Par Notice revue et complétée par Michel Cordillot.
Né le 14 mars 1817 à Paris, mort dans cette même ville, 48, rue Mazarine, le 20 décembre 1903 ; ouvrier papetier en 1836, typographe, éditeur, cordonnier dans l’exil et finalement employé d’assurance ; jeune révolutionnaire républicain au début de la monarchie de Juillet, puis disciple de Pierre Leroux.
Tout jeune, il combattit pour la République sur les barricades du cloître Saint-Merry en juin 1832. Il était alors vraisemblablement apprenti typographe, et c’est sans doute peu après, à l’occasion de la grève des imprimeurs pour l’instauration d’un tarif qu’il fit la connaissance de Jules Leroux. Ce dernier venait de publier sa brochure Aux ouvriers typographes. De la nécessité de fonder une association ayant pour but de rendre les ouvriers propriétaires des instruments de travail.
Membre selon certaines sources de la Société des droits de l’Homme avant avril 1834, Nétré rejoignit dès 1835 la Société des Familles. Arrêté le 3 juin 1836 à la suite de l’affaire des poudres (mai 1836), il fut incarcéré à Sainte-Pélagie. À l’issue du procès, il fut condamné à six mois de prison et 300 f. d’amende (1628 f. 25 avec les frais). Il ne fit pas appel.
À sa sortie de prison le 6 février 1837, il rejoignit la Société des Saisons, dont il devint rapidement un membre influent. Il combattit de nouveau lors de l’insurrection des saisons en 1839 sur la barricade de la rue Grenéta. Dans la proclamation affichée par les insurgés, il était désigné pour être l’un des cinq commandants des divisions de l’armée républicaine, avec Armand Barbès, Martin Bernard, Pierre Quignot et Georges Meillard, Auguste Blanqui étant commandant en chef. Après l’échec du mouvement il réussit à s’échapper, sans doute mis à l’abri par son père à Nanteuil-sur-Marne, point d’attache de la famille, alors qu’on le croyait en Angleterre (Gazette des tribunaux, 13-14 janvier 1840) et que ses amis, notamment Louis Nouguès, le disaient mortellement blessé, sans doute pour égarer les recherches. Curieusement, son dossier à la Cour des pairs, établi lors de l’enquête, le prénomme Jean et le fait clerc d’huissier. Au bout de quelques mois, fatigué de se cacher, il se constitua prisonnier. Il fut laissé en liberté parce que le Gouvernement ne souhaitait pas convoquer à nouveau la Cour des Pairs. On lui imposa simplement de changer de nom. Il se fit dès lors appeler Monsieur Louis.
Sous l’influence de Pierre Leroux, il renonça définitivement à l’action insurrectionnelle pour se consacrer une forme d’action plus politique. Dès 1840 il faisait partie d’un Cercle de propagande socialiste qui discutait et diffusait la pensée de Leroux, et dont il accueillait les réunions à son domicile. Ses liens avec le philosophe devinrent rapidement plus étroits. Installé en 1845 à Boussac (Creuse), Nétré y resta aux côtés du maître jusqu’en 1848 (en 1849, l’Association typographique et agricole de Leroux devint la Société Leroux, Nétré et cie). Il y côtoya Pauline Roland (qu’il avait connue auparavant et qu’il invita peut-être à venir à Boussac après qu’elle eut rompu sa liaison avec Jean Aicart), Luc Desages, Auguste Desmoulins, Grégoire Champseix , Philippe Faure et d’autres encore. Le 27 février, à l’annonce de la chute de Louis-Philippe, cette petite troupe prit l’initiative d’organiser à Boussac une manifestation républicaine, dont le résultat fut le remplacement de la municipalité par une équipe nouvelle qui choisit Pierre Leroux comme maire. En mars, il co-signa avec ses amis un appel « Aux Conscrits » les appelant à voter pour de « bons représentants, (...) des pauvres, des ouvriers, des paysans » (Murailles révolutionnaires, II, p. 121).
Nétré revint à Paris peu après, comme en témoigne sa demande d’inscription sur les listes électorales du Xe arr. (ancien). Il habitait alors 16, rue des Saints-Pères. Au lendemain de l’affaire du 15 mai (à laquelle il ne prit aucune part), il fut arrêté durant quelques jours (17 au 24 mai) avec Pierre Leroux. Nétré, qui s’était marié le 20 avril 1850 avec Louise Constance Lerault, travaillait à l’imprimerie Gerdès (installée dans l’immeuble même où il habitait). De 1848 à 1851, il déploya une activité intense au sein du groupe des disciples de Pierre Leroux. Avec ses deux témoins de mariage, Jules Leroux et Paul Rochery, il relança en 1850 la Revue sociale, dont les numéros 3 à 12 parurent entre janvier et août ; mais les nouvelles lois sur la presse sonnèrent le glas de leurs ambitions. En 1851, la société La Presse au Travail, fondée par Desmoulins, avait son siège social à l’adresse de Nétré, qui habitait désormais 13, rue du Jardinet.
