VIDAL Antoine

Par Notice revue et complétée par Luce Czyba

Né le 4 octobre 1796 à Ganges (Hérault), mort le 5 août 1832 à Lyon (Rhône) ; tulliste, homme de lettres ; mutuelliste.

Victime de la Terreur blanche et proscrit, fuyant les troubles qui agitaient sa province natale, Antoine Vidal arriva à Lyon avec sa famille en 1815. Protestant cévenol pratiquant, il resta toute sa vie fidèle à cet engagement religieux. À Lyon, il exerça d’abord la profession de tulliste (ouvrier en tulle) avant de devenir instituteur à Saint-Didier-au-Mont-d’Or, village des environs de Lyon. Poète et chansonnier, il fut accueilli au sein d’une société lyrique locale. Il publia en 1820 De l’enseignement mutuel et de ses détracteurs, puis, en 1825, À la Bienfaisance, poème dédié à la Société des dames protestantes de Lyon. Auteur de nombreuses pièces en vers, il parvint à en faire publier quelques-unes, suivies d’un recueil paru en 1827 sous le titre Le Galoubet d’un patriote.
Par le choix de ce titre, Antoine Vidal revendiquait ses liens avec sa terre natale, le galoubet, mot provençal, désignant une sorte de petite flûte répandue en Provence et Languedoc. Selon un contemporain, plusieurs des chansons du Galoubet devinrent populaires et tous les cafés de Lyon ont en particulier retenti de celle qui s’intitulait Le Pécheur dont le refrain exaltait le souvenir des campagnes napoléoniennes. La reconnaissance locale du talent de chansonnier de Vidal lui valut l’appellation de « Béranger lyonnais ».
Lorsque Falconnet*, chef d’atelier en soie à Lyon, membre du Devoir mutuel (association des chefs d’atelier de la Croix-Rousse), élu le 13 octobre 1831 vice-président de la commission centrale des chefs d’atelier (qui devait élaborer le tarif dont la mise en application provoqua la crise de novembre 1831), fonda le 30 octobre 1831 le journal des chefs d’atelier et des ouvriers en soie, L’Écho de la fabrique. Journal industriel et littéraire de Lyon, il fit appel à Antoine Vidal. Devenu rédacteur en chef de L’Écho de la fabrique, ce dernier assuma cette fonction jusqu’au 1er juillet 1832. Il fut nommé à l’unanimité gérant du journal, le 13 mai 1832, en remplacement de Falconnet qui, élu prud’homme, avait donné sa démission pour éviter toute accusation de cumul et de dépendance. Dans un article paru le 27 mai 1832 et signé de ses initiales, il en appelait à « l’Union universelle entre les travailleurs » par-delà les frontières. A. Vidal signa le journal comme gérant jusqu’au numéro du 5 août 1832, jour de sa mort à l’hôpital. Une foule nombreuse assista à ses funérailles et, aux portes du cimetière, quatre chefs d’atelier firent la quête au profit de la famille du défunt. Selon Marius Chastaing*, ami d’Antoine Vidal depuis 1820 et son successeur à la rédaction en chef de l’Écho de la fabrique, « l’état de détresse auquel s’est trouvé réduit Vidal était le résultat de son indépendance littéraire, de sa philosophie et surtout de sa piété filiale. Ses amis n’ont pas à en rougir et lui-même parlait de sa pauvreté sans honte ni orgueil ».
Les discours prononcés à l’occasion des funérailles d’Antoine Vidal lui rendirent un bel hommage. Selon Falconnet, il « n’a dirigé L’Écho de la fabrique que dans le but honorable d’être utile et d’améliorer le sort des classes laborieuses et industrielles dont il s’honorait de faire partie ». Selon le saint-simonien François Arlès-Dufour*, qui, à partir de la mi-avril 1832, avait collaboré assidûment à L’Écho de la fabrique, « Vidal voyait dans le journal des ouvriers, le premier de ce genre en France, un puissant moyen d’amélioration physique, intellectuelle et morale de cette classe dont il s’honorait de sortir », « sa pensée repoussait le fiel et accueillait la conciliation », il s’efforçait de « défendre avec vigueur le travailleur timide », de « flétrir l’avarice et le mauvais vouloir de quelques distributeurs de travail isolés sans en rendre solidaire la généralité qu’il honorait », de « rapprocher le pauvre et le riche afin de les améliorer réciproquement », d’« associer les travailleurs en les éclairant et en les moralisant ». Dans sa notice sur Antoine Vidal, publiée dans L’Écho de la fabrique du 12 août 1832, Marius Chastaing estimait devoir lui « rendre cette justice qu’il regardait sa fonction de gérant comme un apostolat, comme une mission de paix ».
Marius Chastaing rappelle également les qualités qui distinguaient Vidal homme de lettres : « Un style simple, facile, académique, une imagination vive et brillante. » Si ses ouvrages sont « peu nombreux », tous ont « du mérite » et, « comme chansonnier, Vidal ne craint aucune comparaison, il ne le cède qu’à Béranger et, dans quelques chansons, il l’égale ». A l’appui de ce jugement, Marius Chastaing avait inséré, à la rubrique « Littérature » du même numéro, une chanson extraite du Galoubet, Le Chansonnier, dont le sens restait alors valide : le chansonnier est libre, il ne saurait « chanter un mauvais maître » ; au reste « un roi sans nom vaut-il un artisan ? » C’est bien en effet à son propre talent de chansonnier qu’avait, d’entrée de jeu, fait appel Antoine Vidal, à ses débuts de rédacteur en chef de L’Écho, quand, s’inspirant directement de Béranger et de sa Lisette, il consacra deux chansons à l’actualité sociale et politique lyonnaise de l’automne 1831. La première, publiée dans le n° 1 (25 octobre 1831), exprime la joie et l’espoir des ouvriers en soie, alors qu’ils croyaient adopté le nouveau tarif des prix de façon. La seconde, publiée dans le n° 4 (20 novembre 1831), signifie leur désillusion, le tarif restant lettre morte, et leur détermination à la veille de l’insurrection. Néanmoins, dans un autre poème, inédit, d’Antoine Vidal, que L’Écho de la fabrique publia après sa mort, le modèle des Méditations lamartiniennes est manifeste. Le 30 septembre 1832 (L’Écho de la fabrique, n° 49), Falconnet et Chastaing lancèrent une souscription pour publier les œuvres complètes d’Antoine Vidal, afin que l’homme de lettres ne fût pas oublié. Enfin L’Écho de la fabrique proposa sans doute une sorte de testament politique de son ancien rédacteur en chef en reproduisant, le 24 février 1833, date proche de l’anniversaire des Trois Glorieuses, les « Derniers vers d’Antoine Vidal », couplets inédits, intitulés Le Prolétaire, où l’auteur professe sa fidélité à ses origines sociales, à son état et à la « vertu » de ses convictions.
Voir Drivon frères*, Jean-Claude Romand*.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article38721, notice VIDAL Antoine par Notice revue et complétée par Luce Czyba, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 24 août 2017.

Par Notice revue et complétée par Luce Czyba

ŒUVRE : Ni le catalogue de la Bibl. Nat., ni celui de la Bibl. Mun. de Lyon n’en ont conservé de traces.

SOURCES : Arch. Nat., CC 558. — Bibl. Mun. Lyon, B 427, L’écho de la fabrique, notamment celui du 12 août 1832. — Fernand Rude, Les Révoltes des canuts 1832-1834, Paris, Maspero, 1982 — Note de Michel Cordillot.

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