MAGNIN Edme, Valentin

Par Gérard Boëldieu

Né le 2 février 1818 à Confracourt (Haute-Saône), mort le 7 août 1881 à Asnières-sur-Seine (Seine, aujourd’hui Hauts-de-Seine) ; instituteur en Haute-Saône de 1836 à 1847, dans la Sarthe, à La Chartre, de 1847 à 1850 ; républicain ; candidat à l’assemblée constituante du 23 avril 1848 dans la Haute-Saône ; révoqué par le préfet de la Sarthe le 5 mars 1850 ; redevenu plus tard instituteur à Paris et dans la région parisienne.

Edme Magnin naquit dans une famille de cultivateurs. Son père signa l’acte de naissance. Sa mère mourut le 18 juin 1825. Titulaire d’un brevet élémentaire obtenu en mars 1836, à l’âge de 18 ans, il devint instituteur communal dans son départemental natal, à Quitteur, où le 9 mars 1840 il épousa Françoise Perrin, sans profession, de sept ans son aînée, fille d’un propriétaire-cultivateur, orpheline de mère comme lui, ensuite à Courbeaufontaine, chef-lieu de canton, où il ne fixa pas. Revenu à Confracourt, Magnin ouvrit une école privée. En conflit avec le curé, il ne put y rester.

En 1847, la venue de Magnin dans la Sarthe suivit de quelques mois celle du sous-inspecteur Guy arrivé de Haute-Saône en février. L’installation dans la Sarthe d’un ou de quelques instituteurs exerçant dans le département d’où provenait un inspecteur des écoles ou un sous-inspecteur, qui dans cette affaire servait d’intermédiaire, n’était alors pas un fait exceptionnel. Dès la fin avril, Guy envisagea le placement de Magnin à La Chartre (chef-lieu de canton sur le Loir, au sud de l’arrondissement de Saint-Calais) dont l’instituteur communal, Pierre Chevreau, souhaitait se retirer non sans poser certaines conditions d’ordre matériel. Accepté par les autorités communales, Magnin, qui s’engagea à verser à Chevreau pendant quatre ans la moitié de son traitement fixe (soit 200 F sur les 400 F votés par la commune), devint officiellement instituteur public de La Chartre le 9 août 1947.

À partir de la Révolution de février 1848, Edme Magnin s’éloigna du curé et de l’église. Il négligea l’instruction religieuse de ses élèves ; il préféra donner des leçons particulières à domicile le dimanche plutôt que d’aller à la messe ; il fréquenta le café pour faire de la propagande républicaine.

Edme Magnin s’engagea pleinement dans la campagne électorale en vue de l’élection de l’Assemblée constituante le 23 avril 1848 au suffrage universel masculin. Dans une lettre-circulaire, cosignée par cinq autres instituteurs du canton de La Chartre, datée du 23 mars et parue le 26 dans le Courrier de la Sarthe, après avoir incité ses « collègues du département » à préférer les “Républicains de la veille” aux “hommes du lendemain”, il leur proposa d’élire des délégués chargés de « s’entendre définitivement sur le choix à faire des candidats qui nous paraîtront devoir le mieux défendre les intérêts du peuple et par conséquent les nôtres ». Dans ce but, une réunion de délégués d’instituteurs se tint bien au chef-lieu de la Sarthe, mais on ne trouve pas trace ensuite dans la presse de la liste des candidats proposés. Son combat électoral contre, selon ses termes, « l’ancienne noblesse », Magnin le mena aussi en se portant candidat isolé dans son département natal. Dans sa profession de foi, destinée aux « artisans, ouvriers et cultivateurs, tous citoyens modestes et laborieux », il se présentait en homme originaire de leur milieu, de la condition « la plus humble de toutes, celle d’instituteur », ayant « accepté cette noble devise : Liberté, Égalité, Fraternité », plus digne par conséquent de leurs suffrages que des « personnages qui, il n’y a encore que quelques jours, se seraient crus déshonorés d’abaisser sur [eux] le moindre regard ».
Pendant les journées de juin 1848, la Garde nationale de La Chartre se tenant prête à aller à Paris, des propos menaçants envers son capitaine furent alors prêtés à Magnin. : « s’il ne me conduit pas du côté où je veux combattre [celui des insurgés], mon premier coup de feu sera pour lui ». Saisi, le juge de paix mena une enquête officieuse. En juin 1849, sous un nouveau maire, Pierre Taschereau, successeur de Gervais Chevallier démissionnaire pour cause d’absences fréquentes, la majorité du conseil municipal renouvela sa confiance à l’instituteur Magnin, en réponse aux tenants du parti de l’Ordre qui considéraient de plus en plus Magnin comme un homme politiquement « perverti et dangereux ». Le faubourg où se trouvait la maison d’école reçut l’appellation de « quartier des insurgés ».

