HAMP Pierre [BOURRILLON Henri, dit]

Par Michel Dreyfus, Wilhelm Drinkow

Né en 1876 à Nice (Alpes-Maritimes), mort en 1962 au Vésinet (Seine-et-Oise) ; cheminot ; syndicaliste CGT et socialiste SFIO de Paris ; écrivain ; inspecteur du travail indépendant, ingénieur au ministère de l’Armement et des Munitions, journaliste ; expulsé de la SFIO en 1927.

Fils d’un cuisinier et d’une lingère, Pierre Hamp fut apprenti pâtissier à Paris de 1891 à 1893. Il partit ensuite en Angleterre où il travailla dans de grands hôtels de 1894 à 1899. Dès son plus jeune âge, il était passionné par la lecture et avait l’ambition d’écrire : en 1893, il avait gagné le prix d’essai de l’Association philotechnique des Ternes.

Il revint à Paris en 1900 pour entrer à l’Université populaire de Belleville créée l’année précédente et y fut accepté comme premier étudiant interne résidant. Jean Schlumberger, un des fondateurs de cette Université, estima plus tard que Pierre Hamp avait été « notre plus belle réussite ». Le contexte politique, et notamment les remous de l’affaire Dreyfus, hâtèrent son engagement politique : après avoir sympathisé avec l’anarchisme, il se rapprocha du mouvement socialiste, prit contact avec Charles Péguy, fondateur des Cahiers de la Quinzaine, rencontra Léon Blum* et Jean Jaurès*, et se lia aussi au groupe de l’Union pour la Vérité.

Il quitta l’Université populaire de Belleville en 1902 pour commencer une carrière à la Compagnie des chemins de fer du Nord qu’il termina en 1908 comme chef de gare (des marchandises) à Boulogne-sur-Mer. Entre-temps, il avait adhéré en 1906 à la SFIO ainsi qu’au syndicat CGT des cheminots et il revendiqua fièrement plus tard le fait d’avoir été le seul sous-chef de gare syndiqué à la Compagnie des chemins de fer du Nord. En 1908, il passa l’examen d’ingénieur civil et s’engagea comme inspecteur du travail indépendant.

Dès cette période, il avait commencé à écrire sous le nom de plume de Pierre Hamp. Ses deux premiers romans, Marée fraîche et Vin de champagne furent publiés, en 1908 également, aux Cahiers de la Quinzaine et à l’Union pour la Vérité. Un troisième suivit la même année à la NRF et rencontra également un certain succès. Sans peut-être s’en rendre totalement compte, Pierre Hamp inaugurait ainsi un nouveau genre littéraire : le « roman de la production » ou la « factographie » qui fut repris dans les années vingt en Union soviétique avec le mouvement des rabcors et explique que Pierre Hamp fut, jusqu’en 1927, l’auteur français le plus traduit en russe et en ukrainien (350 000 exemplaires en tout).

Durant la Première Guerre mondiale, Pierre Hamp fut ingénieur au ministère de l’Armement et des Munitions. À la fin de la guerre, il entreprit la reconstitution de tous ses manuscrits et documents détruits ou égarés en raison des événements. L’entre-deux-guerres fut pour lui une période riche mais complexe tant dans le domaine littéraire que politique. En 1920, il fut fait Chevalier de la Légion d’honneur et obtint le Prix Lasserre de l’Académie française. De 1922 à 1928, il fut coéditeur du journal La Dépêche coloniale et maritime dont le banquier Octave Homberg était le propriétaire. En 1923, sur invitation du Maréchal Lyautey, il fit un voyage en Afrique du Nord avec Paul Desjardins* et André Gide*. En 1925, il fut fait Officier de la Légion d’honneur.

Pierre Hamp fut nommé par Pierre Laval chef adjoint de Cabinet pour les problèmes de transport ferroviaire au ministère des Travaux publics du Cabinet Painlevé. Le 12 septembre 1927, il écrivit au banquier Homberg une lettre concernant Laval et les élections législatives à venir de 1928. Cette lettre fut révélée par Charles Maurras qui la publia dans l’Action française du 13 octobre 1927 et commença une campagne contre Pierre Hamp qui fut reprise par d’autres journaux. De telles machinations politiques provoquèrent immédiatement son expulsion de la SFIO. Il avait figuré sur la liste des candidats de ce parti aux élections sénatoriales dans la Seine. Cette même année, Pierre Hamp avait également appartenu à l’Association des amitiés franco-soviétiques lors de sa création. Bien évidemment, cette campagne de presse et son expulsion de la SFIO contribuèrent à affaiblir son renom littéraire et politique.

À partir de 1929, Pierre Hamp redevint Inspecteur du travail indépendant. En 1930, 1936 et 1937 il fit plusieurs voyages d’études en Afrique du Nord, aux États-Unis, au Canada et en Italie. De 1931 à 1942, il eut la responsabilité de la formation des apprentis à la Société des moteurs d’aviation Gnome et Rhône. Ses désaccords avec la direction provoquèrent son licenciement.

