ERRE François, Jean, Pierre

Par André Balent

Né le 4 novembre 1873 à Saint-Laurent-de-Cerdans (Pyrénées-Orientales), mort le 25 février 1941 à Saint-Laurent-de-Cerdans (Pyrénées-Orientales) ; ouvrier cordier, coiffeur, puis employé à la Compagnie des chemins de fer des Pyrénées-Orientales à Saint-Laurent-de-Cerdans ; militant socialiste, syndicaliste et coopérateur ; conseiller d’arrondissement du canton de Prats-de-Mollo (1919-1928) ; frère de Dominique Erre*.

Fils de François Erre, cordier (vingt-six ans en 1873) et Rosalie, Margueritte Falgarone (vingt-deux ans en 1873), François Erre était originaire de Saint-Laurent-de-Cerdans, centre industriel du Haut-Vallespir qui, au XIXe siècle, se spécialisa dans les tissages et la fabrique des espadrilles. Ayant effectué son apprentissage de cordier (confection de semelles en corde pour les espadrilles), il exerça ce métier jusqu’en 1913. Toutefois, il aida également sa mère qui tenait un débit de boissons à Saint-Laurent-de-Cerdans jusqu’à ce que ce commerce fermât ses portes. Ayant également appris le métier de coiffeur, il ouvrit quelques années plus tard un salon de coiffure à Saint-Laurent-de-Cerdans. Pendant plusieurs années, il mena de pair une double activité professionnelle d’ouvrier cordier et d’artisan coiffeur (son salon ouvrait en fin d’après-midi et en soirée).
Il n’y renonça qu’en 1913 lorsqu’il se fit embaucher aux Chemins de fer des Pyrénées-Orientales (CPO). Cette même année, en effet, les CPO mirent en service leur réseau de montagne qui contribua à améliorer la desserte du Haut-Vallespir industriel. Ce réseau électrifié et à voie métrique, comprenait une ligne principale d’Arles-sur-Tech (gare de correspondance avec la Compagnie du Midi) à Prats-de-Mollo sur laquelle s’embranchait une antenne qui, de Manyaques, desservait Saint-Laurent-de-Cerdans. Tout d’abord cheminot auxiliaire en gare de Saint-Laurent-de-Cerdans, François Erre fut ensuite titularisé en tant que chef de train. Jusqu’à sa retraite, en 1935, il parcourut les deux lignes de montagne des CPO. De sa retraite jusqu’en 1937, il reprit, en dilettante, ses activités d’ouvrier cordier. En 1937, son fils le fit embaucher par l’entreprise Boix, transporteur routier à Saint-Laurent-de-Cerdans, qui, en vertu des décrets de coordination entre la route et le rail, remplaça le réseau de montagne des CPO à la fois pour le transport des voyageurs et celui des marchandises. Seule la mort interrompit les activités professionnelles de François Erre.

François Erre épousa Euphanie Coste, originaire de Saint-Laurent-de-Cerdans, le 24 juin 1898. Celle-ci ne cessa de fabriquer, sa vie durant, des sandales à domicile. Ils eurent trois fils. L’aîné devint instituteur en Algérie en 1919. Le cadet mourut à l’âge de dix-sept ans à la suite d’un match de rugby. Seul, leur second fils vécu à Saint-Laurent-de-Cerdans où il milita activement dans le mouvement coopérateur (voir François Erre, fils).

François Erre fut à Saint-Laurent-de-Cerdans, un militant de tout premier plan.

Le mouvement syndical avait commencé à s’organiser, dans cette localité industrielle, au moins à partir de 1890. Cette année-là, les ouvriers laurentins organisés dans une « Chambre syndicale des ouvriers espadrilleurs et trépointeurs » furent les seuls, dans les Pyrénées-Orientales, à faire grève le Premier Mai. François Erre était-il de ceux-là ? C’est probable si l’on en croit le témoignage de son fils. En tout cas il est certain qu’il fut un des pionniers du mouvement ouvrier laurentin. D’après son fils, il assista (mandaté ? à titre privé ?) à un congrès syndical national en 1895 (peut-être celui de la CGT ?). Toutefois les premiers syndicats laurentins durent péricliter, car ce ne fut que le 24 mars 1904 que les statuts de la « Chambre syndicale des ouvriers espadrilleurs, tisseurs et trépointeurs » (OETT) affiliée à la CGT furent déposés à la mairie de Saint-Laurent-de-Cerdans (voir Salvador*). François Erre fut parmi les premiers militants de ce syndicat mais n’exerça toutefois aucune fonction dirigeante en son sein. Il n’est pas certain qu’il ait milité dans les rangs de la CGT lorsqu’il fut embauché aux CPO. Nous n’avons pas retrouvé de traces de syndicats (confédérés ou unitaires) parmi les cheminots de cette compagnie. Par ailleurs le fils de François Erre nous a affirmé que les employés des CPO à Saint-Laurent-de-Cerdans du moins, n’étaient pas organisés au plan syndical. Cependant François Erre anima, en avril 1921, un mouvement revendicatif des cheminots des CPO. En fait, nous le verrons, François Erre, cheminot de rencontre, se considérait toujours solidaire de ses camarades ouvriers tisseurs et espadrilleurs.