Pour Magnin, la loi Parieu du 11 janvier 1850, en plaçant les instituteurs sous l’autorité du préfet, signifiait que « dorénavant la position d’instituteur communal, déjà si précaire auparavant, allait probablement se trouver à la merci de la calomnie et de la délation ». Marqué par les plaintes de juin 1848 à son encontre, sans doute aussi parce que la presse démocratique le préconisait, il démissionna de ses fonctions d’instituteur communal le 20 janvier, se proposant d’ouvrir une école privée à La Chartre, localité qu’il ne souhaitait pas quitter, y ayant, disait-il, un avoir estimé de 25 000 à 30 000 F et la ressource de leçons particulières.

Le 28 janvier, considérant cette démission comme un acte grave d’indiscipline, car elle avait pour but « d’échapper à l’action de la loi », le préfet la refusa, suspendit Magnin de ses fonctions pendant cinq mois et sollicita l’avis du comité d’arrondissement d’instruction primaire sur une éventuelle révocation. Sans consulter le conseil municipal, ce dont s’étonna le 11 février le maire Taschereau dans une lettre au préfet dont la conclusion était : « chacun est libre de ses opinions ».

Réuni le 8 février, le comité d’arrondissement de Saint-Calais prononça la révocation de Magnin. Cette sanction fut entérinée par arrêté préfectoral du 5 mars, après refus de Magnin, dans une lettre au préfet du 22 février, de reconnaître « une dernière fois ses torts (mépris de ses devoirs ; insubordination soutenue ; conduite injurieuse à l’autorité et hostile au gouvernement) et de se soumettre ». Pour le remplacer, le conseil municipal choisit Louis-Nicolas Lecomte, ancien élève de l’École normale d’instituteurs du Mans (1842-1844), venant de Nogent-le-Bernard, proposé par l’inspecteur des écoles Dalimier qui voyait en lui « un sujet d’avenir ».

Magnin fonda à La Chartre une école privée dans un local loué. Ayant été révoqué, il ne pouvait la diriger. Il choisit à titre de prête-nom Joseph Le Priol, né le 25 mars 1825 à Baud (Morbihan), célibataire, breveté en 1843, venu d’Ille-et-Vilaine, lui-même devenant sous-maître. À la fin d’avril 1850, l’école privée de Magnin recevait 65 élèves, dont un des fils du maire Taschereau, l’école communale seulement 5 : « C’est le triomphe de la démocratie à La Chartre […] On a eu soin de fermer [l’entrée de l’école communale à Lecomte] jusqu’au moment où l’école privée a pu fonctionner » écrivait au préfet l’inspecteur Dalimier. L’école privée recevait 52 élèves (contre 12 à l’école communale) en octobre 1850 lorsque le même inspecteur vint s’assurer si l’enseignement s’y déroulait conformément aux dispositions de la loi Falloux du 15 mars 1850 : principalement l’enseignement religieux et le choix des livres. Après examen des cahiers de dictées et d’écriture, Dalimier conclut à la faiblesse des résultats des élèves. Relativement à Magnin, il nota qu’il conduisait ses élèves au catéchisme, ce qu’il ne faisait pas auparavant, qu’il avait fait baptiser sa petite fille âgée de deux mois, qu’il n’avait toutefois pas renoncé à la propagande démocratique en campagne.

