BARBIN Henri, Eugène

Par Jean Maitron, Claude Pennetier

Né le 19 juillet 1876 au Mans (Sarthe), mort le 29 novembre 1926 à Paris ; cheminot révoqué devenu marchand de vins au Mans ; secrétaire du syndicat des cheminots du Mans ; dirigeant socialiste de la Sarthe ; député (1924-1926).

Septième enfant d’une famille ouvrière, Henri Barbin était le fils d’un cheminot. En 1892, son père le fit entrer à la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest. Après trois ans de service militaire effectués à Versailles, il devint ajusteur au dépôt de la gare du Mans le 29 septembre 1900. Henri Barbin adhéra au syndicat et en fut bientôt le secrétaire. Partisan acharné du rachat par l’État du réseau de l’Ouest, il se fit nommer délégué du personnel à la commission du rachat. En 1910 éclata la grève des cheminots : bien qu’ayant voté contre le conflit, Barbin prit la direction du mouvement. Il fut révoqué, traduit devant la cour d’assises en décembre 1910 et acquitté. Selon la République sociale de l’Ouest, il aurait été réintégré trois mois plus tard mais le Dictionnaire des Parlementaires français parle d’un délai de deux ans. Sans cesser de se consacrer à la cause syndicale, Barbin prit une part de plus en plus active à la vie de la Fédération socialiste de la Sarthe. Les militants du Mans le présentèrent aux élections législatives du 26 avril 1914. Il recueillit le chiffre « inespéré » de 3 587 suffrages.

Dès le début de la Première Guerre mondiale, Henri Barbin créa un comité de secours de l’arrondissement du Mans en faveur des femmes et des enfants de combattants. Il fut vice-président du comité des cheminots et « l’âme » du comité d’action du Mans groupant socialistes et syndicalistes. À l’occasion des contacts fréquents avec l’administration, Barbin se lia d’amitié personnelle avec le préfet Bordes. En décembre 1917, il assurait le secrétariat du syndicat CGT des cheminots du Mans.

La fragile fédération socialiste de la Sarthe reprit vigueur en 1919. Le numéro un de la République sociale de l’Ouest parut en mai 1919. Barbin y collabora régulièrement. Il était alors « le plus populaire certainement et le plus cordialement aimé des militants de notre Fédération » (La RSO, 9 novembre 1919). Les élections législatives du 16 novembre 1919, puis cantonales du 14 décembre 1919 indiquèrent une poussée socialiste. Barbin arriva en tête de la liste socialiste de la Sarthe en groupant 13 489 voix sur 83 489 votants (16,1 %). Candidat au conseil général, il mit en difficulté le sénateur Lebert, président de l’assemblée départementale, mais fut battu au second tour. Les grèves de février-mai 1920 le ramenèrent à l’action syndicale. Favorable à la majorité confédérale et à la direction fédérale de Marcel Bidegaray, il fut cependant l’animateur du mouvement. Aussitôt l’ordre de grève reçu, le bureau du syndicat du Mans réunit, le 30 avril au soir, tous les syndiqués cheminots. Après la manifestation du 1er Mai, une seconde réunion eut lieu : « Le citoyen Barbin, après avoir exposé la situation, donne lecture des ordres de la Fédération, et de la Confédération générale du Travail, déclarant que les travailleurs savaient maintenant ce qu’ils avaient à faire. Pour lui, il n’avait pas une minute d’hésitation. Il répondrait à l’appel de la CGT, il ferait grève, dût-il être seul dans notre ville » (La RSO, 9 mai 1920). À onze heures, sept cents employés avaient retiré leur carte de grève. Révoqué des chemins de fer après l’échec du mouvement, H. Barbin devint marchand de vins, 20 rue Toussaint au Mans.

