GUNDRAM Étienne

Par Étienne Kagan, René Lemarquis, Pierre Schill et Léon Strauss

Né le 1er janvier 1895 à Dambach-la-Ville (Basse-Alsace, Alsace-Lorraine), mort le 19 janvier 1964 à Metz (Moselle) ; cordonnier, forgeron, puis cheminot, peintre en voitures ; militant communiste de Montigny-lès-Metz (Moselle), élève de l’ELI en 1930-1931 ; exclu du Parti communiste en 1932.

Fils de Félix Gundram et de Sophie Blumstein, Étienne Gundram fut membre du syndicat de l’’habillement. Il donna son adhésion au Parti en 1924, puis il milita à la CGTU en 1927. Ouvrier forgeron aux ateliers des chemins de fer à Montigny-lès-Metz, Étienne Gundram faisait partie de ces nombreux Alsaciens qui vinrent s’installer et travailler en Moselle après la Première Guerre mondiale suite au manque de main-d’œuvre lié notamment à l’expulsion des ouvriers allemands. Il commença à travailler en septembre 1919 aux ateliers de Montigny-lès-Metz du réseau des chemins de fer d’Alsace-Lorraine. Il était dès la première moitié des années vingt l’un des principaux « orateurs » du PC mosellan chargés d’animer des réunion publiques.

Étienne Gundram participa au deuxième congrès confédéral de la CGTU de novembre 1923 à Bourges (Cher). Il était délégué de la Fédération unitaire des chemins de fer de Moselle.

Il mena aux élections municipales des 3 et 10 mai 1925 à Montigny-lès-Metz la liste du Bloc ouvrier et paysan (BOP) présentée par le Parti communiste. Il obtint au premier tour 764 voix sur 1 955 suffrages exprimés. Au second tour, la liste communiste fusionna avec la liste socialiste ; il obtint 925 voix et fut élu. Il se présenta à l’élection du maire à laquelle il fut battu par 5 voix contre 19 à Félix Peupion. Il fut à nouveau candidat aux élections municipales complémentaires du 20 février 1927 sur la liste communiste. Il obtint 729 voix sur 1 892 suffrages exprimés et ne fut pas réélu. À nouveau candidat aux élections municipales des 5 et 12 mai 1929, il menait la liste communiste. Il obtint au premier tour 676 voix sur 2 062 suffrages exprimés et ne fut pas élu.

En 1926, il anima la campagne du syndicat unitaire des cheminots en faveur de l’autonomie des chemins de fer d’Alsace-Lorraine. À la suite d’une manifestation le 21 mars 1926, il fut arrêté et condamné à deux mois de prison.

En novembre 1926, une réunion communiste organisée à Sarreguemines lui apporta son soutien après sa condamnation par le tribunal de Metz car il figurait parmi les signataires du manifeste du Heimatbund qui parut le 7 juin 1926 dans l’Humanité d’Alsace-Lorraine. Il fut à partir de là considéré par les autorités comme un « autonomiste ». Certains cheminots mosellans signèrent ce manifeste car ils souhaitaient que les chemins de fer d’Alsace-Lorraine conservent leur autonomie.

En 1926, il était secrétaire de la section communiste de Montigny-lès-Metz. Militant communiste, il fut candidat aux élections législatives de la même année dans l’arrondissement de Sarrebourg ; il obtint au premier tour 1 870 voix sur 13 137 suffrages exprimés. Arrivé en troisième position, il ne maintint pas sa candidature au second tour. Il militait aussi à l’Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre (ARAC), dont il dirigeait le groupe messin et dont il était le secrétaire pour la 5e région (Alsace-Lorraine).

Il était, de 1928 à 1931 au moins, secrétaire du syndicat unitaire des cheminots de Metz-Montigny. Il participa au congrès confédéral de la CGTU de septembre 1929 où il était délégué de la fédération unitaire des cheminots de Moselle qu’il dirigeait. Il était secrétaire des cheminots unitaires de Moselle depuis 1925 au moins et le resta jusqu’en 1931 au moins. En 1930, il était vice-président du syndicat unitaire des cheminots de Metz-Montigny-lès-Metz qui comptait près de 1 500 membres. De mai 1931 à mars 1933, il en fut le secrétaire général adjoint.

