BAGARRY Louis, Edmond

Par Jacques Girault

Né le 24 avril 1892 à Baudinard (Var), mort le 27 mai 1944 à Marseille (Bouches-du-Rhône) ; boulanger puis employé du PLM ; syndicaliste CGTU ; militant communiste.

Fils d’un fermier républicain et anticlérical, propriétaire de quelques parcelles qui se livrait au commerce des truffes, Louis Bagarry avait une sœur. Sa mère devint, à la mort de son mari en 1905, gérante du Cercle d’origine républicaine du village. Elle y resta jusqu’en 1920 : ce cercle s’était depuis quelques années transformé en « café du Midi ». Elle allait régulièrement à l’église et ses enfants firent de même. Bagarry se maria religieusement en janvier 1922 avec une native d’Italie (voir Marie Bagarry->97556] et fit baptiser son fils.

Après avoir obtenu le certificat d’études primaires, Louis Bagarry commença, en 1906, un apprentissage de boulanger dans son village. Après avoir pris la boulangerie à son compte, il l’abandonna, faute de gains suffisants. Il travailla par la suite comme ouvrier boulanger au chef-lieu du canton, Aups.

Bien que soutien de famille, Bagarry effectua son service militaire en Tunisie à partir d’octobre 1913 dans un régiment d’infanterie comme commis aux écritures au service des vivres. Maintenu sous les drapeaux pendant la guerre, son nouveau régiment, le 156e d’infanterie, rejoignit l’armée d’Orient, le 27 mars 1916 et participa aux combats en Russie méridionale à partir de décembre 1918. Cité en mai 1919 pour « s’être dépensé sans compter de jour et de nuit dans les travaux d’évacuation du matériel et des vivres de la base d’Odessa », Bagarry reçut la Croix de guerre.

Démobilisé le 2 septembre 1919, Bagarry, qui n’avait pas eu de permission, depuis 1914, victime du paludisme, revint révolté par la société militaire mais enthousiasmé par la Révolution russe.

Entré à la compagnie du PLM, le 26 novembre 1919 comme auxiliaire à Marseille, homme d’équipe, le 1er février 1920, il adhéra à l’ARAC et au syndicat, mais ne fut pas révoqué, bien que gréviste en mai 1920. Tour à tour, facteur mixte à Roquevaire (Bouches-du-Rhône) le 1er juillet 1923, puis à Brignoles (Var), le 1er décembre 1924, facteur enregistrant à Orgon (Bouches-du-Rhône), le 1er octobre 1929, il fut muté aux Arcs (Var) en 1935. Il était, enfin, affecté comme intérimaire de 2e classe à Carnoules (Var), le 1er août 1936.

Membre de la CGTU dès le début, Bagarry adhérait au Parti communiste au début de 1926 au cœur de la campagne contre la guerre du Rif. Très antimilitariste, il écrivait avec son épouse des poèmes pacifistes : l’un d’entre-eux fut publié dans la presse des Anciens combattants vers 1930. Il dut rendre des comptes à la direction de la compagnie du PLM à la suite d’une intervention lors de la célébration du 11 novembre. Il ne fut pas sanctionné puisque cette action s’était déroulée en dehors de son travail.

Si à Brignoles son activité avait été encore réduite, dès son arrivée à Orgon, Bagarry participa à la création d’une cellule communiste. Son action fut couronnée de succès dans un milieu paysan qu’il connaissait bien. Dans cette région, considérée comme la Vendée provençale, à Orgon, traditionnellement une forte minorité de gauche se manifestait. En octobre 1934, candidat au conseil d’arrondissement, Bagarry obtint 347 voix. Le maire radical indépendant de la commune, selon Marie Bagarry, ne fut pas étranger à son déplacement en 1935.

Pendant son court passage aux Arcs, Bagarry milita beaucoup dans la région notamment pendant la campagne électorale de 1936. En juin, il présida un meeting à Draguignan avec le député communiste Charles Benoist.

Bien que partisan de la politique de Front populaire, Bagarry aurait voulu que son Parti restât « dur » et conservât sa liberté d’action. Aussi, émit-il quelques réserves devant l’analyse faite des mouvements revendicatifs de l’été 1936 et fut-il, dès le début, un ferme partisan de l’intervention armée aux côtés des Républicains espagnols.

À Carnoules, membre du cercle ouvrier et paysan, Bagarry devint le 31 octobre 1937, le secrétaire de la section communiste qui venait d’être créée. Il s’opposait souvent aux pratiques habituelles des communistes carnoulais, qui identifiaient souvent intérêts du Parti et politique municipale (le maire était communiste). Le nouvel élan en direction de la Jeunesse (par des activités culturelles, théâtrales, récréatives saines) lui dut beaucoup.

Élu au bureau fédéral de l’ARAC, le 31 janvier 1937, Bagarry fut le candidat du Parti communiste pour le conseil général dans le canton de Besse. Le 10 octobre 1937, il arrivait en 3e position avec 354 voix sur 1 831 inscrits et se désistait pour le candidat socialiste SFIO. Élu membre du comité régional du Parti communiste, le 19 novembre 1938, il était inscrit au carnet B.

Bagarry était en congé lors de la grève du 30 novembre 1938. Il se rallia au mouvement qu’il aurait désapprouvé. Il craignait, selon son épouse, que le gouvernement fasse tomber les organisations ouvrières dans un « traquenard ». Suspendu de ses fonctions pendant trois mois, à la suite d’une décision du conseil de discipline régional, il fut réintégré, rétrogradé commis de 2e classe et muté à Caen (Calvados), le 1er mars 1939, puis à Bourg-en-Bresse (Ain), le 1er juillet 1939. Selon divers témoignages, cette sanction l’aurait fortement ébranlé ainsi que son épouse. Au moment de quitter Carnoules, ils auraient manifesté selon ces témoignages, l’intention de « se tenir tranquilles à l’avenir ». Une telle attitude apparaît impossible à son épouse interrogée en 1976 et en contradiction avec les contacts qu’ils nouèrent à Caen avec des militants communistes.

Mobilisé sur place, Bagarry, le 24 décembre 1940, sur demande du préfet de l’Ain et en application du décret du 18 novembre 1939 « relatif aux mesures à prendre à l’égard des individus dangereux pour la défense nationale et la sécurité publique », fut interné au centre de séjour surveillé de Saint-Germain-les-Belles (Haute-Vienne). Transféré à Djelfa (Algérie), puis au camp de Bossuet, le 22 avril 1941, il en fut libéré le 18 mai 1941 à la suite de démarches effectuées par le chef de gare de Bourg, mort par la suite en déportation.

Bagarry fut réintégré peu après dans le grade d’intérimaire de 2e classe. Affecté le 1er janvier 1942 à la gare de Marseille-Saint-Charles, arrêté de nouveau, il fut relâché à la suite de l’intervention d’un chef de division à la préfecture des Bouches-du-Rhône, affilié à un réseau de Résistance. Louis Bagarry fut tué en service au cours d’un bombardement aérien, le 27 mai 1944.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article397, notice BAGARRY Louis, Edmond par Jacques Girault, version mise en ligne le 30 juin 2008, dernière modification le 13 septembre 2022.

Par Jacques Girault

SOURCES : Arch. Dép. Var, 2 M 3 52, 5 293 ; 4 M 59 I, 59.4.3, 4 ; 3 Z 4 29. — Arch. privées. — Renseignements fournis par le service des retraites de la SNCF et par Antoine Olivesi. — Renseignements fournis par Marie Bagarry. — Sources orales. — Presse locale.

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