François Erre fut également un militant socialiste. Son fils n’a pu dire avec certitude s’il participa, en avril 1904, à la fondation d’un groupe rassemblant vingt militants laurentins, affilié à la Fédération socialiste des Pyrénées-Orientales. Il est à remarquer ici que la fondation du Parti socialiste à Saint-Laurent-de-Cerdans s’effectua dans la foulée de la réorganisation du mouvement syndical. Le printemps 1904 fut donc une étape importante de l’histoire du mouvement ouvrier laurentin. Les mêmes hommes étaient impliqués, à fois dans le mouvement syndical et dans le Parti socialiste. Il est donc probable que François Erre fut un des fondateurs du groupe socialiste de Saint-Laurent-de-Cerdans. Toutefois, comme le signale Hubert-Rouger dans Les Fédérations socialistes (Encyclopédie socialiste de Compère-Morel*) les socialistes laurentins manifestèrent quelque désintérêt pour l’action politique. Le groupe cessa de cotiser à la Fédération et tomba en léthargie. Les animateurs du mouvement ouvrier laurentin demeurèrent cependant socialistes. S’ils se désintéressèrent — provisoirement — de l’action politique, c’est qu’ils se consacrèrent avec ardeur à une tâche : mettre en pratique leurs idées socialistes, en bâtissant de façon réfléchie et progressive, un important secteur coopératif. En 1918 fut reconstituée à Saint-Laurent-de-Cerdans une puissante section du Parti socialiste. François Erre en fut un militant actif. Il fut élu conseiller d’arrondissement du canton de Prats-de-Mollo lors du scrutin du 14 décembre 1921 (il obtint 928 suffrages). Au second tour du renouvellement des conseils d’arrondissement (21 mai 1922) il fut réélu contre Julien Costesèque*, candidat du PC et colistier d’André Marty* élu au premier tour avec 518 voix. En 1922, François Erre obtint 704 voix. Au renouvellement des conseils d’arrondissement d’octobre 1928, François Erre ne fut pas candidat. Il abandonna son siège à son camarade Joseph Nivet*. François Erre fut élu conseiller municipal de Saint-Laurent-de-Cerdans en mai 1929. Il fut réélu en mai 1935. Il fut révoqué de son mandat de conseiller municipal en mars 1941, tout comme le maire socialiste SFIO, Joseph Nivet.

François Erre fut un des pionniers et un des animateurs du mouvement coopératif laurentin. Nous le trouvons parmi les fondateurs de la coopérative ouvrière de consommation de Saint-Laurent-de-Cerdans : « les Travailleurs syndiqués » (voir notamment Dominique Erre*, Joseph Nivet*, Laurent Poch*). Si, lors de la réunion constitutive (29 octobre 1908) il ne fut pas élu au conseil d’administration de cette coopérative, il y entra peu après. Il resta administrateur des « Travailleurs syndiqués » jusqu’en 1926 lorsqu’il eut une altercation avec François Brunet*. En 1923, François Erre fut un des militants laurentins qui impulsèrent la création de la coopérative ouvrière de production l’« Union sandalière ». Le 21 novembre 1923, il effectua avec François Brunet*, Joseph Nivet*, Joseph Saquer*, Jacques Carrié*, Laurent Poch* et Emmanuel Berdaguer la déclaration de souscription et de versement de capital de l’« Union sandalière » devant Me Jules Bosch notaire à Prats-de-Mollo. Les statuts de l’« Union sandalière » furent établis le 23 novembre 1923. François Erre fut élu ce jour même membre de son conseil d’administration. Celui-ci, élu pour trois ans, était renouvelable par tiers tous les ans. François Erre y siégea pendant plusieurs années puis ne sollicita pas le renouvellement de son mandat d’administrateur. Toutefois il demeura coopérateur.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article3621, notice ERRE François, Jean, Pierre par André Balent, version mise en ligne le 30 juin 2008, dernière modification le 20 octobre 2018.

Par André Balent

SOURCES : Arch. com. Saint-Laurent-de-Cerdans, registres de l’état civil. — Archives personnelles de M. François Erre, fils. — Le Cri Catalan, hebdomadaire (officieux) de la fédération socialiste des Pyrénées-Orientales (1922 et 1925). — Le Courrier de Céret, 30 décembre 1923. — La Dépêche du Midi, 30 décembre 1923. — André Balent, « La Fondation de la Fédération socialiste des Pyrénées-Orientales », Massana, n° 25, Argelès-sur-Mer, 1975, p. 62-86 (cf. plus particulièrement p. 79-80). — Horace Chauvet, La Politique roussillonnaise (de 1870 à nos jours), Perpignan, 1934. — Entretien avec M. François Erre, fils (20 juillet 1982).

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