TOUSSAINT frères

Par Daniel Fabre

Les frères Toussaint, Toussaint Marie, Antoine*, dit l’aîné, et Toussaint Gabriel*, ne surgirent dans l’histoire qu’associés. D’abord comme pharmaciens, ils succédèrent à leur père et assirent leur réputation en inventant un cachou qui avait, disaient-ils, les vertus d’une panacée. En 1829, le Père Enfantin* passait à Castelnaudary : le saint-simonisme y avait été introduit de fraîche date à partir du groupe de Sorèze animé par Jacques Rességuier*, et c’est sans doute vers cette époque que les deux frères se convertirent, organisant, le soir, dans leur pharmacie discrètement accessible par « la porte de derrière », des réunions où l’on débattait de la doctrine, où l’on entendait les nouvelles du phalanstère de Ménilmontant.
Mais Toussaint l’aîné devint vite un propagandiste d’envergure : il visita le groupe de Limoux animé par Teisseire*, pharmacien, et Buzairies*, médecin, il se rendit à Paris au centre de l’Église saint-simonienne, il accompagna jusqu’à Marseille Combes* et Tamisier* qui s’embarquaient pour l’Égypte en août 1833. Castelnaudary était alors l’une des villes les plus pénétrées par « la foi nouvelle » et les voyageurs — Terson*, Retouret*, Vidal*, Suzanne Voilquin*... — ne manquaient pas de visiter le groupe qui les accueillait avec une délicatesse mondaine et organisait des débats contradictoires. L’arrivée des apôtres en grand uniforme, l’enterrement en novembre 1834 de Jean Izard, un jeune disciple aide-pharmacien, le mariage en octobre 1836 de Toussaint l’aîné et de Marie-Adèle Tamisier, sœur de l’explorateur, fournirent l’occasion de cérémonies spectaculaires le plus souvent ponctuées par la publication de brochures justificatrices, toutes imprimées à Castelnaudary, chez Groc, éditeur de l’église locale. Mais, après 1836, la période héroïque du saint-simonisme s’achèva et les Toussaint ne reparaîtront sur la scène politique qu’en 1848 où Marie-Antoine participera à la municipalité républicaine. Modéré, anti-démagogique, pourtant dénoncé comme « républicain rouge pur sang », il échappa au bannissement après le coup d’État de 1851 grâce à ses liens amicaux très anciens avec le sous-préfet Barre. C’est écœuré par le retour de la bourgeoisie orléaniste qu’il quitta Castelnaudary en 1855 pour gagner Londres puis Paris où sa trace se perd ; nous savons seulement que sa fille, Julie, y fut célèbre comme première inspectrice des enfants de la ville de Paris. Devenue dès le début des années 1860 le bras droit d’Elisa Lemonnier pour sa fondation des écoles professionnelles pour jeunes filles, elle en prit la direction après la mort d’Elisa en 1865, pour la garder jusqu’à la fin de sa carrière. Elle fut nommée chevalier de la Légion d’Honneur à ce titre. Elle adhéra aussi à la Ligue pour la paix de Charles Lemonnier et autres, et fut en relations avec André Léo.

Quant au jeune frère, Gabriel, il mourut dans la solitude, en 1881, dernier témoin des temps utopiques en terre lauragaise.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article38376, notice TOUSSAINT frères par Daniel Fabre, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 7 mars 2018.

Par Daniel Fabre

SOURCE : J. L. Puech, Les saint-simoniens dans l’Aude. — S. Voilquin, Souvenirs d’une fille du peuple, Paris, Maspero, 1978. — P. Tirand, Castelnaudary et le Lauragais audois, 1988. — Daniel Fabre, « Toussaint M., Toussaint G. », Les Audois, Dictionnaire biographique, sous la direction de Rémy Cazals et Daniel Fabre, Carcassonne, 1990. — Note de Jean-Pierre Bonnet.

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