Par Notice revue et complétée par Jacques Grandjonc
Né à Paris le 20 septembre 1814 ; compositeur d’imprimerie ; membre de sociétés secrètes républicaines ; très proche du néo-babouvisme.
Stévenot appartint à la Société des droits de l’Homme dès ses débuts et fut son émissaire dans l’Ouest, en particulier au Havre où il séjourna un an environ de mars 1833 à mars 1834, et fit partie des sections locales de l’Association Patriotique (Voir Larabure), à Rouen, Alençon, etc.
De retour à Paris, où il demeurait passage Beaufort et 63, rue Quincampoix (VIe arr. ancien, maintenant IIIe), il semble être passé à travers les suites des journées insurrectionnelles d’avril 1834, ce qui dût lui permettre d’aider Martin Bernard* et quelques autres à jeter les bases de la Société des Familles. C’est en effet avec lui, qu’en mai 1835 il organisa une collecte en faveur « des braves Lyonnais » accusés d’Avril, lors de leur transfert à Paris pour l’ouverture du procès. Le 26 mai 1835 il fut arrêté à son domicile en compagnie d’Aubry,* Eustache Beaufour,* Daubromeny*, André Duval*, Clément Lévy* et Seguin*, qui constituaient sans doute une section de la Société des Familles. La police saisit à son domicile deux Aphorismes de Napoléon Lebon* et l’instruction menée contre Stévenot pour « complot et association illicite » révéla — bien qu’elle n’aboutît pas — des liens avec d’autres groupes organisés, dont ceux de Joseph Moriencourt*, de Pinson* et surtout de Pierre Quignot* que le procureur qualifiait de « secte de Communistes ou radicaux ». Ces éléments permettent de situer Stévenot dans la mouvance de « l’école » de Philippe Buonarroti* et de Charles Teste*. Écroué pour cette affaire le 27 mai à La Force et le 11 juin à Sainte-Pélagie, il fut libéré par non-lieu le 8 août 1835
Le premier semestre de 1836 fut marqué par de très nombreux coups de filet de la police contre les divers organismes secrets qui s’étaient créés à la suite des journées d’avril, comme la Société des Familles et dont certains aboutirent au procès des poudres. Stévenot ne pouvait y échapper et il fut de nouveau arrêté le 15 mars 1836, pour complot et association illicite, et sans doute relâché peu après. Suivant les sources, son domicile diffère, donné parfois, de 1838 à octobre 1851, 47 rue de Grenelle-Saint-Honoré (IVe arr. ancien, maintenant rue Jean-Jacques Rousseau Ier). De la Société des Familles, il passa naturellement à celle des Saisons, dont il partageait la gestion de la trésorerie avec Jean Charles* et il prit part à la prise d’armes du 12 mai 1839. Il y fut blessé et reçut des soins d’urgence des mains mêmes de Blanqui* qui lui permirent d’échapper aux recherches de la police. Son domicile, peut-être provisoire, 178 rue Saint-Denis (Ve arr. ancien, actuel IIe), fut perquisitionné une troisième fois, et on y trouva de nombreux documents relatifs à ses activités militantes. Bien qu’il soit évoqué dans le rapport de Mérilhou comme un partisan du partage des biens et de l’égalité du travail, membre d’une « société communiste ou de la communauté » et que son dossier soit mêlé à celui de Jean-Charles parmi ceux des condamnés au procès de la deuxième catégorie, à 5 ans de détention le 31 janvier, il ne semble pas qu’il en ait fait partie. Le même chose semble s’être produite pour l’affaire Marius Darmès* (15 octobre 1840) : une nouvelle perquisition à son domicile permit de compléter le dossier sur les sociétés communistes, avec des pièces datant de 1833 à décembre 1840 (affaire des communistes de Lyon, 13 décembre).
Collaborateur occasionnel de L’Atelier, il devint l’un des rédacteurs du journal communiste révolutionnaire La Fraternité de 1845, Organe des intérêts du Peuple, dont le sous-titre se transforma rapidement en Organe du Communisme. Stévenot s’en prit, dans les colonnes de La Fraternité, encore à la veille de 1848, à Étienne Cabet* et à son communisme réformiste et chrétien. Il fut, en 1848, membre du club de la Fraternité, et présenté par Amable Longepied* à Alexandre Ledru-Rollin* pour être envoyé dans les départements comme délégué par le Club des Clubs. Pendant les Journées de Juin, il ne parut pas dans les rangs de la garde nationale où il était lieutenant et fut suspendu de son grade. En relations avec Willis, son voisin, rue de Grenelle, cordonnier socialiste et chef de section de la Société des droits de l’Homme, il pétitionna contre la loi du 31 mai dont l’abolition lui paraissait le seul moyen d’éviter la révolution dont la société était menacée pour 1852. Membre de la Commission de secours aux familles des détenus politiques, il alla recevoir en juin 1850 les 100 F que le trésorier du président de la République mettait à sa disposition.
Poursuivi deux fois pour association et excitation à la haine et au mépris du gouvernement, il fut arrêté par mesure de précaution à l’aube du 2 décembre et expulsé.
Par Notice revue et complétée par Jacques Grandjonc
SOURCES : Arch. Nat., CC 772, dossier Stévenot, Réquisitoire du 24 juillet 1835. — Arch. Min Guerre, B 637. — Arch. PPo., A a/428, pièce 615. — Arch. Dép. Paris (Seine), registres d’écrou DY427-9622, DY88-1890. — Paul Chauvet, Les Ouvriers du Livre en France..., avant-propos d’E. Ehni, Paris, Marcel Rivière, 1956, p. 143-145 et p. 152-155. — Cour des pairs. Procès politiques, 1830-1835, Inventaire dressé par J. Charon-Bordas, Paris, Archives Nationales, 1983, CC 666 D 8. — Cour des pairs. Procès politiques, 1835-1848, Inventaire dressé par J. Charon-Bordas, Paris, Archives Nationales, 1984, CC 729 N° 472, CC 772. — Jacques Grandjonc, Communisme/Kommunismus/Communism. Origine et développement international de la terminologie communautaire prémarxiste des utopistes aux néo-babouvistes, Trier, Karl Marx Haus, 1989, p. 150, 152, 157, 167, 383, 397-400. — Notes de Jean Risacher.