MOREAU Hégésippe [Pierre, Jacques ROUILLIOT dit]

Par Philippe Darriulat

Né le 8 avril 1810 et mort le 19 décembre 1838 à Paris. Poète et chansonnier.

Hégésippe Moreau
Hégésippe Moreau
Cliché fourni par Philippe Darriulat

Fils naturel d’un professeur de collège de Provins il est orphelin à l’âge de quatre ans. Sa mère le place alors chez une certaine Mme Favier qui s’occupe de son éducation. Envoyé au petit séminaire à Meaux, puis à Avon à côté de Fontainebleau, il fait de bonnes études classiques. Ayant perdu sa mère, il doit revenir à Provins dans la famille Favier puis chez des fermiers de la région. A quinze ans, il entre comme apprenti dans une imprimerie provinoise où il tombe amoureux de la fille de son patron à laquelle il dédie ses premiers vers. C’est à cette époque qu’il se fait appeler Hégésippe Moreau, nom qui, d’après Bachimont, serait celui de son père naturel. L’académicien Lebrun, mécène des poètes provinois, lui accorde, tout comme à Pierre Dupont, son soutien. En 1828, Moreau compose Vive le roi à l’occasion du passage de Charles X à Provins. Malgré son titre cette chanson témoigne de la proximité de son auteur avec les milieux libéraux : « Mais quand la foudre éclate et le réveille,/ Seul, sans flatteur, le prince épouvanté/ Entend ces mots grondé à son oreille : / Vive la Liberté. » Moreau arrive en 1829 à Paris pour travailler à l’imprimerie Didot. Il prend part aux journées de juillet 1830, puis quitte son métier pour devenir maître d’études. Subissant le chahut de ses élèves il démissionne de cet emploi et se retrouve à la rue. Il fréquente alors les goguettes, en particulier l’Enfer, se lie avec les habitués de ces sociétés chantantes – notamment Christian Sailer - et entre en contact avec les milieux républicains. Il aurait même combattu lors de l’insurrection de juin 1832 dont il salue la mémoire dans une chanson (Les 5 et 6 juin 1832, Paris, 1833). Touché par l’épidémie de choléra, il retourne à Provins en 1833 pour une période de convalescence. Il y retrouve son emploi d’imprimeur et publie un petit journal – le Diogène – fortement inspiré par les Némésis de Barthélemy et Mery. Il aurait alors été acheté par le Préfet de police de Paris qui lui remet 300 francs pour s’en prendre aux rédacteurs de L’Homme rouge, un hebdomadaire en vers publiée à Lyon. Il devient pourtant l’ami à ceux qu’il devait attaquer, mais n’ose jamais leur révéler la vérité. Le recueil de poésies intitulé les Myosotis est salué par la critique, et notamment par Félix Pyat qui crée à cette occasion le mythe du poète tout aussi talentueux qu’incompris. Lorsqu’il meurt à l’hôpital de la charité en décembre 1838, le National appelle les Parisiens à se rendre massivement à ses funérailles et une souscription est ouverte - à laquelle participent Louise Collet, Pierre Dupont, Vinçard, Béranger, Pierre Leroux, Lebrun, Lachambeaudie, etc. – pour l’érection d’un monument à sa mémoire au cimetière Montparnasse. La légende d’Hégésippe Moreau, poète maudit, précurseur des poètes-ouvriers des années 1840, ne cesse alors de se développer. Pierre Dupont qui l’admirait, lui consacre quelques vers décrivant la misère de l’artiste bohème méprisé par les « méchants » (« Hégésippe Moreau, 20 décembre 1851. Lamentations romantiques sur sa tombe au cimetière Montparnasse », dans Pierre Dupont, Chants et Chansons, vol. 1). Ses poèmes sont régulièrement réédités ainsi que ses Œuvres complètes dont la première édition date de 1856 ; celle proposée par Garnier en 1860 étant préfacée par Sainte-Beuve qui lui a aussi consacré sa Causerie du lundi du 21 avril 1851.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article35227, notice MOREAU Hégésippe [Pierre, Jacques ROUILLIOT dit] par Philippe Darriulat, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 2 octobre 2022.

Par Philippe Darriulat

Hégésippe Moreau
Hégésippe Moreau
Cliché fourni par Philippe Darriulat

ŒUVRES : Œuvres complètes, préface par M. Sainte-Beuve, Paris, Garnier frères, 1881.

SOURCES et bibliographie : AN, ABXIX 723 (collection Bachimont). — BNF, Fonds Gustave Fréjaville, GF XI (70). — Georges Beboit-Guyod, La Vie maudite d’Hégésippe Moreau, Paris, Tallandier, 1945. — Philippe Darriulat, La Muse du peuple, chansons sociales et politiques en France 1815-1871, Rennes, PUR, 2010. — Alphonse Leclercq « Les Goguettes d’autrefois » dans Les Échos parisiens, artistiques et littéraires, n°3, 5 et 7, 1ère année, juin, juillet et août 1873. — Anne Martin-Fugier, Les Romantiques. Figures de l’artistes, 1820-1848, Paris, Hachette littératures, 1998. — Charles-Augustin Sainte-Beuve, « Hégésippe Moreau, Pierre Dupont », dans Causeries du lundi (lundi 21 avril 1851), t. 4, Paris, Garnier frères, sd., p 51-75. — Jean Prugnot, Des voix ouvrières, Plein chant, 2016.

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