Peu après, en novembre, Le Priol, nommé instituteur à Saint-Léonard-des-Bois (Sarthe), quitta Magnin. L’administration engagea alors des poursuites contre ce dernier pour ouverture illégale d’école privée, les certificats de moralité exigés d’après l’article 27 de la loi du 15 mars 1850, n’ayant pas été déposés. En décembre, le tribunal correctionnel de Saint-Calais condamna Magnin à 100 F d’amende, au paiement des frais (5,50 F), à la fermeture de son école. Dans une lettre ouverte « aux habitants de La Chartre », parue dans le Bonhomme manceau de 1850 du 9 janvier 1851, Magnin après avoir rendu hommage au maire et au comité local d’instruction primaire, s’en prit, sans les nommer, à ses dénonciateurs : « […] Voulez-vous que je vous dise pourquoi je suis peut-être criminel aux yeux de certaines gens ? C’est probablement parce que je ne hante pas assez les sacrements et les offices religieux ; parce que je n’ai jamais su, dans mon école pas plus qu’ailleurs, mettre les riches à ma droite et les pauvres à ma gauche ; parce que j’ai donné à tous les mêmes soins et la même instruction ; parce que je n’ai, en aucun cas, manifesté mes préférences pour les uns plutôt que pour les autres […] ».

Edme Magnin quitta La Chartre. Il résida d’abord à Vendôme (Loir-et-Cher) d’où il fit des apparitions à La Chartre (février 1851). Lors du coup d’État du 2 décembre 1851, on le repéra à Paris, teneur de livres, rue du Chemin-Vert. En janvier 1853, l’académie de la Sarthe fut informée de sa demande de réintégration comme instituteur public (On ne sait d’où). En 1856, il fut l’objet de poursuites (non précisées) de l’administration de l’Isère qui demanda à la préfecture de la Sarthe des renseignements sur ses antécédents. Sur l’acte de décès de sa femme, morte le 30 avril 1865 à Quitteur, on lit « épouse de Magnin Edme Valentin dont la profession et le domicile sont inconnus ». Le 16 novembre 1867, à Paris (14e arr.), Magnin se remaria avec Pauline Henriette Dupommereulle, 37 ans. Il était alors instituteur, sans précision de statut (communal ou privé), et résidait dans le 15e arrondissement. À sa mort, il était instituteur à Asnières-sur-Seine. Un des deux déclarants du décès fut son frère Denis Valentin, 59 ans, concierge à Paris, rue Saint-Lazare.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article35396, notice MAGNIN Edme, Valentin par Gérard Boëldieu, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 17 mai 2018.

Par Gérard Boëldieu

SOURCES : État civil de Confracourt, de Quitteur (consulté sur le site internet des Arch. dép. de Haute-Saône), de La Chartre (consulté sur le site internet des Arch. dép. de la Sarthe), de Paris 14e (consulté sur le site internet de la ville de Paris) – Mairie d’Asnières-sur-Seine (communication de l’acte de décès). – Arch. Dép. Sarthe : 1 T 587 (rapports hebdomadaires des inspecteurs au recteur, 1847-1850) ; 1 T 472, 1 T 147 (écoles de La Chartre, avec dossiers sur Magnin) ; 1 T 415, 1 T 564 (correspondance 1848-1850) ; 1 T 176, 1 T 577, 1 T 614 (application de la loi Parieu) ; M 46/2 (maires de La Chartre 1800-1870). – Le Courrier de la Sarthe, 26 mars 1848 ; Le Bonhomme manceau, 13 mars 1850 ; Bonhomme manceau de 1850, 9 janvier 1851. — [Delvau] Les Murailles révolutionnaires (1848), professions de foi, affiches, décrets, bulletins de la République, Paris, 1856 (la profession de foi de Magnin est reproduite pages 718-719). — Gérard Boëldieu, « Louis-Nicolas Lecomte. Instituteur à La Chartre de 1850 à 1882, lauréat (deuxième prix) du concours entre les instituteurs ouvert par le ministre Rouland, le 12 décembre 1860 », Bulletin de la Société d’agriculture, sciences et arts de la Sarthe, 1990, paru en 1991, p. 91-112 (Sur le successeur de Magnin à La Chartre).

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