PISCART Émile [PISCART Rémi, Émile, Joseph]

Né le 14 janvier 1815 à Roubaix (Nord). Fils de Joseph Piscart, né à Fontaine-Lévêque (Belgique, province du Hainaut) venu en France en août 1814 ; établi comme pharmacien à Roubaix, devenu pharmacien du Bureau de bienfaisance, sans posséder la nationalité française. Socialiste sous la Seconde République.

Émile Piscart passa son doctorat en médecine le 24 août 1840 à Paris. Il s’établit médecin à Tourcoing, où il fut nommé médecin du Bureau de bienfaisance, sans avoir acquis plus que son père la nationalité française.
Selon un signalement donné par le commissaire de police de Roubaix (Arch. Dép. Nord, M 141/86), le Dr Piscart était un homme de haute taille (1 m. 78), châtain clair de cheveux, à la barbe et à la moustache blondes peu fournies.
Il embrassa la cause démocratique en 1848, fonda et présida le club de Tourcoing (déclaration à la préfecture le 14 août. — Arch. Dép. Nord, M 222/2100). Il réunissait les adhérents du club au cabaret d’Irénée Destombes « À la Nouvelle Aventure ». Il passait pour un disciple de Louis Blanc* (Charles Roussel-Défontaine, Histoire de Tourcoing, Tourcoing, 1855, p. 263.)
« Rien ne pouvait faire douter que le sieur Piscart ne fût l’apôtre des utopies prêchées par Louis Blanc au Luxembourg ; c’était le tribun, l’agitateur de la société, le révolutionnaire qui n’aspirait qu’au communisme et au socialisme. Pour les ouvriers égarés par ses protestations exaltées d’attachement à leurs intérêts, il était l’homme aux convictions profondes, n’aspirant qu’à améliorer leur sort... » Cette opinion policière de 1860 étant à peu près copiée sur celle de l’historien local cité plus haut, il convient pourtant de remarquer que le Dr Piscart était avant tout un radical.
Dépeint par la police comme le « drapeau de la démocratie avancée », comme « un des hommes les plus dangereux et les plus ardents du parti socialiste », ami de Leloire* et de Charles Delescluze*, il aida les ouvriers à se grouper en associations par corps de métier. Il contribua ainsi à la fondation de la Société fraternelle des Fileurs de Tourcoing. Il avait la réputation d’un tribun, d’un agitateur aux convictions assises, n’aspirant qu’à améliorer le sort des travailleurs. Il résumait sa pensée politique en déclarant que « l’ouvrier, pour avoir un bon tarif, doit voter pour un candidat dévoué à l’ouvrier », dit le commissaire de police de Tourcoing, ajoutant que « sous l’empire du suffrage universel, il devint un personnage avec lequel les partis durent compter ». (Arch. Dép. Nord, M 139/22).
En octobre 1848, le Dr Piscart se rendit à Roubaix pour soutenir Désiré Debuchy* au cabaret de la « Vache grasse », où étaient réunis les fileurs de cette ville, en grève pour arracher un tarif analogue à celui que les fileurs de Tourcoing avaient obtenu (Arch. Dép. Nord, M 620/14).
Infatigable ennemi de la candidature du général Cavaignac et de celle de Louis-Napoléon Bonaparte, il combattit Louis-Napoléon dans les clubs jusqu’au dernier moment. « Ledru-Rollin, le père du peuple, le véritable démocrate, voilà notre candidat », ainsi s’exprimait-il avant l’élection présidentielle du 10 décembre 1848.
Le Dr Piscart fut condamné, le 8 août 1849, par le tribunal correctionnel de Lille, à quinze jours de prison et vingt-cinq francs d’amende pour « violences et voies de fait » — il s’agissait d’une machination policière : Piscart sortait avec des amis d’un dîner où de nombreux toasts avaient été portés et ils échangeaient des plaisanteries avec des jeunes filles de l’autre côté de la frontière franco-belge ; l’inspecteur de police attaché à la personne de Piscart fit un rapport présentant le médecin socialiste comme un ivrogne coupable d’« attentat à la pudeur » ; le tribunal, si défavorable qu’il fût à Piscart, ne retint contre lui que des griefs plus vagues. (Liberté du Nord, 9 août 1849.) L’administration municipale de Tourcoing prit néanmoins prétexte de cette condamnation pour proposer la révocation de Piscart de ses fonctions de médecin du Bureau de bienfaisance. (Liberté du Nord, 26 septembre 1849.)
