OZANAM Frédéric [OZANAM Antoine, Frédéric]

Né à Milan en 1813, mort à Paris en 1853. Fondateur de la Société de Saint-Vincent-de-Paul (1833), rédacteur à L’Ère nouvelle (1848). Une des figures marquantes du catholicisme social français.

La pensée sociale d’Ozanam s’est esquissée très tôt et fut toujours étayée sur une foi profonde. Dès 1830, il s’affirmait républicain. En 1833, son ami Falconnet* lui démontrait que le « grand problème social » était l’amélioration du sort des « classes ouvrières ». En fait, avant 1831, alors qu’il était élève de philosophie au lycée de Lyon, Ozanam avait écrit une Exposition sommaire de la doctrine de Saint-Simon parue dans L’Organisateur, qu’il compléta en 1831 par des Réflexions sur la doctrine de Saint-Simon par un catholique, dont L’Avenir fit un compte rendu élogieux. Il n’avait donc pas beaucoup à apprendre de Falconnet.
Les Réflexions avaient paru dans Le Précurseur (11-14 mai 1831). Il y approuvait la doctrine sur certains points, en particulier la formule : « À chacun selon sa capacité ; à chaque capacité selon ses œuvres. » Par contre, il s’affirmait défenseur de la propriété et de l’héritage.
En fait, Ozanam connaissait mal l’économie politique et, pour cette raison, son catholicisme social sera uniquement sentimental. Il voulait déjouer la lutte des classes, mais ne voyait pas comment. Il fut un de ceux qui, avant 1848, se posèrent en médiateurs entre les socialistes chrétiens comme Victor Calland* et les catholiques sociaux conservateurs. En fondant, en 1833, la Société de Saint-Vincent-de-Paul, il espérait rassembler tout le monde dans une même œuvre. C’était alors un démocrate modéré sans appartenance politique nette.
La Société de Saint-Vincent-de-Paul donna à une partie de la jeunesse catholique bourgeoise l’occasion d’entrer en contact avec la misère.
Dans son Cours de droit commercial, professé à Lyon en 1839 et 1840, Ozanam enseignait qu’il fallait placer la valeur d’usage au centre de la véritable économie politique parce qu’il croyait à la nécessité du Capital, aux côtés du Travail et de la Nature. Il constatait qu’en ce qui concerne le salaire, il y a un hiatus entre son « taux naturel » et son « taux réel », d’où la nécessité d’abolir le laissez faire — laissez passer, qui met l’ouvrier à la merci de l’entrepreneur. Mais comme il se montrait hostile à l’intervention de l’État, il préconisait seulement le développement de l’épargne ouvrière et surtout celui des associations de travailleurs. Des formules souvent brillantes masquaient le manque de rigueur de la construction. Il affirmait par exemple que l’Église « devait passer aux barbares » (allusion à un article du Journal des Débats, après l’insurrection lyonnaise), c’est-à-dire au prolétariat.
En 1840, Ozanam publia également des Observations sur l’opportunité d’un enseignement supérieur des sciences industrielles. Il y proposait d’orienter la jeunesse vers l’industrie, étant donné l’encombrement des carrières libérales et l’avenir qui s’ouvrait à l’industrie.
En 1848, Ozanam adhéra sans réserve à la République. Avec l’abbé Maret*, il prit l’initiative de fonder L’Ère nouvelle. Il n’avait toujours pas de doctrine sociale précise. Il voulait la réconciliation des classes, en demandant aux riches le maximum de sacrifices. Il était persuadé que seule la religion chrétienne pouvait leur arracher ces sacrifices.
Il décida de se présenter à la Constituante dans le département du Rhône. Au début de mars 1848, il donna au Correspondant un important article sous le titre « Attente et action ». On pouvait y lire : « Derrière la révolution politique, nous voyons une révolution sociale, nous voyons l’avènement de cette classe ouvrière... » Mais derrière les phrases d’Ozanam, l’on ne voyait apparaître aucun programme.
Le 15 avril 1848, il adressa sa profession de foi Aux électeurs du Rhône. Il saluait dans la République de 1848 l’avènement temporel de l’Évangile. Il se proclamait défenseur de la propriété, réclamait l’impôt progressif, l’abaissement de l’impôt de consommation. Il défendait les droits des travailleurs et des associations ouvrières. Il souhaitait l’ouverture de grands travaux d’utilité publique. Il n’obtint que 15.367 voix et ne fut pas élu. Au moment des Journées de Juin, il inspira, dit-on, la démarche de Mgr Affre. Ce fut sans doute lui qui, dans L’Ère nouvelle, publia les deux articles non signés : « Aux insurgés désarmés » (8 juillet) et « Les événements de juin » (10 juillet). Il y défendait les insurgés, mais s’en prenait aux doctrines qui les avaient soulevés : les diverses formes du socialisme athée et matérialiste. En juillet et septembre 1848, il inséra, toujours dans L’Ère nouvelle, « Les origines du socialisme ». Il y opposait les deux socialismes : le chrétien et le matérialiste, et se désolidarisait des « prédicateurs » qui avaient déclenché les Journées de Juin. Laverdant lui reprochera d’avoir rangé les fouriéristes parmi les socialistes matérialistes. Quand Lacordaire quitta L’Ère nouvelle, Ozanam y prit la place prépondérante. Il y produisit de belles formules en faveur de la classe ouvrière, sans proposer jamais rien de bien cohérent. Il lança des appels aux catholiques pour qu’ils comprennent l’importance du problème social. Comme remède au chômage, il ne voyait que des colonies agricoles et une souscription nationale.
Au début de 1849, absorbé par d’autres travaux, il cessa d’écrire à L’Ère nouvelle. Il mourut quatre ans plus tard des suites d’une longue maladie.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article35678, notice OZANAM Frédéric [OZANAM Antoine, Frédéric] , version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 20 février 2009.

ŒUVRES : Une édition des œuvres complètes d’Ozanam a été publiée à Paris.

SOURCE : Jean-Baptiste Duroselle, Les Débuts du catholicisme social en France, (1822-1870).

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