TRONCIN André [TRONSIN]

Par Notice revue et complétée par Michael Sibalis

Né le 18 frimaire an XI (9 décembre 1802) à Besançon (Doubs),mort le 12 janvier 1846 à Montmartre (Seine) ; ouvrier tailleur d’habits ; animateur de grèves et de coalitions ouvrières ; membre de la Société des droits de l’Homme et de diverses sociétés secrètes.

Fils d’un marchand bisontin assez prospère, le jeune André Troncin devint apprenti tailleur après la mort de sa mère et le remariage de son père avec une femme qui ne supportait pas les enfants du premier lit. Dans les années 1820, après avoir fait son Tour de France, Troncin s’installa à Paris, où son frère aîné était médecin. Il participa activement à l’insurrection des journées de Juillet 1830, mais, en tant que républicain, déçu par la proclamation de la monarchie de Juillet, il devint membre de la Société des droits de l’Homme.
Lors de la grève des ouvriers tailleurs à l’automne de 1833, Troncin était président de la Société philanthropique des ouvriers tailleurs. Celle-ci soutint la coalition et Troncin devint par conséquent membre de la commission dirigeante, présidée par Alphonse Grignon*. Le 29 novembre 1833, le tribunal de police correctionnelle le condamna à trois ans de prison ; le 25 janvier 1834, la peine fut réduite à deux ans par la cour royale de Paris jugeant sur appel. Il fut incarcéré avec ses camarades Alphonse Grignon et Pétrus Maurin* dans la centrale de Clairvaux (Aube) en 1834-1835, bien que les tailleurs fussent censés bénéficier du statut de prisonniers politiques (une faveur spéciale du gouvernement). Troncin protesta contre les conditions carcérales et participa à des actes d’insubordination.
De retour à Paris en décembre 1835, cet ancien membre de la Société des droits de l’Homme devint un des lieutenants d’Auguste Blanqui*. Impliqué dans l’ » affaire des Poudres » (la police découvrit, rue de l’Ourcine, une fabrique clandestine de munitions), Troncin est incarcéré à La Force pendant deux mois (30 avril-25 juin), puis relâché sans inculpation.
Le 28 juillet 1838, Troncin participait à une manifestation républicaine et y prononça un violent discours contre la monarchie de Juillet. Recherché par la police, il s’enfuit en Angleterre, ne revenant à Paris qu’au début de 1839.
En juillet-août 1840, Troncin fut, avec Aimé Suireau*, le principal dirigeant de la grève des ouvriers tailleurs contre le livret ouvrier. Arrêté au saut du lit, le 6 août 1840, il fut traduit devant le tribunal de police correctionnelle, qui l’acquitta, comme Suireau, faute de preuves, le 18 septembre 1840. Le procureur fit appel. Des sommes d’argent furent découvertes chez l’un et chez l’autre : en tout 181 F. Le procureur général voulut y voir l’embryon ou le reliquat d’un fonds de solidarité, d’une caisse de résistance. L’argent fut confisqué. Le 14 octobre 1840, la cour royale le condamna, comme Suireau, en tant que récidiviste, à cinq ans de prison. Au prononcé du jugement, il s’écria : « Cinq ans de prison pour un homme innocent ! Dix ans de surveillance ! Et vous prenez notre argent par-dessus le marché ! C’était bien la peine d’abolir la confiscation ! » Et lorsque les gardes l’entraînèrent, Troncin reprit : « Peuple ! Voilà le sort que l’on réserve à tes amis ; j’ai soutenu tes droits, j’en reçois la récompense. »
Incarcéré à la centrale de Gaillon (Eure) du 7 février 1841 au 24 décembre 1845, sa santé périclita. Il mourut quelques jours après sa sortie, à Montmartre (le séjour dans Paris lui étant interdit).
Le mouvement ouvrier et le mouvement républicain considérèrent Troncin comme un martyr. Deux mille personnes suivirent son convoi funèbre de l’Église Saint-Pierre-de-Montmartre jusqu’au cimetière Saint-Vincent. Les ouvriers parisiens, ainsi que beaucoup de provinciaux, firent des collectes afin de lui ériger une modeste tombe et pour venir en aide à sa femme et ses deux jeunes fils, André et Marius, nés le 7 janvier 1838 et le 11 (ou le 12) novembre 1839. Pendant plusieurs années, à chaque anniversaire de sa mort — au moins jusqu’en 1851 — les « amis de Troncin » se réunirent autour de sa tombe pour déposer des gerbes et prononcer des discours à sa gloire.
Voir aussi Joseph Bellonay*, Félix Dubois*.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article38425, notice TRONCIN André [TRONSIN] par Notice revue et complétée par Michael Sibalis, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 24 août 2017.

Par Notice revue et complétée par Michael Sibalis

SOURCES : Gazette des tribunaux, 12 septembre et surtout 15 octobre 1840. — P. Gilland*, « Biographie des hommes obscurs : André Troncin, ouvrier tailleur », La Feuille du village, tome 2, p. 43-47 (15 août-19 décembre 1850) — Michael D. Sibalis, « André Troncin, ouvrier tailleur (1802-1846) : Une Victime de la prison politique », in Bulletin de la Société d’Histoire de la Révolution de 1848 et des révolutions du XIXe siècle, n° 7 (1991), p. 83-91.

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