THORÉ Théophile [THORÉ Étienne, Joseph, Théophile], dit W. BÜRGER

Par Notice revue et complétée par Michel Cordillot.

Né à La Flèche (Sarthe) en 1807, mort à Paris en 1869. Avocat, puis substitut du procureur du roi à La Flèche. Journaliste socialiste.

Affilié au carbonarisme à l’époque où il suivait les cours de l’École de Droit, Théophile Thoré (plus connu à la fin de sa vie sous le pseudonyme de W. Bürger), combattit sur les barricades de Juillet 1830. Réformateur influencé par les idées de Pierre Leroux*avec lequel il participa à la rédaction de la Revue encyclopédique, il abandonna sa profession d’avocat pour se consacrer uniquement au mouvement démocratique. En 1839, la rédaction d’un prospectus pour un journal intitulé La Démocratie le fit condamner à un an de prison. Il publia en 1840 une brochure, La Vérité sur le parti démocratique, qui lui valut des poursuites judiciaires et une nouvelle condamnation à un an de prison et 1 000 F d’amende. Il habitait alors 29, rue Notre-Dame-de-Lorette.
Sous la Monarchie de Juillet il collabora au Monde de Daniel Pistor*. Durant les dernières années de la Monarchie de juillet, il collabora à de nombreux journaux républicains et avancés, parmi lesquels la Revue républicaine de Dupont, le Réformateur de Raspail*, le Journal du peuple de Dupoty* et Cavaignac, la Revue indépendante et la Revue sociale de P. Leroux*, la Revue du progrès de L. Blanc* et enfin la Réforme de F. Flocon*. Il participa également à la préparation du Dictionnaire politique de Garnier-Pagès.
Au lendemain de la Révolution de février 1848, il fonda, avec Jean-Philibert Berjeau*, un journal quotidien à Paris, d’opinion franchement socialiste, sans attache d’école, La Vraie République, qui fut supprimé après l’affaire du 13 juin 1849. Il collabora au Peuple. Journal hebdomadaire de la démocratie française.
Il se présenta à la Constituante dans les Deux-Sèvres et dans la Seine. La profession de foi qu’il rédigea pour les électeurs vendéens donne une bonne idée de la « manière mystique » de 1848 : « La jeune société républicaine est encore comme un martyr garrotté et percé de flèches. Les saintes femmes qui viendront arracher les flèches et parfumer d’huiles bienfaisantes les blessures du peuple martyr sont la Liberté, l’Égalité, la Fraternité... Comment donc consacrer les fiançailles de la Vierge adulte avec le Peuple régénéré, devant Dieu et devant les Hommes, devant la Patrie qui espère, devant l’Europe qui regarde ? » Il s’attachait beaucoup au problème de l’organisation du travail : « Organiser le travail, afin que l’ordre ne soit plus troublé par la misère et l’injustice, voilà le suprême devoir de la République. Mais pour que l’État organise le travail agricole, industriel et intellectuel, il faut que l’État ait la disposition et le règlement des instruments de travail, dispersés aujourd’hui dans des mains particulières... Ma seule ambition est de contribuer dans l’Assemblée nationale à l’établissement de la vraie République. C’est pourquoi en ma qualité d’ouvrier de la pensée et de prolétaire intellectuel, je sollicite l’honneur de représenter nos frères les laboureurs des campagnes, nos frères les ouvriers de l’industrie, et tous ces héros patients et obscurs du travail national accompli par le bras, par l’esprit et par le dévouement. »
Thoré ne fut élu ni dans les Deux-Sèvres ni dans la Seine. Ainsi que Pierre Leroux, Cabet ou Blanqui, il avait été victime de la rupture intervenue dans le courant du mois d’avril entre les socialistes parisiens connus et Ledru-Rollin. Lors de la manifestation populaire du 16 avril, Thoré, aux côtés de Pierre Leroux, pour éviter la guerre civile, avait demandé à Ledru-Rollin, l’avait supplié de ne pas faire battre le rappel, et le ton de la discussion s’étant élevé, Ledru-Rollin aurait dit : « Nous voulons en finir avec les socialistes et les révolutionnaires. »
Le 15 mai 1848, le nom de Thoré se trouvait sur la liste des membres du futur gouvernement qui circulait à l’Hôtel de Ville. On prévoyait pour lui la mairie de Paris. Pour les élections complémentaires de juin 1848, il figurait sur la liste des « Clubs réunis » avec Caussidière, Pierre Leroux, Proudhon, Cabet, Kersausie*, Lagrange* et Savary*. Il arriva second de la liste, derrière Proudhon qui fut le seul élu.
Après les Journées de Juin, le bruit de son arrestation courut. Il fut néanmoins élu député de la Seine aux élections complémentaires du 17 septembre 1848, en compagnie de Raspail et du futur Napoléon III. Il avait figuré sur la liste des communistes icariens présentée par Cabet et Raspail. Une fois élu, il s’occupa de la création d’un ministère spécial des Beaux-Arts, dont il refusa de prendre la direction. Il fut toutefois battu, dans les Deux-Sèvres, aux élections du 13 mai 1849.
Il dut s’exiler après l’affaire du 13 juin 1849. En février 1851, le procureur général de Besançon le signalait, au même titre qu’Avril*, Boichot* ou Pyat*, parmi les réfugiés français les plus actifs de l’autre côté de la frontière. De leur collaboration commune devait sortir l’Almanach de l’Exilé, imprimé à Paris et très répandu dans l’Est. L’année précédente, Thoré avait publié une brochure, Liberté, d’inspiration socialiste, mais d’un socialisme anti-étatique.
Après le coup d’État, Thoré vécut en Angleterre. Peu après le 24 juin 1852, il assista, à Londres, à une réunion provoquée par la « Commune révolutionnaire », où parlèrent tour à tour Louis Blanc, Ledru-Rollin, les frères Leroux et Félix Pyat. On en vint à évoquer la fameuse journée du 16 avril 1848 et Ledru-Rollin accusa violemment Pierre Leroux de ne s’être tourné contre le Gouvernement provisoire que parce qu’on avait refusé de l’y associer. Et il prétendit que la démarche de Leroux, datée du 15 avril 1848, n’avait eu d’autre but que d’obtenir son appui à cet effet. Leroux protesta et demanda à Thoré de confirmer ses affirmations. Thoré affirma que Ledru-Rollin avait bien prononcé la fameuse phrase : « Nous voulons en finir avec les socialistes et les révolutionnaires. »
De retour en France en 1860, il ne s’occupa plus que de la critique des Salons. Vêtu à la Devéria, il promenait d’un atelier d’artiste à l’autre sa longue barbe qui, de 1830 à sa mort, fut presque une profession de foi.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article38270, notice THORÉ Théophile [THORÉ Étienne, Joseph, Théophile], dit W. BÜRGER par Notice revue et complétée par Michel Cordillot., version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 1er mai 2019.