Après la scission strasbourgeoise, le congrès régional du Parti communiste d’Alsace-Lorraine se tint à Strasbourg en octobre 1929. Le parti « ligniste » était dirigé par un comité régional de dix membres auquel il participait. En 1930, il était l’un des dirigeants les plus importants du rayon communiste de la Moselle. Il dirigeait par ailleurs le sous-rayon de Metz-Montigny-lès-Metz, l’un des plus importants du département, et animait la cellule communiste des ateliers de Montigny-lès-Metz. Il portait souvent la contradiction dans les réunions publiques organisées à cette période par la SFIO. En juin 1930, une réunion tenue dans les locaux de l’Humanité d’Alsace-Lorraine à Metz décida de la liste des cinq militants communistes amenés à se rendre à Moscou pour assister au cinquième congrès de l’Internationale syndicale rouge. Étienne Gundram fut désigné. Est-il parti ? Le 1er mars 1931 se tint à Strasbourg le deuxième congrès du PC d’Alsace-Lorraine. Étienne Gundram était l’un des dirigeants de cette structure et devait mener la délégation des cheminots unitaires de la Moselle.

En novembre et en décembre 1931, il fut à l’initiative de plusieurs réunions de cheminots unitaires et confédérés avec l’objectif de réussir l’unité d’action.

Il se confond peut-être avec Paul Gundrans ou Gundram (orthographe douteuse) qui fut élève de l’École léniniste internationale en 1930-1931. Le dossier d’Étienne Gundram au RGASPI (archives de Moscou) ne donne aucune indication d’état civil ni de profession du militant (à part une allusion aux cheminots), n’étant consacré qu’à son exclusion et à sa demande de réhabilitation. Étienne Gundram, dont on signale qu’il était responsable des cheminots de la Moselle, qu’il habitait à Montigny-lès-Metz, fut exclu le 11 mars 1932 comme « traître et agent provocateur ». Les raisons avancées dans un texte en russe sont curieuses : "a provoqué l’affrontement avec la police", "a demandé sont transfert dans le secteur politique", "a proposé à un camarade de tuer l’inspecteur", "a obligé un camarade à entrer au service de la police". L’exclusion fut annoncée dans l’Humanité du 11 mars 1932 et figura sur une liste noire.

Cette exclusion fut sans doute assez mal accueillie par les camarades cheminots d’Étienne Gundram puisqu’une lettre de la direction fédérale de la Moselle datée du 20 décembre 1932 demandait à Maurice Thorez d’apporter une solution dans cette affaire car les camarades de l’exclu, même s’ils ne l’aimaient pas, “ne croient pas avoir à faire avec un mouchard”. Il figurait sur la liste noire numéro 1 de 1933 « forgeron, ex-secrétaire du syndicat des cheminots de la Moselle. Exclu comme provocateur. Travaille actuellement aux ateliers de chemins de fer de Metz-Montigny (Alsace –Lorraine). Sa photo était publiée dans la liste n°3 de 1934.

À la fin du mois d’avril 1932, un rapport de police soulignait la baisse d’influence de la CGTU aux ateliers de Montigny-lès-Metz et l’expliquait par l’exclusion d’Étienne Gundram. En juin 1932, le cheminot Frédéric Knecht critiqua Étienne Gundram et le considérait effectivement comme un « ancien militant ».

Les 5 et 6 novembre 1932, à Metz, se tint le congrès annuel du rayon communiste de la Moselle et l’exclusion d’Étienne Gundram occupa une partie des débats. Il aurait été exclu en raison de « relations avec la police ».

Étienne Gundram avait écrit immédiatement le 20 mars 1932 à la commission de contrôle de l’Internationale communiste pour rejeter l’accusation et demander à ladite commission de procéder à une nouvelle enquête « qui devra forcément faire ressortir ma complète innocence » car depuis huit ans de militantisme il n’a jamais trahi ou même eu l’idée de trahir. Il montrait que, bien loin d’être provocateur, il peut éviter des bagarres avec « les forces armées de la bourgeoisie » par son intervention. Lors d’une journée internationale contre le chômage le 6 mars 1930, envoyé par le parti à Creutzwald pour faire débrayer les mineurs, il sut empêcher, à l’entrée d’un puits de La Houve, des grévistes hongrois d’attaquer les gendarmes. Il fut alors félicité par Charles Friedrich, secrétaire du rayon et des adhésions furent enregistrées au syndicat des mineurs. Par ailleurs, son train de vie prouvait qu’il n’obtint jamais d’avantages matériels et il engageait la commission de contrôle à venir questionner sa femme en son absence et vérifier toutes ses dépenses.

Cette exclusion fut sans doute assez mal accueillie par les camarades cheminots d’Étienne Gundram puisqu’une lettre de la direction fédérale de la Moselle datée du 20 décembre 1932 demandait à Maurice Thorez d’apporter une solution dans cette affaire car les camarades de l’exclu, même s’ils ne l’aimaient pas, « ne croient pas avoir à faire avec un mouchard ».

