Par Philippe Darriulat
Né à Toulon le 2 avril 1821, mort à Toulon le 30 janvier 1891. Maçon, poète et chansonnier.
Fils de maçon, il reçoit une instruction élémentaire chez les Frères et passe même un trimestre à l’école communale supérieure. Il sait ainsi lire et écrire quand il entre, à neuf ans, en apprentissage dans le métier paternel. Adolescent il s’essaie à la poésie, un goût qui lui serait venu en écoutant les chansons de Béranger. Un jour de 1840, son père étant malade, un médecin libéral venu en consultation tombe par hasard sur des vers de Charles. Le docteur fait rapidement l’éloge des textes qu’il découvre et obtient que le jeune maçon puisse lire ses productions à l’Académie de Toulon. Cette séance suscite un article dans l’Éclaireur du 12 juin 1840 qui loue ce « poète inconnu » et publie quelques-unes de ses poésies. A dix-neuf ans Poncy obtient ainsi une petite renommée locale, au moment même où certaines élites intellectuelles parisiennes cherchent à entrer en contact avec le « peuple » et sa culture. François Arago et George Sand ne tardent pas à remarquer ce jeune homme : des encouragements sont prodigués, une souscription est ouverte et en mars 1842 un premier recueil intitulé Marines est publié. Vinçard, dans la Ruche populaire de mai 1842 (vol. 3), Pierre Leroux dans la Revue indépendante du même mois, mais aussi la Phalange et Degeorge dans le Progrès du Pas-de-Calais, en font un compte-rendu élogieux. Les vers des Marines sont plus influencés par les thèmes romantiques que par ceux des orateurs politiques. On y trouve cependant des allusions aux problèmes sociaux (« L’Hiver des riches ») ou quelques accents patriotiques (« Isly et Mogador »). Comme a pu l’écrire Maurice Agulhon, le sentiment donné par ce recueil est que « Poncy n’est pas un ouvrier qui a écrit d’abord pour exprimer sa classe ; c’est un ouvrier bien doué qui a découvert la poésie, l’a aimé pour elle-même et a emprunté à ses modèles non seulement un langage, mais ses premières idées. » Le 27 avril 1842, George Sand qui vient de découvrir Marines envoie une lettre enthousiaste à son auteur, inaugurant une longue correspondance qui dure plus de vingt ans et que complètent plusieurs rencontres à Nohant. En 1844 un deuxième recueil, Chantier, voit le jour. Poncy a depuis fréquenté des démocrates parisiens, lu, sur les conseils de sa protectrice, les œuvres de Pierres Leroux, entretenu une correspondance avec des personnalités comme Béranger, Agricol Perdiguier ou François Arago et voyagé à Paris où il s’est lié avec d’autres chansonniers de la capitale, notamment Louis Voitelain, et a intégré les rangs de la Lice chansonnière. Toutes ces influences le poussent à « politiser » quelque peu son propos. Les questions sociales sont maintenant au cœur de ses poésies qui dénoncent l’inégalité sociale et l’exploitation des travailleurs. Mais il s’agit encore de poésie, pas de chansons. C’est George Sand qui lui conseille, dans une lettre du 12 septembre 1844, d’écrire « un recueil de chansons populaires ». Il s’agirait de proposer un texte pour chaque métier manuel en travaillant à « poétiser le travail » pour « enseigner au riche à respecter l’ouvrier. » C’est en 1850 qu’est publié à Paris chez Comon, La Chanson de chaque métier regroupant soixante titres devant être chantés sur des airs connus. Les métiers les plus durs et les plus modernes y sont célébrés par des refrains revendicatifs – « Le Chant des mineurs » – et les professions les plus traditionnelles ou les plus qualifiées par des chants plus badins (« La Chanson du tailleur », « La Chanson du postillon »). On remarque aussi « La Chanson des chansonniers » où il fixe comme objectif à ses confrères de « Rire et fronder en liberté. » Entre temps, Poncy a repoussé les sollicitations de George Sand qui aurait souhaité le voir déposer sa candidature à l’Assemblée Constituante. Il abandonne son métier, obtient, en 1850, le poste de secrétaire de la Chambre de commerce de Toulon et, tout en continuant à se prononcer pour « l’organisation du travail », évite de se faire trop remarquer pour ses opinions. Il vit alors relativement aisément et devient même chevalier de la Légion d’honneur en 1865. Sous la Troisième république il publie des poésies en Provençal.
Par Philippe Darriulat
ŒUVRES : La Chanson de chaque métier, avec une préface à George Sand, Paris, Comon, 1850. — Le Chantier, poésies nouvelles, préface de George Sand, Paris : Perrotin, 1844. — Poésies de Charles Poncy. Marines. Le Chantier. Le Forgeron…, Nouvelle édition, Paris, au bureau de la Société de l’industrie fraternelle, 1846.
SOURCES et bibliographie : AN, ABXIX 725 (collection Bachimont). — Maurice Agulhon, Une Ville ouvrière au temps du socialisme utopique, Toulon de 1815 à 1851, Paris-La Haye, Mouton, 1970. — Agulhon, Maurice, Une Ville ouvrière au temps du socialisme utopique, Toulon de 1815 à 1851, Paris-La Haye, Mouton, 1970. — M. L. Aurenche et H. Millot, « George Sand et Charles Poncy » et M. L. Aurenche et M. C. Schapira, « Élaboration sandienne d’une théorie de la poésie populaire : les conseils à Poncy », dans Hélène Millot, Nathalie Vincent Munnia, Marie Claude Schapira, Michèle Fontana [dir.], La Poésie populaire en France au XIXe siècle, Théories, pratiques et réception, Tusson, 2005. — Eugène Baillet, De quelques ouvriers-poètes, biographies et souvenirs, Bassac, Plein-chant, 1994 [1898]. — Philippe Darriulat, La Muse du peuple, chansons sociales et politiques en France 1815-1871, Rennes, PUR, 2010. — François Gimet, Les Muses prolétaires, galerie d’ouvriers poètes, Paris Emile Fareau, 1856. — Anne Martin-Fugier, Les Romantiques. Figures de l’artistes, 1820-1848, Paris, Hachette littératures, 1998. — René Merle, « Poètes ouvriers d’expression française et provençale. Sur Charles Poncy (1821-1891) et Alexandre Poncy (1823-1870) : Toulon, années 1840 », sur le site Internet http://www.rene-merle.com. — Edgar Leon Newman, « The Historian as Apostle : Romanticism, Religion, and the Firt Socialist History of the World », dans Journal of the History of Ideas, vol.56, n°2, avril 1995, pages 239-260. — Émile Ripert, La Renaissance provençale (1800-1860), Marseille Lafitte reprints 1978 (1918). — George Sand, Correspondance [1812-1876], Paris, C. Lévy, 1883-1884, vol 2 à 5. — Flora Tristan, Lettres réunies, présentées et annotées par Stéphane Michaud, Paris, Seuil, 1980. — Alphonse Viollet, Les poètes du peuple au XIXe siècle, présenté par Michel Ragon, Slatkine reprints, Genève-Paris, 1980 (1846). — Jean Prugnot, Des voix ouvrières, Plein chant, 2016.