Par Notice revue et complétée par Michel Cordillot.

ŒUVRES : Outre sa collaboration aux journaux cités ci-dessus et de nombreux ouvrages consacrés à l’art ainsi qu’un Dictionnaire de phrénologie et de physiognomonie (Paris, librairie usuelle, 1836), on retiendra La Vérité sur le parti démocratique, Paris, impr. de Mme Lacombe, 1840, in-12, 47 p. — Procès de T. Thoré, auteur de la brochure intitulée La Vérité sur le parti démocratique, Paris, au Journal du peuple, 1841, in-8°, 61 p. — De l’abolition du prolétariat, Bruxelles, Wouters, 1842, in-12, 24 p. — La Recherche de la liberté, Paris, impr. de Schneider et Langrand, 1845, in-18, 65 p. — Liberté, Bruxelles, impr. de C. Vanderauwera, 1850, in-16, 138 p. — La Restauration de l’autorité, ou l’Opération césarienne, Bruxelles, J. B. Tarride, 1852, in-12, 24 p. — Union socialiste. Première publication, Londres, aux bureaux de l’Union socialiste, sd [1852], in-4°, 4-4 p. — La Belgique alliée à Bonaparte ! par Jacques van Damme [ F. J. Delhasse et T. Thoré], Bruxelles, impr. de H. Samuel, 1854, in-12, 35 p.

SOURCES : Arch. PPo., A a/428. — Les Murailles politiques de 1848, 17e éd., vol. II, p. 446-47. — I. Tchernoff, Le Parti républicain au coup d’État et sous le Second Empire. — Léon Guyon, « Un journaliste de 1848, Philippe Faure », La Révolution de 1848, t. II, n° 17, nov.-déc. 1906. — H. Moysset, « L’idée d’organisation du travail dans les professions de foi des candidats à l’Assemblée constituante de 1848 », La Révolution de 1848, t. III, n° 13, mars-avril 1906. — Émile Monnet, Archives Politiques des Deux-Sèvres, t. I. — Notes de Pierre Courthion, in Europe (numéro spécial centenaire de la Révolution de 1848, p. 219. — M. Vuilleumier, « Théophile Thoré et les républicains réfugiés en Suisse de 1849 à 1851 », Revue Suisse d’Histoire, t. XIV, fasc. 1, 1964.
Les papiers de Thoré sont conservés à la Bibl. de l’Arsenal, Ms 7909 à 7922 et une série de lettres reçues par lui à la Bibl. Nat., NAF 11.955.

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