RICARD-FARRAT Eugène

Par Notice revue et complétée par J. Risacher

Né vers 1801 à Montpellier(Hérault), mort le 28 juillet 1832 à Paris. Avocat parisien et publiciste populaire en 1830 et 1831.

En 1827, Ricard-Farrat avait participé à l’expédition de volontaires au soutien des Grecs, révoltés contre l’oppression ottomane et voulant reconquérir leur liberté. Combattant de Juillet, il participa dès ses débuts à la Société des Amis du Peuple. Il demeurait 10, rue Baillif (IVe arr. ancien, maintenant emplacement Banque de France, Ier) En octobre 1830, il publia un Appel à l’opinion publique en faveur des victimes de l’absolutisme et de l’inquisition politique en Espagne, puis le 26 octobre, Ricard-Farrat écrivait à Louis-Philippe ce qu’il pensait de la monarchie orléaniste, dite populaire, et prétendument favorable à la classe ouvrière : À sa majesté Louis-Philippe, Roi des Français. Le 26 décembre, il adressa une courte brochure Au peuple. Son activité en 1831 fut toujours ininterrompue. Le 8 avril, il adressait un Discours à la Bourgeoisie, l’adjurant de prendre parti comme le peuple et la classe ouvrière en faveur d’une politique extérieure énergique. Vers la même date, il traçait les grandes lignes d’une constitution démocratique fondée sur un accord entre bourgeois et prolétaires, qui semble avoir été publiée sous deux titres : Projets d’institutions constitutives et gouvernementales, brochure ne prétendant pas à l’originalité et se référant implicitement ou explicitement à l’expérience de la Grande Révolution et Projet de constitution offert à son pays et soumis à l’examen de ses concitoyens. Puis, vers l’automne, il entrait en relations avec Auguste Mie, l’imprimeur des Égalitaires, et les presses de Mie sortaient une Union contre les Traîtres, toujours en faveur d’une politique extérieure énergique.
Peu après, Ricard-Farrat constituait un organisme intitulé les « Instructeurs du Peuple » qui se proposait de répandre des « extraits choisis dans les journaux patriotes ou autres », donc des informations et des articles déjà librement diffusés, et ce pour éviter la répression. Sur son prospectus ou Déclaration des Instructeurs du Peuple, Ricard-Farrat disait : « Nos rapports avec les rédacteurs [...] et ce que nous pouvons attendre d’eux nous donnent la certitude qu’ils nous fourniront tout ce qui peut être nécessaire et convenable pour l’instruction politique et patriotique du peuple. Pour que le gouvernement, en contrefaisant nos papiers, ne puisse pas donner le change au public, ils porteront tous la signature de l’éditeur, laquelle se trouve au bas du présent prospectus. » Ricard-Farrat déclarait s’adresser « à tous les citoyens qui vivent au jour le jour de leur travail ou qui n’ont en revenus que le nécessaire », c’est-à-dire à une espèce de sans-culotterie, à coloration ouvrière plus vive cependant. Il pensait pouvoir employer 50 chômeurs à crier ses feuilles dans les rues et les invitait à s’adresser, 131, rue Montmartre, à cet effet. Mais l’entreprise ne semble pas avoir dépassé son prospectus de lancement.
Il n’est guère facile de préciser les étapes de l’activité d’avocat de Ricard-Farrat et de ses propres avatars judiciaires. La Tribune du 20 novembre 1831 dresse un classement des condamnations pour délit de presse depuis Juillet. Il arrive en tête avec 12 mois. Or, nous n’avons connaissance que du procès de la sixième brochure de la SAP, parue le 18 août 1831 en deux épisodes : le 14 octobre, en assises, où il fut condamné à 6 mois de prison (registre d’écrous) pour « avoir, en publiant et distribuant comme auteur et éditeur un livret intitulé Société des Amis du Peuple, le 18 août 1831, excité à la haine et au mépris du gouvernement du Roi. ». Un second procès se déroula le 14 décembre, sans doute le procès d’appel, qui confirma la peine, et qui fut publié dans Procès politique de la sixième brochure des Amis du Peuple. XIVe brochure, le même mois. Cette brochure contient la défense de Ricard-Farrat et celle de son avocat, Boussy, et apporte le témoignage des responsables de la SAP, précisant bien « qu’il ne fut que l’agent de la Société ». Elle fait état aussi d’une « seconde affaire, particulière à Ricard-Farrat, et dans laquelle il a été acquitté ». Il s’agit sans doute du prospectus des Instructeurs. La brochure fait également état de la première audience du procès des Quinze du 10 décembre 1831, qui ajourna ce procès au 10 janvier, ce qui permet de la dater.
Quand on relit la fameuse sixième brochure, on ne peut que s’étonner de la sentence. Il faut admettre cependant que plusieurs articulets sur la Chambre sont signés R. F. ou E. R. F. et constituent de sévères critiques. En particulier sur celui qui fut considéré comme l’initiateur de l’enseignement primaire public, Guizot : « Le député Guizot, après avoir dit que le plus grand nombre des Carlistes étaient des hommes d’honneur, a traité le parti républicain de queue de la mauvaise révolution française ; de collection de tous les débris, de Caput mortum de ce qui s’est passé de 89 à 1830, d’anti-national et incapable de repentir » (les italiques sont dans le texte). De plus, parmi les adresses indiquées pour des « communications et demandes relatives à cette brochure » figure celle de Ricard-Farrat, rue Baillif, comme d’ailleurs celles du 31 août et 30 septembre.