Durant les dernières années de la guerre, il gagna sa vie comme journaliste en écrivant de très nombreux articles dans La France socialiste (1942-1944), Le Rouge et le bleu (1942), Germinal (1944), l’Atelier (1944), ce qui lui valut une arrestation par les FFI à la Libération et une inculpation de « collaboration ». La teneur des articles incriminés ne semble pas justifier une telle accusation. Après trois mois et demi de détention, devant le manque de preuves, il fut relâché sans justification du mandat d’arrêt. Après la guerre, il continua son œuvre littéraire, et d’abord ce vaste ensemble que constitue La Peine des hommes, même si l’accent militant y disparaît de plus en plus pour laisser place à la description des milieux bourgeois. Cependant, jusqu’à la fin de sa vie, Pierre Hamp se fit le défenseur de « l’honneur du travail » et plaça ses espoirs dans le perfectionnement du machinisme. Il était officier de la Légion d’honneur.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article4798, notice HAMP Pierre [BOURRILLON Henri, dit] par Michel Dreyfus, Wilhelm Drinkow, version mise en ligne le 30 juin 2008, dernière modification le 22 juin 2010.

Par Michel Dreyfus, Wilhelm Drinkow

ŒUVRE : L’œuvre complète de Pierre Hamp représente plus de 40 ouvrages dont la plupart sont regroupés sous le titre La Peine des hommes. Trois d’entre eux sont des récits autobiographiques : Mes métiers, Il faut que vous naissiez de nouveau ; l’Éternel. Les volumes de La Peine des hommes qui ont été publiés pour la plupart chez Gallimard se présentent ainsi : Marée fraîche (1908) ; Vin de champagne (1908) ; Le rail (1908, réédité chez Slatkine, 1980) ; L’enquête (1913) ; Le travail invincible (1918) ; Les métiers blessés (1919) ; Les chercheurs d’or (1920) ; La victoire mécanicienne (1920) ; Le cantique des cantiques (1922) ; Un nouvel honneur (1922) ; Le lin (1924) ; Une nouvelle fortune (1926) ; Mes métiers (1929) ; La laine (Flammarion, 1931) ; Mektoub (Flammarion, 1932) ; Dieu est le plus grand (Flammarion, 1932) ; La mort de l’or (Flammarion, 1933) ; Gluck auf ! (1934) ; Il faut que vous naissiez de nouveau (1935) ; Notre pain quotidien (1937) ; Moteurs (1942) ; L’atelier du quart de poil (1944, réédité chez Didier, 1959) ; L’Éternel (Self, 1948) ; Hormisdas le Canadien (Plon, 1953) ; Kilowatt (Plon, 1957).
Autres séries :
1. Gens : Vieille histoire (NRF, 1923) ; Gens (1917), idem : 2e tableau (1923) ; 3e tableau, Monsieur Curieux (1928) ; 4e tableau, Mademoiselle Moloch (1928) ; Braves gens de France (1939) ; Gens de cœur (1941).
2. Enquêtes : Perdu dans le gratte-ciel (Gallimard, 1938) ; Gueules noires (1938) ; Et avec ça, Madame ? (1946) ; En passant par la Lorraine (1947).
3. Théâtre : La maison avant tout (La Petite Illustration, 1920) ; Prologue pour une pièce sans cocu/La Maison/La compagnie (NRF, 1927) ; Monsieur l’administrateur/Madame la guerre (NRF, 1927).
4. Brochures : La victoire de la France sur les Français (NRF, 1915) ; La France pays ouvrier (NRF, 1916) ; L’art et le travail (Stock, 1923) ; Une enquête sur le franc (Rieder, 1927) ; Pour la femme sans foyer/Contre la famine du logis (Je sers, 1926) ; Énergie de l’Évangile (Altis, 1954) ; La sympatico-technique (GIREP, 1958).

SOURCES : La Vague, n° 257, 30 novembre-6 décembre 1922. — Lettre à Andrée Jouve du 10 juillet 1923, Arch. G. Duchêne, Bibliothèque de documentation internationale contemporaine, Nanterre. — Arch. Nat. F7/13254. — L’Unité ouvrière, n° 128, 16 février 1931. — Les Amitiés franco-soviétiques, n° 1, 1927. — La vie socialiste, 8 janvier 1927. — Fichiers de la Biblioteka Inostrannoi Literatur, Moscou, lettre du 16 mai 1980 à W. Drinkow. — Manuscrits et documents laissés par P. Hamp à la Maison de l’outil à Troyes. — Documents de la Hamp Archiv, Hannover. — Joan J. Henry : Pierre Hamp and social conditions in twentieth century France, University of London, 1952, 477 p. — Douglas I. Noble : Pierre Hamp : vie et œuvre, University of Liverpool, 1952, 100 p. — Evelyn Kuhn : Pierre Hamp : his life and work, University of Ann Arbor, Michigan, 1955, 279 p. — Giovanna Maffei : Pierre Hamp, Università commerciale Luigi Bocconi, Milano, 1961, 157 p. — A.C. Brench : Problems of the dignity and status of the workers’ calling in the works of Pierre Hamp, University of Bristol, 1965. — Association pour l’étude de l’histoire de l’inspection du travail, Henri Bourrillon dit Pierre Hamp, inspecteur du travail et écrivain humaniste, 1993, 55 p. — Dominique Guyot (dir.), Pierre Hamp. Inspecteur du travail et écrivain humaniste, 1876-1962, L’Harmattan, collection Mémoire du travail, 2005, 252 p.

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