Au congrès fédéral socialiste de la Sarthe du 22 février 1920, Barbin combattit « vigoureusement » l’adhésion à la IIIe Internationale. En juillet 1920, il signa la protestation de la Vie socialiste contre le télégramme Cachin-Frossard. La majorité des militants de la Sarthe se prononça cependant pour l’adhésion. Barbin et O. Heuzé créèrent une Fédération socialiste SFIO de la Sarthe. Dans la République sociale de l’Ouest du 9 janvier 1921, il tira le bilan de la scission : « Le congrès de Tours s’est prononcé. Personnellement, j’aurais préféré une autre solution, mais puisque scission il y a, j’avoue que je n’en ferai point une maladie. Ainsi la situation est bien nette : d’un côté les militants les plus éprouvés, les esprits les plus avisés, tous ceux qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes à l’action et qui ne veulent pas s’agenouiller devant les maîtres, de l’autre côté... les autres, les agités ». Malgré le vote en faveur de la motion dite Cachin-Frossard, beaucoup de militants sarthois suivirent leurs dirigeants d’avant-guerre au Parti SFIO. Le groupe du Mans réuni le 7 janvier 1921 en présence de cent membres, vota son maintien à la « vieille maison » ; douze militants seulement quittèrent la salle. Le départ des communistes contribua au renforcement électoral du Parti socialiste. Candidat au conseil général dans le troisième canton du Mans le 14 mai 1922, Barbin battit le sénateur Lebert avec 2 274 voix sur 4 827 votants (47,1 %) et 7 525 inscrits : « Nous avons eu la joie de constater que les doctrines socialistes en dépit des caricatures ridicules ou effrayantes que s’efforce d’en présenter la déloyauté d’adversaires sans scrupule, avaient cessé d’effrayer non seulement les ouvriers des villes, mais aussi ces paysans de nos campagnes qu’on disait à jamais réfractaires à nos idées » (La RSO, 25 mai 1922). Barbin était entré au conseil municipal du Mans aux élections du 30 novembre 1919. La cohabitation s’avérant impossible avec les élus du Bloc national, les conseillers socialistes (Louis Horpin, O. Heuzé, J. Pottier) démissionnèrent en décembre 1923 suivis par quatre autres conseillers municipaux. À l’élection municipale complémentaire du 17 février 1924 Barbin conduisit une liste de Concentration républicaine et socialiste dont les treize membres furent élus. Cette « éclatante victoire socialiste » fut aussi un succès personnel de Barbin qui recueillait 8 207 voix alors que son adversaire le plus favorisé n’en obtenait que 4 589. Tirant les leçons du scrutin, le conseil municipal décida de démissionner et de se représenter devant les électeurs le 23 mars 1924. Ce fut une nouvelle victoire socialiste : Olivier Heuzé devint maire. Quelques semaines plus tard, le 11 mai 1924, Henri Barbin et le nouveau maire du Mans étaient élus députés sur la liste du Cartel des gauches dont les six membres entraient au Palais-Bourbon. Barbin recueillait 50 393 voix sur 111 275 inscrits (45,3 %). Il intervint à la Chambre en faveur de la réintégration des cheminots révoqués pour faits de grève.

Il siégea aux commissions de l’hygiène et des travaux publics, mais la mort mit prématurément fin à sa carrière parlementaire le 29 novembre 1926. Joseph Caillaux, ancien président du conseil, prononça sur sa tombe un éloge funèbre au nom du conseil général.

Outre ses activités à la CGT et au Parti socialiste, Barbin avait milité activement à la Ligue des Droits de l’Homme. Jusqu’à sa mort, il fut président de la section départementale de la Ligue des Droits de l’Homme. Il avait assuré la présidence de la section du Mans en 1919, 1920 et 1924 au moins.

Henri Barbin était un fort gaillard, à la physionomie ouverte, barrée d’une forte moustache, populaire au Mans avec son chapeau à larges bords.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article478, notice BARBIN Henri, Eugène par Jean Maitron, Claude Pennetier, version mise en ligne le 30 juin 2008, dernière modification le 25 octobre 2022.

Par Jean Maitron, Claude Pennetier

SOURCES : Arch. Nat., F7/13014. — La République sociale de l’Ouest, 1919-1926. — Jolly, Dictionnaire des Parlementaires. — Notes de M. Collet.

ICONOGRAPHIE : Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes, II, op. cit., p. 552.

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