Étienne Gundram ne fut pas blanchi puisque l’affaire rebondit en 1938 quand, dans une lettre du 8 février, le militant demanda sa réhabilitation (et non pas sa réintégration précisait la direction du parti) au comité central. Après avoir rappelé les accusations et les insultes dont il avait été l’objet, il indiquait qu’il était resté durant ces années un communiste : toujours abonné aux deux Humanité, toujours donateur aux souscriptions du parti, participation aux actions revendicatives et aide active lors des élections cantonales. Enfin il avait repoussé ceux qui avaient essayé de l’engager contre le parti (il cite les trotskistes). Il revenait ensuite sur sa probité reconnue dans toutes les entreprises où il avait travaillé depuis l’âge de seize ans. Il remontait même dans un passé lointain pour prouver l’engagement de ses ancêtres dans les mouvements populaires alsaciens depuis un « général des paysans révoltés » en… 1525 jusqu’au rôle d’un autre ancien à Dambach (Bas-Rhin) pendant la Grande Révolution. Se refusant à entrer dans les détails de l’acte d’accusation, il rappelait que son principal auteur en était Florent Stenger* qui venait d’être exclu du parti ! Prêt à revenir dans le parti quand celui-ci le décidera, il demandait seulement sa réhabilitation politique.

La commission centrale de contrôle demanda son avis à la direction de la région de Lorraine le 17 janvier 1938. Celle-ci répondit le 29 après entrevue avec le responsable de la cellule de Montigny-lès-Metz qui réitéra les accusations de 1932 (toujours sans preuves !) en ajoutant qu’Étienne Gundram avait émis des critiques sur la position des élus communistes au conseil général de la Moselle. Aussi rejetait-elle la demande de Gundram et ce refus était entériné le 1er septembre 1938 par la commission de contrôle politique du PC qui se contentait de « confirmer les motifs qui ont déterminé son exclusion en 1932 ».

À la Libération, Frédéric Knecht tenta d’organiser le ravitaillement des populations civiles de Moselle en créant une coopérative qui affréta des wagons qui sillonnaient la France dans le but d’acheter des denrées alimentaires sur leurs lieux de production. Une épicerie et une boucherie furent ouvertes à Montigny-lès-Metz. Étienne Gundram s’occupa de la boucherie. Il semble donc qu’il se soit à nouveau rapproché de la CGT et du PC.

Il anima en effet la campagne pour les élections municipales de septembre 1945 dans sa commune de Montigny-lès-Metz. Il se présenta sur la Liste d’union nationale républicaine démocratique et antifasciste et obtint 1 889 voix sur 4 616 suffrages exprimés. La liste de gauche n’eut aucun élu.

En mars 1946, Étienne Gundram était secrétaire du syndicat CGT des cheminots de Metz-Montigny-lès-Metz et le 13 avril 1947 à Metz, il participa au congrès de l’Union départementale CGT de la Moselle.

Marié le 20 août 1920 à Sarralbe (Moselle) avec Berthe Schneider, Étienne Gundram n’eut probablement pas d’enfant.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article4748, notice GUNDRAM Étienne par Étienne Kagan, René Lemarquis, Pierre Schill et Léon Strauss, version mise en ligne le 29 septembre 2010, dernière modification le 2 novembre 2022.

Par Étienne Kagan, René Lemarquis, Pierre Schill et Léon Strauss

SOURCES : Arch. Nat., F7/13126. — RGASPI, 495.270.1277. —Arch. Dép. Moselle, 303 M 137 ; 310 M 116 ; 151 W 190, 191 ; 1330 W 263 ; 24 Z 15, 21 et 79 ; 26 Z 15. — Institut Maurice Thorez, bobine 453. — La Lorraine ouvrière et paysanne. — Volkstribüne, 30 avril 1925, 5 et 12 mai 1925. — Le Républicain Lorrain, 25 septembre 1945. — Danielle Tartakowski, thèse, op. cit. — Gérard Diwo, Le communisme en Moselle (1925-1932) à travers les élections législatives d’avril 1928 et de mai 1932, mémoire de maîtrise, Université de Metz, 1983, 176 p. — Fernand Leroy, Montigny cité cheminote. Histoire des ateliers SNCF de Montigny-lès-Metz... qui n’a jamais eu de gare !, Metz, Union départementale d’économie sociale de Moselle, 1993 (2e édition). — État-civil de Dambach-la-Ville et de Metz. — Notes de Sylvain Boulouque et Claude Pennetier.

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