RECURT Adrien, Barnabé, Athanase (ou Anastase)

Par Notice revue et complétée par J. Risacher

Né le 9 juin 1798 à Lassalle (Hautes-Pyrénées), mort en 1872 à Lévignac (Haute-Garonne). Docteur en médecine de la Faculté de Montpellier (1822), Recurt s’établit à Paris, dans le faubourg Saint-Antoine en 1828, et fut carbonaro. Après la Révolution de 1830, il fut un des dirigeants en vue du parti républicain.

L’affiliation d’Adrien Recurt à la Charbonnerie est sans doute antérieure à son arrivée à Paris, puisqu’il ne subsistait à l’époque qu’une forme proche de Buonarroti* avec peu de ramifications en France, ou des fragments de la Charbonnerie française dispersés dans les milieux républicains ou dans la franc-maçonnerie. On peut noter aussi que le terme était parfois utilisé, même par la justice, pour désigner d’autres organisations, comme par exemple la Société des droits de l’Homme. Lorsqu’il s’établit en 1828 à Paris, 215, rue du Faubourg-Saint-Antoine (VIIIe arr. ancien, maintenant XIIe), le quartier avait traversé, l’année précédente, une période très agitée et restait très sensibilisé aux événements. Il exerça sur les ouvriers du faubourg une double influence : d’une part, il répandit les connaissances d’hygiène élémentaire ; d’autre part, il propagea ses convictions républicaines parmi eux.
Recurt a la réputation de ne guère avoir dépassé en politique les opinions du National, auquel il collaborait. Peut-être n’est-elle pas réellement méritée, du moins jusqu’aux années quarante. En tout cas, il n’hésitait pas à s’engager dans l’action et il avait des contacts apparemment assez étroits avec des hommes politiquement bien marqués. En 1830, combattant des Trois Glorieuses, capitaine de la Garde Nationale, il était à l’unisson des ouvriers du faubourg pour une République démocratique plutôt formelle et son parcours fut celui de bien des républicains. Sa réputation grandit grâce à son attitude courageuse pendant l’épidémie de choléra en 1832. Membre du Comité de l’Association pour l’Instruction gratuite du Peuple en juillet 1832, il le fut aussi de la Société des droits de l’Homme, probablement au même moment, en y défendant ses idées. En novembre 1833, il fit partie du comité de la SDH et de sa Commission de propagande qui soutenait les mouvements revendicatifs de diverses corporations ouvrières et, avec d’autres membres de la Commission, il fut arrêté et écroué le 10 décembre à Sainte-Pelagie, sous l’inculpation de coalition. Il fut mis en liberté provisoire le 17, sous une caution de 2 000 F, sans doute à cause de sa profession.
À la suite des journées insurrectionnelles d’avril 1834, il fut arrêté tout de suite et écroué (avec Hadot-Desages*), sous l’inculpation de complot, à La Force le 12 avril 1834. Il ne retrouva la liberté que le 27 janvier 1836, et encore en liberté provisoire sous nouvelle caution de 2 000 F. Il serait certes fastidieux de donner le détail de sa vie carcérale faite de transferts multiples entre La Force et Sainte-Pélagie, avec des mises au secret, dont une fois quinze jours de suite, ainsi que la maison de santé de Mme Marcel Sainte-Colombe, 6, rue de Picpus (VIIIe arr. ancien, maintenant XIIe), mais certains aspects méritent d’être soulignés. Il profita par exemple de l’un de ses séjours en maison de santé pour servir de témoin à Auguste Blanqui*, lors de la naissance de son fils Roméo, le 14 novembre 1834, mairie du VIIIe. Par contre, lorsque, d’après le chancelier Pasquier, Pépin* le mit en cause avant son exécution, le 18 février 1836, précisant que c’était Recurt qui l’avait « initié » à une « nouvelle société formée depuis la loi sur les associations », décrivant en fait la Société des Familles, cela ressemble bien à une manipulation : la loi fut votée le 26 mars, quinze jours avant l’emprisonnement de Recurt qui fut libéré huit jours après l’exécution de Pépin... Même si Recurt semblait disposer d’une certaine liberté quand par exemple il était en maison de santé (9 mois sur 21), et que Sainte-Pélagie ait souvent servi de siège aux état-majors de l’opposition, il semble difficile qu’il ait pu jouer ce rôle d’« initiateur » auprès de quelqu’un de l’extérieur... Sans doute à la suite de son inculpation de décembre 1833, au cours de son incarcération, il fut condamné pour complicité de coalition le 10 décembre 1834 par la cour royale à un an de prison, ce qui explique sa mise en liberté provisoire sous caution de 2 000 F, le 27 janvier 1836. Quant à la Cour des pairs, dans le cadre du procès des journées d’avril elle l’acquitta, le 22 janvier 1836.
Il fut involontairement la cause d’un autre quiproquo. Lors de la décision des accusés d’avril de se faire assister par des républicains notoires et non par des avocats du barreau, Buonarroti avait accepté de le défendre, ainsi qu’il l’expliqua aux pairs de la Cour : « Un homme par vous accusé m’a honoré de sa confiance, j’ai accepté et je suis prêt à l’aider de mes faibles conseils dans l’adversité qu’il n’a point méritée. Recurt est mon ami, il m’a prêté une main secourable dans mes malheurs, il porte dans son cœur une morale divine à laquelle je rends depuis maintes années un hommage sincère... » C’est sans doute pour cela que le nom de Buonarroti figure parmi les signataires de la « Protestation des Défenseurs » et de la « Lettre aux accusés », sans qu’il ait été au courant de ces écrits, ce dont il se plaignit. Voir sur ce point Michel de Bourges.*
Sans doute à la suite de la « déclaration » de Pépin, parue dans la Gazette des tribunaux du 21 février 1836, Recurt fut de nouveau écroué à Sainte-Pélagie sous inculpation d’association illicite le 30 juin 1836, mais libéré pour non-lieu dès le 7 juillet 1836. Il aurait été lié aux sociétés qui succédèrent aux Saisons, donc très engagées, mais nous ne disposons pas d’éléments suffisants sur ce point.
Début 1840, il faisait partie du Comité central de Paris pour la réforme électorale qui s’était organisé en « Comité de Correspondance », avec François Arago*, Martin, de Strasbourg, Lamennais*, Dornès*, Charles Lesseré*, Dupoty*, Thoré* et, bien que non communiste, il présida en compagnie de son confrère Charles Lesseré, le banquet des 6 000 à Châtillon-sous-Bagneux, le 31 août 1840 chez Jules Gay*, où s’exprimèrent réformistes et communistes.
Toujours dans la ligne de la « République formelle », quoique de tendance démocratique plus marquée que Le National, Recurt rejoignit la rédaction de La Réforme, créée en juillet 1843, sans doute avant 1846. En 1847 il fit la constatation amère que les ouvriers du faubourg avaient évolué plus que lui. Ils en étaient à la République démocratique... et sociale. C’était l’époque de la campagne des Banquets qui débuta en juillet au Château Rouge, à Montmartre, où, vice président du Comité central des électeurs d’opposition du département de la Seine, représentait en tant qu’invité, les radicaux républicains.
En 1848, Recurt reconquit de la popularité parmi les insurgés de Février, dans les rangs de qui il se battit, ce qui lui valut d’être désigné comme adjoint au maire de Paris. Élu de la Seine et des Hautes-Pyrénées à la Constituante, il opta pour les Hautes-Pyrénées. Ministre de l’Intérieur, du 11 mai au 28 juin 1848 ; ministre des Travaux publics, du 28 juin au 13 octobre, sa vie politique cessa pratiquement lorsqu’il céda son poste de ministre des Travaux publics à Vivien, et qu’il devint pour un temps préfet de la Seine (jusqu’au 20 décembre 1848, date de sa démission).
Arrêté cependant le 2 décembre 1851, il bénéficia d’un non-lieu..

