GUÉRIN Henri, Marie

Par Jean-Yves Guiomar

Cheminot ; syndicaliste et militant communiste des Côtes-du-Nord [Côtes-d’Armor].

Facteur enregistrant à la gare de Dinan (Côtes-du-Nord), Henri Guérin fut, en décembre 1922, le fondateur et le premier secrétaire du syndicat unitaire des cheminots, conservant cette fonction jusqu’en 1926 et devenant trésorier de l’Union locale unitaire en 1924. Polémiste ardent, il devint secrétaire à la propagande de l’Union départementale en 1925 et accompagna Albert Mourocq, son secrétaire général, dans des réunions pour l’unité syndicale, le 1er Mai à Lannion, où une Union locale avait été constituée en avril, et le 31 mai à Megrit, où un syndicat unitaire des carriers venait d’être fondé. En octobre, il vint à Guingamp, également avec Albert Mourocq, pour une réunion où le thème du Maroc s’ajoutait à celui de l’unité, et il en présida une autre à Dinan pour y constituer un comité d’action contre la guerre du Maroc. Pourtant, le 12 octobre, lors de la grève générale unitaire contre cette guerre, il n’y eut pas un seul gréviste à Dinan, pas même Guérin, isolé. Seuls les granitiers de La Pyrie (voir Adam*) furent assez unis pour pouvoir débrayer.

Henri Guérin était resté au Parti socialiste SFIO jusqu’en 1923 puis avait alors rejoint le Parti communiste et fut présenté comme candidat du Bloc ouvrier et paysan à Dinan en 1924. Une violente polémique, qu’il déclencha par ses attaques, l’opposa au trésorier de la section locale du Parti SFIO et le mena courant 1925 jusqu’en correctionnelle pour diffamation. Le trésorier fut débouté et Guérin reprit ses attaques dans La Bretagne communiste, accusant la section socialiste de Dinan, et en particulier Le Normand, de renier le socialisme et de se mettre à la remorque des radicaux. C’était là une des multiples péripéties de la discorde permanente qu’entraînait dans l’extrême gauche la question de l’attitude à avoir envers la municipalité radicale, tour à tour soutenue et combattue par les socialistes et les communistes. Voir Chesnais* et Sorin*.

À la tête, selon la sous-préfecture, « de la douzaine de communistes que compte l’arrondissement » — au nombre desquels il fallait compter sa femme —, diffusant La Bretagne communiste dans les campagnes, Guérin, de surcroît syndicaliste très actif, devint l’objet d’une répression sévère facilitée par son isolement. Déjà rétrogradé de facteur enregistrant à homme d’équipe, il fut, en octobre 1925, après la campagne contre la guerre du Maroc, l’objet d’une demande de déplacement de la part du sous-préfet. Il fut en fait révoqué en 1926 et vraisemblablement boycotté par l’ensemble du patronat de la ville si bien qu’il disparut entre mai 1926 et février 1928 (voir Ferdinand Fauvel). Il semble pourtant être resté à Dinan et conserva toute son ardeur de polémiste, faisant sa rentrée — tout au moins selon les sources — en venant porter la contradiction dans une réunion de la Ligue des droits de l’homme où il tenta d’intervenir le 12 mars 1928.

En 1929, il était secrétaire d’un syndicat unitaire de pêcheurs destiné à organiser les Terre-Neuvas, salariés nombreux dans la région malouine et dans les villages de l’estuaire de la Rance, tenant en janvier deux réunions, à Saint-Samson et à Dinan. Nouvelle disparition selon les sources et pour les mêmes raisons, puis nouvelle rentrée de ce polémiste inlassable en février 1934 lorsqu’il vint porter la contradiction au fasciste Mittler dans une réunion de « débat libre ».

En 1935, il fut le fondateur et le principal animateur du « Comité intersyndical des ouvriers de Dinan » — en attendant l’unité syndicale — pour « regrouper artisans, paysans et ouvriers contre le fascisme et pour les revendications », écrivant la plupart des articles de son organe éphémère, Le Travailleur. Il intervint, lors de la réunion du 7 décembre, pour critiquer la municipalité, déclarant cependant qu’il la considérait comme « encore ouvrière » et prenant par là une position originale sur ce sujet brûlant.

Cette municipalité lui avait procuré du travail en l’employant sur son chantier des eaux, ouvert pour les chômeurs, et Henri Guérin avait rejoint, après 1936, le syndicat unifié du Bâtiment. Il fut vraisemblablement partisan, en juillet 1936, de la grève de ce chantier, encouragée par Chesnais dont elle servait la lutte contre le maire radical Geistdoerfer, enfreignant par là la discipline « Front populaire ». C’est là qu’il faut chercher l’explication du dernier éclat connu de Guérin comme polémiste. Prétendant représenter dix-huit ouvriers, il organisa, le 27 février 1937, une réunion pour débattre d’irrégularités dans les comptes du trésorier du syndicat du Bâtiment. Accusé dès le début par Sorin, secrétaire adjoint de l’Union locale, communiste, très attaché à la collaboration avec la municipalité, d’être un provocateur, puis hué par l’assistance, Henri Guérin fut violemment expulsé, au point qu’il dut être protégé par le commissaire de police.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article4628, notice GUÉRIN Henri, Marie par Jean-Yves Guiomar, version mise en ligne le 30 juin 2008, dernière modification le 4 juin 2010.

Par Jean-Yves Guiomar

SOURCES : Arch. Dép. Côtes-du-Nord, série M, réunions syndicales et corporatives ; réunions diverses ; conseil supérieur du travail ; grèves et conflits du travail. — CGTU : Répertoire des organisations adhérentes, 1923. — La Bretagne communiste. — La République ouvrière et paysanne, février 1928. — Le Syndicaliste de l’Ouest, octobre 1924. — Le Travailleur unitaire, février 1929. — Le Travailleur, décembre 1935.

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