Ricard-Farrat fut incarcéré le 16 février 1832 à Sainte-Pélagie et subit des transferts liés aux revues royales : le 8 avril à la prison de Versailles (Seine-et-Oise), en même temps que François-Vincent Raspail*, condamné au procès des Quinze, retour dès le 11 avril en passant par la Conciergerie, le 23 mai à la préfecture, et le 23 juillet en temps que « cholérique » à l’hôpital de La Pitié où il décéda le 28 juillet 1832. Sa mort semble être restée plus ou moins inaperçue.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article37016, notice RICARD-FARRAT Eugène par Notice revue et complétée par J. Risacher , version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 15 septembre 2016.

Par Notice revue et complétée par J. Risacher

ŒUVRES : Appel à l’opinion publique en faveur des victimes de l’absolutisme et de l’inquisition politique en Espagne, Paris, 1830, in 8°. — À sa majesté Louis-Philippe, Roi des Français, Paris, impr. de A. Henry, octobre 1830, in-8, 8 p. — Au peuple, Paris, chez Fournier, s. d. (décembre 1830), in-8°. — Discours à la Bourgeoisie, Paris, Constant Chantpie, impr., avril 1831, in-8°, 12 pages, Bibl. Nat., 8° Lb 51/598, — Projets d’institutions constitutives et gouvernementales, s. l. n. d. (Paris, 1831), 35 p., in-8° (Bibl. Nat., 8° Lb 51/540). — Projet de constitution offert à son pays et soumis à l’examen de ses concitoyens, Paris, Vve Ch. Bechat, libraire, Cosson impr., 1831, 35 p. In-8°. — Union contre les Traîtres, Paris, A. Mie impr. s. d. , (1831), 4 p. in-8° (Bibl. Nat., 8° Lb 51/801). — Déclaration des Instructeurs du Peuple, Paris, A. Mie, impr., octobre 1831, feuille in-8° recto-verso (Bibl. Nat., Lb 51/981).

SOURCES : Arch. Dép. Paris (Seine), registres d’écrou DY/8 6 n° 15 708 — Société des Amis du Peuple, 18 août 1831, Paris, Mie, impr. — Procès politique de la sixième brochure des Amis du Peuple. XIVe brochure (des Amis du Peuple), Paris, David, s. d. (décembre 1831). — J.-Cl. Caron, La société des Amis du Peuple (1830-1833), mémoire de maîtrise, sous la direction de Louis Girard, Paris IV, 1978. — L.-A. Blanqui, œuvres I. Des origines à la Révolution de 1848, textes présentés par D. Le Nuz, Nancy, Presses Universitaires, 1993. — Notes de R. Skoutelsky et J.-C. Vimont. — — Paul Mbongo, Les pétitions populaires à la chambre des députés sous la Monarchie de Juillet, Mémoire de D.E.A. en Études Politiques (Histoire et philosophie politiques), École des Hautes Études en Sciences Sociales, 1997, f. 50.

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