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article36851, notice RECURT Adrien, Barnabé, Athanase (ou Anastase) par Notice revue et complétée par J. Risacher , version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 10 janvier 2018.

Par Notice revue et complétée par J. Risacher

SOURCES : Arch. Min. Guerre, B 171. — Arch. Dép. Paris (Seine), registres d’écrou DY/8 7-1031, DY/4 21-4869, DY/8 8-1267, DY/8 9-1993, DY/8 9-2753. , — Cour des pairs, Affaire du mois d’avril 1834. Rapport fait à la Cour des pairs par M. Girod (de l’Ain), Imprimerie royale, Paris, 1834-1836, vol. 6, 11. — Tableau synoptique des accusés d’avril jugés par la cour des pairs établi par Marc Caussidière, Lyon, imprimerie de Boursy fils, 1837, Arch. Nat. BB 30/294, Bibl. Nat. in-4° Lb 51/24984. — Cour des pairs. Procès politiques, 1830-1835, Inventaire dressé par J. Charon-Bordas, Paris, Archives Nationales, 1983, CC 595 D 1 N° 50 — Profils critiques et biographiques des 900 représentants du Peuple, par un vétéran de la presse, Paris, Garnier frères, 3e éd. 1848. — Sentinelle du Peuple (quelques numéros de cette feuille de 1848 sont conservés à la Bibliothèque municipale de Tarbes). — A. Robert, E. Bourleton, G. Cougny, Dictionnaire des Parlementaires français, 1789-1889, Paris, Borl, 1891. — Jacques Grandjonc, Communisme/ Kommunismus/ Communism. Origine et développement international de la terminologie communautaire prémarxiste des utopistes aux néo-babouvistes, Trier, Karl Marx Haus, 1989, p. 384, 445, 446. — L.-A. Blanqui, œuvres I. Des origines à la Révolution de 1848, textes présentés par D. Le Nuz, Nancy, Presses Universitaires, 1993. — Note de J. Grandjonc.

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