REGNAULT d’Épercy Eugène [DÉPERCY Pierre-Antoine-Eugène, [ÉPERCY Pierre-Antoine-Eugène d’]

Originaire de Planches (Jura ; avocat à Arbois (Jura). Républicain démocrate. Homme d’action.

Son nom d’Épercy venait d’un terroir et d’un hameau de la commune de Jeurre où sa famille, qui appartenait à l’ancienne noblesse de robe, avait été propriétaire, si elle ne l’était pas toujours sous la monarchie de Juillet. À la fin de mars 1831, il avait organisé pour Arbois et les environs une « Société républicaine », qui réunit rapidement les démocrates de l’arrondissement, puis du département. Le 21 mars 1833, Regnault d’Epercy écrivait à Godefroy Cavaignac* qui présidait la Société des droits de l’Homme : « Aujourd’hui, ce n’est pas seulement en mon nom que je vous écris. J’ai l’honneur de diriger ici une société patriotique composée, en y comprenant les associés de tout le département, d’environ six cents citoyens. Elle prit naissance vers la fin de mars 1831, aussitôt après que nous eûmes connaissance de celle qui se formait dans le département de la Moselle. J’ai consacré tous mes soins à la maintenir et à lui suggérer l’esprit qui a toujours dirigé celle à laquelle vous appartenez. Je crois y avoir réussi. Dans nos réunions en assemblée générale, qui ont lieu environ tous les cinq mois, je suis obligé de donner à penser que le comité est en relations régulières avec d’autres sociétés comme la nôtre, afin de prévenir le découragement qui résulterait chez quelques-uns de la connaissance qu’ils auraient de notre isolement [...] Je m’adresse donc à votre patriotisme, citoyen, et vous prie de vouloir bien proposer l’affiliation de notre société à la vôtre, que nous regarderons comme la société mère. »
La « Société républicaine » d’Arbois, non seulement fut acceptée dans la Société des droits de l’Homme, mais encore elle y conserva son nom particulier de « Société républicaine ». Elle adopta cependant les modes d’organisation de la Société des droits de l’Homme et profita de son affiliation pour entretenir des relations avec ses homologues du Doubs, de la Côte-d’Or, de Saône-et-Loire et du Rhône.
Au début de 1834, la « Société républicaine » se sentait assez forte, après son assemblée du plateau de l’Ermitage, à Arbois même, pour envisager un coup de force, pour tenter de gagner la garnison du fort de Saint-André-de-Salins, pour arborer le titre d’« Assemblée nationale du Jura », titre qui permet de penser que Regnault d’Épercy et ses amis avaient lu la Conspiration pour l’Égalité dite de Babeuf, par Buonarroti, et les documents annexes de 1796 qui prévoyaient une Convention désignée par cooptation pour l’essentiel. On suppose que la « Société républicaine » à l’échelon local se désignait tout entière comme future Constituante.
Le soir du 13 avril 1834, à la nouvelle apportée par un voyageur que la République triomphait à Lyon, les membres de la « Société républicaine » et la foule allèrent chercher Regnault d’Épercy qui se mit à leur tête. Voir Gérard*.
On attaqua l’Hôtel de Ville occupé par 28 soldats et on le prit au cri de « Vive la République » ! Toute la troupe fut désarmée dans la ville, presque sans effusion de sang. Regnault se proclama sous-préfet provisoire et somma le maire de livrer 75 fusils déposés à l’Hôtel de Ville. Puis une municipalité provisoire fut instituée et, dans la nuit du 13 au 14, le tocsin sonna partout aux environs. Les insurgés de la ville étaient occupés à construire des barricades sur la route de Besançon ou sur la route de Poligny, tandis qu’un petit nombre d’hommes de confiance fabriquaient des cartouches à l’Hôtel de Ville même.
