HEURTAUX Pierre [HEURTAULT Hippolyte, Pierre, Marie]

Par Jean Maitron, Claude Pennetier

Né le 10 juillet 1882 à Rennes (Ille-et-Vilaine), mort le 12 août 1965 à Mayenne (Mayenne) ; ouvrier ajusteur aux chemins de fer ; élu membre suppléant du comité directeur du Parti communiste au congrès de Paris (octobre 1922) ; maire adjoint et conseiller général de Clichy (Seine, Hauts-de-Seine) ; exclu du Parti communiste en mars 1927.

Originaire de Bretagne, Pierre Heurtaux (son nom est écrit par erreur Heurtault sur l’acte de naissance) était fils d’un « laboureur » (acte de naissance) devenu « journalier » à Rennes (acte de mariage) et d’une « journalière » devenue « commerçante ». Ses parents se marièrent à Rennes deux ans plus tard, le 17 avril 1884. Venu travailler jeune à Paris, libéré du service militaire, il fut un militant syndical actif des chemins de fer de l’État où il travaillait comme ajusteur. Il habita Nanterre — où naquit son fils Pierre le 2 janvier 1909 — puis Laval, lieu de son mariage le 8 juillet 1909 avec Marthe Auffray, fille d’un entrepreneur de chemins de fer en Argentine. Domicilié aussitôt à Clichy (Seine), il assura le secrétariat du syndicat de sa corporation et fut trésorier puis secrétaire du comité intersyndical de cette ville de 1910 à 1921.

Militant socialiste, Pierre Heurtaux fut élu conseiller d’arrondissement en 1920. Son nom n’apparut pas dans le débat qui précéda le congrès de Tours (décembre 1920), mais, à l’issue de celui-ci, il adhéra au Parti communiste et s’affirma comme son principal dirigeant local. Heurtaux avait déjà été candidat sans succès aux élections municipales de novembre 1919 : les électeurs le placèrent en quatrième position de la liste socialiste. C’est à l’occasion des partielles du 21 février 1921 qu’il entra, seul de sa liste, au conseil municipal. Sa déception fut cependant vive, les communistes ayant frôlé la victoire. Dans sa première déclaration, il constata que la représentation proportionnelle aurait assuré une plus juste répartition des sièges entre la liste d’Union républicaine et sociale du maire sortant, l’industriel Ernest Gaudier, et les communistes : « Dans ces conditions, je tiens à vous faire connaître que je m’abstiendrai dans l’élection de la municipalité. Mais pour l’examen de toutes les autres questions, je suis prêt, d’accord avec mon parti, à vous apporter toutes les suggestions qui nous sembleront répondre au bien-être de la population de Clichy » (Le Républicain de Levallois, 27 mars 1921). Il participa, en avril 1922, à la fondation de la Société amicale et mutuelle « Les Bretons de Clichy ».

Pierre Heurtaux bénéficiait d’une certaine notoriété dans son parti puisqu’il fut élu membre suppléant du Comité directeur au IIe congrès du PC, tenu à Paris du 15 au 20 octobre 1922. Son nom disparut du Comité directeur provisoire désigné par le IVe congrès de l’Internationale communiste (5 novembre-5 décembre 1922) et de celui élu par la conférence nationale de Boulogne-sur-Seine (21 janvier 1923).

Tête de liste communiste, avec Charles Auffray, aux élections municipales de Clichy en mai 1925, Pierre Heurtaux obtint le meilleur score le 10 mai (2e tour) avec 4 440 voix sur 10 388 votants et 12 987 inscrits. Les communistes conquirent tous les sièges. L’assemblée municipale réunie le 17 mai 1925 élut Charles Auffray à la première magistrature municipale et Pierre Heurtaux à la fonction de premier adjoint. Ce dernier souffrit, semble-t-il, d’être supplanté par son cadet de cinq ans qui n’avait été élu député en 1924 qu’au bénéfice de l’alphabet (les listes étaient présentées dans l’ordre alphabétique). Le 14 juin 1925, Heurtaux entra au conseil général avec 3 859 voix contre 914 à Quine, candidat socialiste SFIO, sur 12 985 inscrits et 7 299 votants. Il siégea à la 4e commission permanente chargée des Beaux-Arts. En octobre 1925, il donna sa signature à la lettre au Comité exécutif de l’Internationale communiste, dite lettre des 250, qui critiquait la politique et les méthodes de la direction du Parti communiste.

Son exclusion du Parti communiste sanctionna plus sa mauvaise gestion que ses divergences politiques. Le 23 février 1927, le Bureau régional examina une demande de contrôle présentée par le 7e rayon. Celui-ci « considère que des accusations très graves sont portées contre ce camarade et que ces accusations mettent en cause sa moralité et sa probité. En particulier l’accusation fondée (des preuves formelles ayant été apportées) de tractations avec des fournisseurs en dehors de toutes décisions régulières des assemblées, ne peut plus permettre au camarade Heurtaux de continuer à représenter le Parti dans les différentes fonctions qu’il détient ». Le Bureau régional lui demanda de se démettre de ses mandats dans un « délai de quatre jours à partir du 22 février », sous peine de sanctions plus graves (L’Aube sociale, 26 février 1927). Ce délai passé, et les conseillers municipaux de Clichy refusant de défendre Pierre Heurtaux, le BR prononça son exclusion pure et simple le 2 mars et le comité régional la ratifia le 10 mars. Deux jours plus tard, une réunion locale annonça qu’il avait été exclu et « chassé » du conseil municipal « à la suite de malhonnêtetés commises au cours de pourparlers qu’il avait engagés, comme président de la commission de la voirie, avec des fournisseurs et des adjudicataires de la ville de Clichy » (Arch. Nat. F7/13112, rapport du 13 mars 1927). Paris-soir du 17 janvier 1928 le présentait comme « liquidé » à la suite d’histoires « assez compliquées » et, l’Humanité du 18 avril 1929 parlait d’une « brebis galeuse » qui avait apporté des pratiques de corruption. Pierre Heurtaux renonça à former une liste socialiste-communiste pour les élections municipales de mai 1929 mais fut, sans succès, candidat « indépendant » au conseil général le 26 mai 1929 (1 795 voix contre 5 195 à Charles Auffray).

Divorcé, il était domicilié à Nanterre lorsqu’il se remaria le 1er février 1934 avec une infirmière. Il était père de deux enfants. Heurtaux se retira à Moulay (Mayenne) jusqu’à son décès en 1965.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article4937, notice HEURTAUX Pierre [HEURTAULT Hippolyte, Pierre, Marie] par Jean Maitron, Claude Pennetier, version mise en ligne le 30 juin 2008, dernière modification le 20 janvier 2018.

Par Jean Maitron, Claude Pennetier

SOURCES : Arch. Nat., F7/13112, rapport du 13 mars 1927 et F7/13264. — Arch. Dép. Seine, DM3 ; versement 10451/76/1 ; listes électorales et nominatives. — I.M.Th., microfilms 254 et 255 (Jacques Girault). — L’Aube sociale, 26 février et 12 mars 1927. — Le Républicain de Levallois-Neuilly, 8 avril 1922 et 18 mai 1929. — Le conseil municipal, nos édiles, op. cit. — État civil de Rennes, Laval, Nanterre et Mayenne. — Renseignements recueillis par Michèle Rault et Nathalie Viet-Depaule.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable