocrate évêque de Moulins (25 mai 1851).
Montlouis fut arrêté pour avoir adressé à un ami une lettre racontant le massacre parisien du 3 décembre 1851. Il fut transféré à la prison de Moulins le 1er mars 1852, puis banni. Il passa en Angleterre, où il continua à dire la messe et où il obtint une place de professeur de français dans un collège. Il revint en France à la fin de la guerre d’Italie. Il fut nommé, par l’évêque de Fréjus, aumônier d’une congrégation féminine de Toulon. C’est là qu’il mourut. Voir Hennequin V.*, Percy* (abbé), Tranchant* (abbé). Voir aussi Martinon de Saint-Ferréol Amédée*

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article35196, notice MONTLOUIS (Abbé de) , version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 8 janvier 2017.

SOURCES : Arch. Nat., BB 18/1474. — Arch. PPo., E a/77-8 et fichier alphabétique. — G. Lefrançais, Souvenirs d’un Révolutionnaire. — G. Rougeron, « Un prêtre socialiste en Bourbonnais » (Bulletin de la Société d’Émulation du Bourbonnais, 1943, pp. 285-289). — G. Rougeron, « Un prêtre bourbonnais victime du 2 décembre » (La Révolution de 1848, t. XXX, 1933-1934, pp. 209-211). — G. Rougeron, Un prêtre socialiste en Bourbonnais sous la Deuxième République, Moulins, 1947. — Marius Dargaud, « Le clergé bourbonnais en 1848 » (La Révolution de 1848 dans l’Allier, Moulins, 1950).

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