Employé puis journaliste ; socialiste des années 1850.
La personnalité de Selme-Davenay étant surtout décrite par des rapports de police rédigés en termes très hostiles, il est difficile de se faire de lui une idée juste. Son passé est avant tout connu par une longue circulaire du préfet de police Carlier en date du 20 septembre 1850. Il en résulte qu’avant de venir dans les Vosges Selme-Davenay fut, au lendemain de la révolution de 1830, « l’un des chefs des sociétés anarchiques organisées à Paris ; il figure parmi les meneurs de la Société des droits de l’Homme et fut compromis dans les affaires de juin 1832. » Il fonda en 1833 « Le Pilori », biographie des renégats politiques, avec Vaillant et Taillebert, qui dura trois mois. En 1835, il aurait fondé Le Knout, dans lequel (numéro du 25 février 1836), la condamnation à mort de Fieschi* était qualifiée d’assassinat juridique.
Employé dans les bureaux du ministère de la Guerre, en 1836, il dut démissionner en mars 1837, quand on y connut ses antécédents. Il fut ensuite employé dans une usine à Essonnes (Seine-et-Oise), en 1838, journaliste d’opposition à Beauvais (Oise), à Évreux (Eure) — au Journal de l’Eure, pour un article duquel il fut acquitté, par les assises, du chef d’offense au roi —, à Dieppe. Il collabora au Charivari. Le rapport Carlier l’accuse de libertinage et d’escroquerie.
D’après le même Carlier, Selme-Davenay aurait été envoyé à Remiremont (Vosges) par Flocon* pour y fonder un journal « rouge ». Il avait été indiqué à ce dernier par le représentant Carlos Forel sur la recommandation de l’ex-Constituant Hingray. De fait, Flocon séjournait à Plombières (Vosges) en juin 1850, quinze jours avant la fondation dudit journal « rouge » à Remiremont. Mais on peut penser que Selme-Davenay avait eu des contacts avec Mathieu d’Épinal*, ayant été, en 1848, secrétaire général de la préfecture de la Seine-Inférieure, où Mathieu était interné.
Quoi qu’il en soit, Selme-Davenay, qui était marié et père de deux enfants, vint s’établir à Remiremont en juillet 1850 et, le 27, il reprenait l’entreprise du Peuple vosgien. La cession de la propriété de ce journal et du cautionnement, par Thérin, eut lieu le 27 juillet. Le cautionnement était de 1 800 F et Selme-Davenay s’intitula rédacteur-gérant de cet organe démocrate et socialiste, dont la collection ne figure pas aux Archives des Vosges, hormis les numéros saisis.
Le 23 novembre 1850, le tribunal correctionnel de Remiremont lui infligeait une première condamnation pour avoir inséré dans ce journal un article sans signature. Le 2 décembre 1850, Selme-Davenay devenait simple commanditaire avec Forel et l’imprimeur Mougin, mais il gardait la gérance politique, en quoi le procureur de la République découvrit une nouvelle infraction. Le 22 février 1851, nouvelle comparution devant le tribunal correctionnel de Remiremont. Mougin, nouveau gérant, et Selme-Davenay, ancien gérant, étaient condamnés solidairement à quatre mois de prison et 800 F d’amende pour quatre contraventions, et le préfet engageait le procureur à interjeter appel à minima.
Ces poursuites entraînèrent la suspension provisoire, puis définitive du journal. Le 10 mars suivant, Selme-Davenay comparaissait devant les assises d’Épinal. On lui reprochait cette fois des paroles incendiaires « prononcées par lui à Gérardmer et à Corcieux à l’occasion du voyage des deux représentants démocrates dans ces cantons ». Cette visite avait déjà été sanctionnée sur le plan local par des condamnations contre les habitants qui avaient manifesté bruyamment leurs sentiments républicains. Cependant Selme-Davenay fut acquitté après la déposition du représentant Guilgot, qui prit à sa charge les paroles incriminées en les édulcorant.
Ainsi l’administration avait-elle réussi à faire disparaître un organe d’opposition et, le 26 mai 1851, Selme-Davenay demandait le remboursement du cautionnement du journal qui avait cessé de paraître depuis le 14 février 1851. Selme-Davenay était alors signalé dans la correspondance policière de l’époque comme socialiste militant et dangereux. Il avait à peine terminé de purger sa peine que survinrent les événements de décembre. Selme-Davenay fut condamné à la transportation à Cayenne. Faible devant l’adversité, il écrivit au président de la République, le 11 janvier 1852, alors qu’il était à la prison cellulaire de Remiremont, pour demander sa grâce. Il fut ensuite transporté à Brest (Finistère) où il se trouvait sur le Duguesclin, et fut libéré le 14 mai 1852.
Il l’obtint et même, d’après des notes de 1858, il passait alors « pour être employé dans la police ». Il est vrai qu’un autre rapport le donne comme décédé depuis plusieurs années. Voir Forel Cl.*, Méjeat*, Mougin J.*, Thérin A.*
ŒUVRES : Articles de journaux : Le Pilori (1833), Le Knout (1835-1836) ; Le Journal de l’Eure, Le Charivari, Le Peuple vosgien (1850-1851).
SOURCES : Archives Nationales. Paris.- Cour des Pairs : Procès politiques II La Monarchie de Juillet 1830-1835 : Inventaire des articles CC 546 à 670 / par Jeannine Charon-Bordas,...- Paris : Archives Nationales, 1983.- 259 p. — Fernand Rude, Mourir à Douéra, Le Mouvement Social, n° 161, oct.-déc. 1992, pp. 7-23. — Paul Chacornac, Éliphas Lévi rénovateur de l’occultisme en France (1810-1875). Présentation par Paul-Redonnel ; préf. de Victor-Emile Michelet.- 14140 Livarot, France Ouest Imprimerie, 1989.- XVIII-300 p. (Selves-Davenay p. 73).— (Réimpr. de l’édition Paris, Librairie Générale des Sciences Occultes Chacornac Frères, 1926). — Note de J. Risacher. — Note de G. M. Thomas.