ENJOLVY Jean, Marie, Pierre

Par Jean-Pierre Bonnet, Christian Chevandier, Claude Pennetier, Jean-Claude Guillon

Né le 10 juin 1909 à Saugues (Haute-Loire), mort le 19 août 1987 à Saint-Léon-sur-l’Isle (Dordogne) ; ouvrier professionnel à la SNCF ; syndicaliste CGT et militant communiste, secrétaire de l’Union Sud-Est et membre du bureau de la Fédération CGT des cheminots (1951-1961), secrétaire fédéral à l’organisation (1961-1965).

Fils d’un boulanger, Jean Enjolvy, métallurgiste, ouvrier professionnel aux ateliers d’Oullins (Rhône), était membre du bureau syndical des cheminots d’Oullins . Il partit sous les drapeaux dès le début de la guerre. Il profita d’une permission en avril 1940 pour reprendre contact avec le Parti communiste. Il fut démobilisé le 17 juillet 1940. Affecté à la chaudronnerie de fer, il reconstruisit aux ateliers pendant l’été le Parti communiste après l’arrestation en juin des trois membres du premier triangle de direction, dont Machizot*, secrétaire du syndicat, envoyé en résidence surveillée en Savoie. Il se souvenait avoir participé, le 20 juillet 1940, avec deux camarades cheminots, à un collage d’affichettes communistes. Fin 1940, on le nomma « responsable politique du Parti pour les ateliers de machines et de voitures d’Oullins. [Les] effectifs étaient de soixante camarades environ ». Fin 1941, ils étaient montés à quatre-vingt-dix. Dans le témoignage qu’il a donné le 18 novembre 1944, Enjolvy se souvenait de « l’inoubliable manifestation du 14 juillet 1942 ». Mais il était plus encore fier d’avoir lancé ce qu’il qualifiait de « la plus grande grève en zone Sud ». Il avait été informé le 13 octobre 1942 par un responsable que trente cheminots étaient désignés pour partir en Allemagne. Il parvint à convaincre ses camarades, lors d’une réunion houleuse, de lancer un arrêt de travail pour s’opposer aux réquisitions de travailleurs qualifiés pour l’Allemagne. Il actionna lui-même la sirène de l’usine à 10 heures 20. Il y eut trois mille grévistes et des centaines de femmes devant les portes des ateliers, mais, dans la nuit, vingt-quatre cheminots furent arrêtés, lui seul y aurait échappé car il était passé le soir même dans la clandestinité. Il fut affecté au service cadres en Isère, puis envoyé dans la région de Marseille en avril 1943 avec le pseudonyme de Prosper. Il y resta jusqu’à la Libération, d’abord comme interrégional pour le Var, les Alpes-Maritimes et les Basses-Alpes. Il se souvenait avoir « récupéré » Victor Gagnaire, le responsable docker marseillais, avoir eu contact à Cagnes (Alpes-Maritimes) avec Gaston Monmousseau. Il logea de novembre 1943 à avril 1944 à La Seyne (Var) où Jean Seine, membre du trio régional du parti communiste, se trouva en rapport avec lui. Il fut nommé commissaire à la sécurité de la 1e subdivision FTP zone Sud (couvrant les mêmes départements, plus les Bouches-du-Rhône et la vallée du Rhône jusqu’à Lyon) au printemps 1944. Il réceptionna Guy Serbat Cayrol, qui venait d’être renvoyé à la base, à Marseille en juillet 1944. Celui-ci le décrivit comme un « personnage glacial et composé, fondé de pouvoir d’une banque en mission officielle, ou plutôt ordonnateur des pompes funèbres », l’enjoignant de se « racheter » et lui faisant un réquisitoire contre l’état-major FTP de zone Sud dont il était membre.
Siégeant à la commission du Front national en 1944 après la Libération, Enjolvy écrivait encore en novembre 1945 des rapports sur le comportement des cadres communistes des Alpes-Maritimes pendant l’Occupation. Il se trouvait à Paris, en 1946, membre de la commission centrale des cadres. Charles Siquoir se souvient de lui ; leurs bureaux étaient en vis-à-vis au dernier étage du siège du PCF. Il évoque sa belle voix basse et associe son nom à Lyon. Siquoir et Enjolvy (mais peut-être chacun de son côté) furent associés à l’enquête sur l’affaire Déziré vers 1946. Enjolvy conclut à son innocence selon le rapport de la deuxième commission d’enquête daté du 9 janvier 1950.
Il reprit une activité professionnelle en 1948. Affecté alors à Montereau (Seine-et-Marne), un poste d’entretien secondaire où son militantisme avait moins d’impact, Jean Enjolvy devint permanent syndical à partir de 1951.
Membre, en 1953, du secrétariat de l’Union Sud-Est de la Fédération CGT des cheminots, il en devint secrétaire général en 1957 et représenta l’Union au bureau de la Fédération nationale de 1951 à 1961. Ses responsabilités au sein de l’organisation syndicale furent nombreuses : délégué pour l’Union auprès du directeur général en 1951, au comité mixte professionnel de la direction Matériel et Traction en août 1957 ; élu au comité central d’activités sociales (CCAS) en août 1959, etc. À partir de 1961, il remplaça Georges Commune comme secrétaire fédéral à l’organisation, avant d’être remplacé à son tour par Francis Beuzet. Sensible à la nécessité de la relève militante, Jean Enjolvy s’investit beaucoup dans le recrutement de jeunes. Ses centres d’intérêt dépassaient le domaine corporatif. Ainsi, dans les années 1960-1962, il fournissait à la Tribune des cheminots des contributions régulières sur la question algérienne et appuya, à partir de 1961, le processus de négociations engagées avec le Front de libération nationale (FLN).
Jean Enjolvy partit à la retraite le 1er août 1964 et se retira alors en Dordogne. Il fut décoré chevalier de la Légion d’honneur au début du premier septennat de François Mitterrand.
Jean Envolvy s’était marié en avril 1936 à Sainte-Foy-lès-Lyon (Rhône) avec Marie-Yvonne Barbe.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article3612, notice ENJOLVY Jean, Marie, Pierre par Jean-Pierre Bonnet, Christian Chevandier, Claude Pennetier, Jean-Claude Guillon, version mise en ligne le 30 juin 2008, dernière modification le 3 octobre 2022.

Par Jean-Pierre Bonnet, Christian Chevandier, Claude Pennetier, Jean-Claude Guillon

SOURCES : Arch. PPo, SNCF S28. — Arch. comité national du PCF. — La Tribune des cheminots. — L’Humanité, 21 août 1987. — Comptes rendus des congrès fédéraux. — Maurice Choury, Les Cheminots dans la Bataille du Rail, Librairie académique Perrin, 1970, p. 32-33. — Notice DBMOF. — « Récit de Marcel Coeffic. La grève de 1947 », Les Cahiers de l’Institut, n° 1, supplément au Courrier du cheminot n° 610, p. 4. — Témoignage de Charles Siquoir, mai 2005. — Notes de Marie-Louise Goergen, de Georges Ribeill et de Pierre Vincent. — Renseignements communiqués par Jean Enjolvy. — État civil.

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