Le Dr Piscart fut condamné de nouveau le 6 septembre 1850, par le tribunal correctionnel de Lille, à cinq francs d’amende, pour distribution d’une pétition en faveur du suffrage universel sans nom d’auteur ou d’imprimeur. (Messager du Nord, 8 septembre 1850.) Voir Parton Charles* Arrêté le 3 octobre, et frappé d’expulsion par le préfet du Nord le 12 du même mois, comme fils de Belge et par suite comme Belge, il demanda, le 13, que le délai d’expulsion fût porté de dix à quinze jours. (Arch. Dép. Nord, M 141/86.) Le commissaire de police de Tourcoing conseilla au préfet de ne pas céder sur le délai : « Je crois, écrivait-il, que le pétitionnaire, en prolongeant son séjour en cette ville, veut s’y trouver au moment de l’élection du 3 novembre et exercer sur les ouvriers la funeste influence dont il a fait usage aux élections précédentes. »
Piscart se rendit à Londres pour un court séjour. Le 16 janvier 1851, il était rentré en Belgique. Il reprit un cabaret au Mont-à-Leux, faubourg de Mouscron, près de la frontière française, à quelques kilomètres de Tourcoing. Ce cabaret était un lieu de rendez-vous pour les émigrés, pour les démocrates du Nord et pour les militants parisiens démocrates et socialistes. (Liberté du Nord, 25 janvier 1851.) « Il faudrait que le gouvernement belge pût éloigner cet homme de la frontière et l’interner ; tant qu’il n’en sera pas ainsi, le club de Mont-à-Leux restera un foyer d’agitation et sera pour les villes si intéressantes de Roubaix et de Tourcoing une menace et un danger de tous les jours. » Ainsi s’exprimait dans une lettre du 13 mars 1851 au garde des Sceaux le procureur général de Douai. (Arch. Nat., BB 30/377.)
Le 7 décembre 1851, Piscart accueillit dans son cabaret Ledru-Rollin, Louis Blanc, Marc Caussidière*, Alphonse Bianchi* (de Lille). Le lendemain, le ministre français de l’Intérieur demandait à son collègue belge de sévir. Le ministre belge de la Justice répondit, de manière assez piquante, qu’il serait préférable que Piscart fût reconnu citoyen français. Il serait ainsi plus facile de lui interdire de résider sur le territoire belge. Piscart décida de quitter la Belgique et alla s’installer à Jersey. De là, il sollicita en vain, en 1852, une mesure de clémence en France.
Il réitéra sa demande en janvier 1860 dans une lettre au ministre de l’Intérieur : il désirait bénéficier de la loi d’amnistie du 16 août 1859. Le commissaire de police de Tourcoing émit un avis défavorable : « il a laissé, dit-il, des souvenirs qui ne sont pas encore effacés. Les ouvriers se rappellent de lui avec plaisir, ils parlent de lui avec intérêt et de manière à ne laisser aucun doute sur l’influence qu’il avait exercée sur leur esprit. S’il revenait à Tourcoing, il aurait bientôt regagné leur confiance, et dans les circonstances, sous plusieurs rapports difficiles, où nous nous trouvons, cet homme pourrait recommencer un rôle qui ne serait pas un des moindres embarras de l’autorité [...] En conséquence, sa présence serait dangereuse à Tourcoing, mais aussi sur tout autre point du territoire de l’Empire » (lettre au préfet du Nord du 2 février 1860).
De Jersey toujours, Piscart renouvela ses démarches en octobre 1863. Le maire de Tourcoing se refusa encore à le voir revenir à Tourcoing. Il écrivit en effet au préfet du Nord, le 3 novembre 1863 : « Son nom est resté populaire, et il ne faut pas se dissimuler qu’il exercerait encore un grand ascendant sur notre population ouvrière. Les nombreux travailleurs de notre cité manufacturière ne s’occupent pas de politique, et n’ont maintenant aucun chef qui puisse les rallier. Aussi sont-ils dociles aux conseils et aux avis de l’administration municipale et de leurs patrons. Le sieur Piscart, se retrouvant parmi ceux qui le considérèrent autrefois comme leur protecteur et leur défenseur, va retrouver immédiatement son influence, dont il sera tenté d’user, soit publiquement, soit d’une manière occulte, et, dans les élections locales ou générales, il faudra compter avec cette influence. »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article36323, notice PISCART Émile [PISCART Rémi, Émile, Joseph], version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 20 février 2009.

SOURCES : Outre les sources déjà citées, Arch. Dép. Nord, M 21/5 ; M 129/4 ; M 138/8 ; M 139/24 et 25 ; M 140/2, 13 et 21 ; M 141/66 ; M 232/2. A.-M. Gossez, Le Département du Nord sous la IIe République (1848-1852), Lille, 1904. — C. Lecompt, « Trois fraternelles de la région lilloise », Revue des révolutions contemporaines, mai 1951, n° 188. — A. Chanut, « La crise économique à Tourcoing (1846-1850) », Revue du Nord, t. XXXVIII, n° 149 ; janvier-mars 1956.

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