Lors du coup d’État de 1851, Nétré s’efforça en vain de lancer les associations ouvrières parisiennes dans la lutte contre l’usurpateur. Dans la nuit du 2 au 3 décembre, une poignée de militants ouvriers se réunirent à son domicile et imprimèrent le Manifeste des travailleurs, dont 1 500 exemplaires furent aussitôt placardés au coin des rues. Le 3, Nétré organisa le départ en Angleterre de Pierre Leroux ; il se chargea également de trier ses papiers et de vendre ses meubles, et en profita sans doute pour liquider en même temps ses biens propres afin de préparer son départ. Le 26 décembre la Préfecture de police lui délivra un passeport pour la Belgique. Expulsé de ce pays peu après son arrivée, Nétré s’embarqua pour Londres où il arriva vers la fin février. Il y travailla comme cordonnier et comme commis dans un grand magasin de chaussures qu’un autre proscrit, Thierry*, possédait Regent’s Street. Bien que pauvres, Nétré et sa femme se montrèrent fort obligeants pour des proscrits encore plus pauvres qu’eux comme Gustave Lefrançais, qui fut accueilli à leur domicile 48, King Street, à son arrivée en mai.
Le 10 mai 1852, Nétré participa avec Jules Leroux, Pierre Landolphe, Malarmet, Philippe Faure, Alfred Talandier, Auguste Desmoulins, Ernest Lebloys, Martin Nadaud et Louis Vasbenter à la création d’un petit groupe de proscrits, l’Union socialiste, animé par Étienne Cabet, Pierre Leroux, Louis Blanc, et qui s’efforçait de mettre sur pied un programme commun, acceptable par toutes les « écoles » socialistes. Mais contrairement à la plupart des autres protagonistes, il se semble pas avoir appartenu à la Franc-maçonnerie.
Au printemps 1853, Nétré rejoignit Pierre Leroux à Jersey. Durant plusieurs années, il y mena une vie rythmée par les événements familiaux et la routine de l’exil. Pour subvenir aux besoins de sa famille, il tenta de fonder une entreprise spécialisée dans la fabrique de cirage et d’encre d’imprimerie, mais l’affaire n’eut qu’une brève existence. En 1856, alors que la position des proscrits est devenue difficile à Jersey, Nétré partit pour Lausanne (où résidait son ami Champseix), sans doute poussé par des raisons économiques. Après un court séjour en Suisse, Nétré quitta Lausanne le 21 février 1857 pour rentrer en France.
Sa trace se perd entre 1857 et 1861. On le retrouve à cette date habitant 28, rue Lemercier (Grégoire Champseix habitait au 32) et gagnant sa vie comme employé d’assurance. Il avait choisi de rentrer dans l’anonymat, « absolument dégoûté de la politique » selon les siens.
Jusqu’à sa mort les drames domestiques se succédèrent. Sa femme fut internée à Sainte-Anne en 1870 (et mourut en 1883) et on ne sait ce qu’il advint de trois des enfants nés à Paris entre 1861 et 1865. Auguste Desmoulins resta un ami fidèle jusqu’à son départ définitif pour la Creuse en 1887.
Nétré fut inhumé le 22 décembre 1903 au cimetière de Bagneux, en « tranchée gratuite », retournant ainsi définitivement à l’anonymat.
Par Notice revue et complétée par Michel Cordillot.
SOURCES : Arch. Nat., CC 725, CC 747 n° 490. — Arch. Dép. Paris (Seine), registres d’écrou DY/8 9-2689. — G. Lefrançais, Souvenirs d’un Révolutionnaire, op. cit.. — Paul Chauvet, Les Ouvriers du livre en France, op. cit. — M. Dommanget, Auguste Blanqui, des origines à la Révolution de 1848, op. cit. — L.-A. Blanqui, œuvres I. Des origines à la Révolution de 1848, textes présentés par D. Le Nuz, Nancy, Presses Universitaires, 1993. — Simone Czapek, « Louis Nétré », Bulletin des Amis de Pierre Leroux, n° 9, 1991, pp. 207-214. — Note de Gauthier Langlois.