VOITELAIN Louis

Par Philippe Darriulat

Né à Paris en 1798, mort à Bicêtre le 11 décembre 1852. Chansonnier.

Louis Voitelain
Louis Voitelain
Cliché fourni par Philippe Darriulat

Dixième enfant d’une famille d’ouvriers parisiens, il connaît une enfance misérable qui l’oblige à travailler à huit ans dans une fabrique. Orphelin à treize ans, il devient ouvrier imprimeur en 1818 et ne quitte plus ce métier. Il se met alors à courir les goguettes où il rencontre notamment Debraux et présente des chansons gaies à la gloire des plaisirs et du vin.
Julien Cabassol le fait entrer au Gymnase lyrique, une société chantante renommée qui sélectionnait ses membres. En 1824 il participe, avec « La Circonstance » à Mes Bluettes, un recueil de Perchelet. Au lendemain de la révolution de Juillet 1830 il abandonne la note légère pour faire des chansons politiques aux refrains démocratiques et républicains : Le Maire disgracié, Le Protecteur, Dîner ministériel, Rapport à M. Mangin, Il n’en coûte pas plus, Après nous la fin du monde, Le Modéré, Le Vieux prolétaire (1836), Le Républicain (« Et je ne veux pour ma part de butin/ Que du travail pour nourrir ma famille…/ Et cependant je suis républicain ! »). En 1835 il ironise sur ce qu’il considère comme les trahisons des espérances nées sur les barricades de juillet (Réflexions de M. Lar’pousse, lancier du préfet, et de M. Lang’lure, membre du comité des r’cherches, concernant les résultats d’la Révolution d’juillet et des immenses avantages que l’peuple en a r’cueillis) et compose, à l’occasion du retour des cendres : Le Convoi de Napoléon, stances dédiées aux patriotes. La même année il écrit Le Sauvage, une chanson qui a de forts accents anticolonialistes, ce qui est tout à fait exceptionnel dans les milieux de la gauche démocrate de cette époque ; même si ces couplets semblent faire référence aux amérindiens, colonisés par des Anglais, et non pas aux Algériens alors confrontés aux exactions de l’armée française (« Européens, retournez vers vos maîtres,/ N’espérez plus attenter à nos droits./ Songez surtout que, dans nos abris champêtres/ La liberté veille dans nos carquois. (…) Gardez vos Dieux, vos plaisirs, vos fers. »). Il est alors au faîte de sa gloire, Béranger déclare apprécier particulièrement ses refrains et Poncy, lors de sa première venue à Paris, tient à le féliciter pour son talent.
En 1839 il est un des deux rédacteurs de la Propagande, journal des intérêts populaires, un titre lancé par Laponneraye pour compléter L’Intelligence afin de contourner la loi sur le cautionnement des journaux paraissant plus qu’une fois par mois. Passé 1840, on le retrouve dans le groupe de l’Atelier. Pendant la deuxième République il est présent dans les publications des chansonniers républicains et notamment dans la Voix du peuple et dans Le Républicain lyrique. Toutes ses chansons sont des cris de révolte contre la misère et l’exploitation des ouvriers – La Grand-mère, Réclamation d’un prolétaire à un grand seigneur -, des plaintes antibonapartistes – Louis-Napoléon, A la France – ou des professions de foi écrites au compte de l’extrême gauche – A Raspail. Certains de ses titres sont plus originaux et le distinguent de l’abondante production des chansonniers républicains écrivant durant cette période de particulière agitation politique. Le Proscrit aux États-Unis – qui doit se chanter sur l’air du Sauvage – témoigne d’un antiaméricanisme virulent : il y décrit en effet la « belle Amérique » comme un pays où on trouve « un nègre garrotté », de « cupides marchands » et des « démocrates pervers » qui font régner « l’égoïsme sauvage ». L’Adieu au village est une des premières chansons d’un parisien manifestant sont mépris des populations rurales présentées comme arriérées et profondément réactionnaires. En 1848, il écrit un poème contre Louis-Napoléon.
Malade depuis 1845 il sombre petit à petit dans la folie et meurt à Bicêtre en décembre 1852. Son enterrement est l’occasion d’un rassemblement : « Nous étions en pleine terreur bonapartiste et l’on dut se donner rendez-vous par petits groupes échelonnés et ne se réunir pour suivre le convoi qu’à la barrière de l’Etoile, afin de ne pas encourir les rigueurs de la police. »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article38896, notice VOITELAIN Louis par Philippe Darriulat, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 2 octobre 2022.

Par Philippe Darriulat

Louis Voitelain
Louis Voitelain
Cliché fourni par Philippe Darriulat

ŒUVRES : Quelques œuvres politiques de Louis Voitelain, chansonnier français né à Paris en 1798, mort en 1852, Paris, à la Librairie illustrée, 1881

SOURCES et bibliographie : AN ABXIX 730 (collection Bachimont). — Eugène Baillet, De quelques ouvriers-poètes, biographies et souvenirs, Bassac, Plein-chant, 1994 [1898]. — Victor Bouton, Profils révolutionnaires, Paris, sd [1848-1849], n°5. — Philippe Darriulat, La Muse du peuple, chansons sociales et politiques en France 1815-1871, Rennes, PUR, 2010. — François Gimet, Les Muses prolétaires, galerie d’ouvriers poètes, Paris Emile Fareau, 1856. — Pierre-Léonce Imbert, La Goguette et les goguettiers, étude parisienne, 3e édition, Paris 1873. — Alphonse Leclercq « Les Goguettes d’autrefois » dans Les Échos parisiens, artistiques et littéraires, n°3, 5 et 7, 1re année, juin, juillet et août 1873. — Jean Prugnot, Des voix ouvrières, Plein chant, 2016.

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