Le matin du 14, Regnault d’Épercy envoya un détachement à Poligny demander de la poudre. Il s’adressa au sous-préfet qui montra la poudrière vide — la veille, la poudre avait été évacuée sur Lons-le-Saunier. Et comme le sous-préfet demandait aux insurgés d’Arbois quel était le chef de leur détachement ou de l’insurrection, l’un d’eux répondit en démocrate égalitaire convaincu : « Ma foi, monsu le sous-préfet, nos sins tous tschefs ! »
Regnault d’Epercy, qui redoutait avant tout la possibilité d’un pillage, et s’était sans doute laissé entraîner par la foule élémentaire d’Arbois, plus que par les militants de la « Société républicaine », eux-mêmes entraînés et débordés, commença à entrevoir la défaite, quand il reçut dans la matinée du 14 les premières mauvaises nouvelles de Lyon. La directrice de la poste aux lettres l’entendit s’écrier, comme il ouvrait une correspondance arrivée par la malle-poste de Lyon, la veille au soir : « Oh ! les malheureux ! Ils se sont trop lancés. S’ils m’eussent écouté... La pierre est lancée : il faut voir où elle s’arrêtera. »
Vers deux heures de l’après-midi arrivèrent de Poligny des voltigeurs du 2e régiment d’infanterie de ligne et des gardes nationaux, mais ils n’osèrent pas s’attaquer au gros des Arboisiens insurgés et des villageois de Grozon, drapeau rouge en tête, massés au Pré Peigne, sous le commandement de Regnault d’Epercy.
À la nouvelle reçue par Regnault d’Epercy, plus tard dans l’après-midi, venant de Dole, que les troupes de l’ordre étaient maîtresses de la situation à Lyon et à Paris — voir Chevalier Albert* — celui-ci ramena ses hommes en ville, et dans une harangue les invita à respecter les personnes et les propriétés, comme il avait été fait strictement depuis la veille au soir. Puis il brûla ses papiers, monta en voiture et roula vers la Suisse. Tous les chefs firent de même, si bien que, de six accusés d’Arbois devant la Cour des pairs, un seul fut présent au procès qui n’était autre que le fameux Procès d’avril. (Voir Froidevaux Auguste*)
Le 8 janvier 1836, par contumace, Regnault d’Épercy fut condamné à la déportation. Réfugié à Berne, il est improbable qu’il ait pu bénéficier de l’amnistie du 8 mai 1837, à l’occasion du mariage du duc d’Orléans et d’Hélène de Mecklembourg-Schwerin dont étaient exclus les contumaces et évadés, ce qui explique sans doute qu’il ne pu rentrer en France qu’avec l’amnistie complémentaire du 27 avril 1840 et ne revint s’établir dans la région d’Arbois qu’à cette époque.
En 1848, Regnault d’Épercy joua un rôle modérateur à Arbois, particulièrement en mars, lors des manifestations contre le curé, qui dut partir de la ville. Il représentait au club commun, fondé le 19 mars avec l’appui de Jules Grévy, commissaire du Gouvernement provisoire, la République « formelle » contre la République démocratique et sociale, que représentait Vertet.Il était maire de Plaches.
Il fut nommé préfet des Vosges au début de septembre.
Il se ralllia à Louis-Napoléon Bonaparte. nommé inspecteur général des lignes télégraphiques il ne fréquenta plus guère Arbois où le milieu républicain lui était devenu hostile.
Voir Bouvard Philippe*, Carrey Jean*, Chevalier Albert*, Clerc de Landresse Charles*, Froidevaux Auguste*, Gérard*, Gilbert Antoine*, Goudot Claude*, Lambert Jean, Joseph*

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article36858, notice REGNAULT d'Épercy Eugène [DÉPERCY Pierre-Antoine-Eugène, [ÉPERCY Pierre-Antoine-Eugène d'], version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 9 novembre 2018.

SOURCES : A. Desaunais, « La Révolution de 1848 dans le département du Jura (24 février-10 décembre 1848) », dans Volume du Centenaire de la Révolution de 1848 dans le Jura, publié par la Société d’émulation du Jura, Lons-le-Saunier, 1948, pp. 49-359. — Isabelle Brelot, Les grand notables de France-Comté, op. cit. — Notes de Gabriel Curis.

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