SUIREAU Aimé, François, Louis

Par Notice revue et complétée Michel Cordillot et Michael Sibalis.

Né le 26 mars 1809 à Paris, mort en mai 1871 à New York (USA) ; ouvrier tailleur ; animateur de grèves et de coalitions ouvrières ; conspirateur républicain ; membre de l’Union républicaine de langue française et de l’AIT.

Dans les années 1830, Suireau consacra essentiellement sa vie militante aux revendications ouvrières de sa corporation. Selon les autorités lyonnaises, en 1836, avant de venir à Lyon, Suireau aurait participé au mouvement des ouvriers tailleurs à Marseille (Bouches-du-Rhône), sans doute la grève marseillaise d’octobre 1834. En avril et mai 1836, les ouvriers tailleurs de Lyon (Rhône) « damnaient » deux ateliers. Suireau aurait été le « chef et moteur » de cette coalition. En outre, Suireau « professe les opinions républicaines les plus exaltées [...] Bien qu’il soit d’un physique des plus chétifs [il ne mesure que 1,53 ou 1,57 mètres selon les registres d’écrou] et dans l’impuissance de payer de sa personne dans un mouvement populaire, il n’en est pas moins l’homme à entrer dans toute espèce de complot contre le Gouvernement du Roi. » Il fut incarcéré dans la prison de Rouanne à Lyon du 7 au 20 mai 1836. Aussitôt libéré, il prit un passeport pour Paris.
Suireau fut avec André Troncin* l’un des animateurs de la grande grève de la profession pour les salaires, entre juin et septembre 1840. Les patrons la déclenchèrent en décidant d’imposer le livret à tous les ouvriers. Le nombre des grévistes passa d’un millier, fin juin et début juillet, à trois mille le 21 juillet. Les responsables de la grève furent arrêtés le 5 août. Les trois délégués ouvriers à une commission d’entente patronale et ouvrière le furent le 20 août.
Arrêté au saut du lit au matin du 6 août 1840, Suireau fut traduit devant le tribunal de police correctionnel, qui l’acquitta (ainsi que Troncin) le 18 septembre 1840. Mais le procureur général fit appel et, le 14 octobre 1840, la Cour royale condamne Troncin et Suireau comme « agents et moteurs d’une coalition ». Suireau fut condamné à trois ans d’emprisonnement, qu’il passe aux côtés de Troncin dans la prison centrale de Gaillon (Eure). On avait trouvé à leurs domiciles respectifs les sommes de 101 et de 80 F. Le procureur général estima que c’était-là « des sommes paraissant destinées à former une bourse commune pour secourir les ouvriers qui ne travaillaient pas », donc une espèce de caisse de grève, et il en fit prononcer la confiscation par la Cour royale. Voir Joseph Bellonay J.*.
Après sa libération, Suireau s’installa à Rouen (Seine-Inférieure), où il se maria en 1846. Selon certaines sources, il était alors icarien. Il fut l’une des quatre-vingt-une personnes inculpés à la suite de l’insurrection de Rouen les 27 et 28 avril 1848. Le procès a lieu à Caen, en novembre et décembre 1848. Suireau fut traduit devant le tribunal « comme ayant excité la guerre civile en armant les citoyens les uns contre les autres. [...] Suireau faisait également entendre dans le club qu’il présidait les paroles les plus violentes contre la garde nationale. » Et on le cita pour « ses propos, les encouragements qu’il donne à ceux qui élèvent les barricades, l’empressement qu’il met à les construire lui-même [...] ». Le 26 avril, sur la place Saint-Ouen, il aurait demandé l’incorporation des ouvriers dans la garde nationale et leur armement. Selon l’accusation, le 27 avril, il aurait sonné le ralliement et promis des armes. Selon ses propres dires et selon ceux de son ami Louis Durand-Neveu*, il aurait au contraire essayé d’empêcher le combat. Le 28 au soir, il se cachait. Il fut condamné, le 7 décembre, aux travaux forcés à perpétuité du fait de sa condamnation antérieure et parce qu’il avait été après février membre du Club Saint-André. Mais le jugement fut cassé. Suireau comparut ensuite devant la cour d’assise d’Alençon, qui le condamna cette fois à la déportation, le 17 avril 1849.
Échappé de la prison où il attendait son transfert, il passa en Angleterre, puis de là, gagna les États-Unis. Ardent républicain et farouchement antibonapartiste, il fut l’un des fondateurs de l’Union républicaine de langue française (URLF) à New York et, à ce titre, il fut l’un des orateurs qui s’adressèrent aux deux cents convives rassemblés à l’occasion du banquet commémorant l’anniversaire du 22 septembre en 1869. En février 1870 il participa de même au banquet anniversaire du 24 février ; y déployant un drapeau rouge, il salua les participants de quelques nobles paroles. En juillet, il fut élu président du comité central new yorkais.
Également membre de l’AIT, il mourut de chagrin début mai 1871, d’avoir vu la France vendue et livrée à la réaction européenne.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article38004, notice SUIREAU Aimé, François, Louis par Notice revue et complétée Michel Cordillot et Michael Sibalis., version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 20 février 2009.

Par Notice revue et complétée Michel Cordillot et Michael Sibalis.

SOURCES : Arch. Nat., BB 18 1385, dossier 776-A9, rapport du procureur-général, 25 septembre 1840 ; F 7/3890, 21 juillet 1840. — Arch. Dép. Paris (Seine), registres d’écrou DY8/20-2569 ; V2E 1324 ; Extrait du registre des actes de naissances du troisième arrondissement de Paris pour l’année 1809. — Arch. Dép. Rhône, série Y, registre d’écrou de la prison de Roanne, 1689. — Arch. Mun. Lyon, I/1 74, lettres des 6 mai et 4 juin 1836. — Le National, 16-23 juillet, 7-8 août, 19 septembre, 16 octobre 1840. — Gazette des Tribunaux, 9, 12 septembre, 15 octobre 1840. — Journal de Rouen, 14 novembre et 8 décembre 1848. — Bulletin de l’Union républicaine, 15 novembre 1869, 10 mars, 15 juillet 1870, 15 mai 1871 (nécrologie). — Mary Lynn McDougall, After the Insurrection : The Workers Movement in Lyon, 1834-1852, thèse de doctorat, Columbia University, New York, 1973, p. 179. — Yannick Marec, 1848 à Rouen, Luneray, 1988, p. 103. — Marcel Boivin, Le Mouvement ouvrier dans la région de Rouen, 1851-1876, tome 1, p. 98.

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