FOEGLIN Edmond, Auguste. Pseudonymes dans la clandestinité : ARMAND, FEUILLANT Armand

Par René Lemarquis, Claude Pennetier

Né le 12 mars 1906 à Paris (XIIe arr.), mort le 11 septembre 1972 au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis) ; ouvrier marbrier ; employé au travail illégal dans la CGTU (1934-1936) et un des responsables de la commission des cadres du PC après 1936 sous la direction de Maurice Tréand, avec Arthur Dallidet ; agent de liaison au début de 1941 ; responsable de l’arrestation de Gabriel Péri.

Le père d’Edmond Foeglin (parfois orthographié Foelgen) était un ouvrier imprimeur qui fut syndiqué à la CGTU. Il emmenait son jeune fils dans les manifestations et lui lisait l’Humanité (il s’agit peut-être de Foeglin, sans prénom). Sa mère, née Vignali, était brocheuse dans l’imprimerie. Il avait un cousin curé dans la Nièvre. Il suivit l’école primaire jusqu’à l’âge de treize ans et obtint le certificat d’études primaires, puis commença à travailler dès sa sortie de l’école. Il épousa, le 15 décembre 1934, Alice Thiempont, divorcée de Van Schoor, un communiste belge dont elle avait eu une fillette, Josette, née le 29 juillet 1926 en Belgique, que Foeglin prit à sa charge. Elle était femme de ménage à la Banque Morgan, sympathisait avec le PC et adhérait au Comité mondial des femmes.

Edmond Foeglin exerça la profession de marbrier en chantier et en usine, de sa sortie de l’école à janvier 1934, avec une interruption de mai 1927 à novembre 1928 due à son service militaire. Il adhéra en 1925 à la JC et y milita jusque 1930. Il devint secrétaire de sa cellule puis secrétaire du 2e rayon et membre du Comité de la 4e entente. En janvier 1929, il adhéra au PC, milita à la cellule Dressoir (n° 183) dans le 1er rayon puis dans la section du Xe à la cellule 1052A. Membre du comité de rayon et de sous-rayon, il fut délégué à la conférence de Clichy (salle Reflut) le 24 mars 1929, arrêté puis relâché. Après le 1er août, il fut accusé, dans sa cellule des JC, de manque de présence alors qu’il militait surtout dans le parti. Suspendu pendant six mois, il fut cependant de retour trois mois après au comité de son rayon du XIXe arrondissement (il habitait alors au 54 rue d’Hautpoul). Il rendit « le groupe » (Barbé-Celor) responsable de cette sanction. Adhérent au syndicat des marbriers, il en fut secrétaire adjoint puis secrétaire général de 1930 à 1934. De 1932 à 1934, il siégea à la CE de la Fédération unitaire du Bâtiment qu’il avait représentée au 6e congrès national de la CGTU (salle Magic-City) du 8 au 14 novembre 1931.

Si Edmond Foeglin participa encore aux journées de février 1934, il allait cesser d’apparaître en mars par suite de nouvelles tâches. Il devint responsable rémunéré du travail illégal dans la CGTU. « Je ne pouvais, écrivait-il dans son autobiographie du 24 mars 1937, par ordre du parti, avoir de contact avec les organismes réguliers du parti et ne devais participer à aucun travail devant me consacrer au travail fixé par la CGTU en accord avec le parti, c’est-à-dire la préparation au passage de la CGTU dans l’illégalité ». Il resta à ce poste de mars 1934 à février 1936. Puis il travailla uniquement à la commission des cadres au siège du Parti communiste, rémunéré 1 500 F par mois. Il était lié à cette commission depuis 1934.

En 1935, Edmond Foeglin habitait 11 rue de l’Église à Montreuil, dont la municipalité venait d’être gagnée par les communistes. Il y était employé communal. La ville de Montreuil le rémunéra jusqu’en 1937 (cet emploi n’apparaît pas dans son autobiographie).

Maurice Tréand en fit un de ses adjoints à la commission des cadres du PCF. Il travaillait au 120 rue Lafayette avec Arthur Dallidet, Mounette Dutilleul et Georges Beaufils. Il était particulièrement chargé de la « lutte contre la provocation » et de l’établissement des listes noires. Arthur Dallidet était chargé de la « montée des cadres » et lui de la « descente ». Blagoeva, responsable de la commission des cadres du Komintern, écrivait en août 1938 : « Manifeste parfois un certain ralentissement dans le travail, aussi faut-il quelquefois le secouer. Dans l’ensemble c’est un camarade très gentil, fiable et dévoué. Exécute correctement les instructions reçues. Tréand considère qu’il lui faut une formation de six mois à l’École centrale du parti. » (28 août 1938). Foeglin, dit « Armand », était alors à Moscou pour présenter à Blagoeva et à Dimitrov un plan de travail de la commission des cadres. Il demandait des conseils et des directives sur la « méthode de travail concernant les révélations sur le trotskysme », la constitution des « listes noires » et les rapports avec la commission de contrôle. Il utilisait l’expression « police du parti » qui ne plaisait pas à ses interlocuteurs de l’IC (rapport de Blagoeva, 28 août 1938 archives de Moscou, 495/73/77 B6 90-91-92-93). Edmond Foeglin demanda s’il pourrait être autorisé à conserver la documentation sur les provocateurs et la provocation (car tout partait à Moscou). Blagoeva se retourna vers Dimitrov, secrétaire du Komintern, pour décider. Celui-ci le reçut personnellement le 1er septembre 1939 ; sur son carnet Dimitrov note également le même jour une réunion avec André Marty sans qu’on puisse affirmer que Marty assista à la rencontre avec Armand (Journal, op. cit., p. 217). Dimitrov nota : « Discussion avec le camarade français Armand (section des cadres du PC français. Adoption des directives sur le travail avec les cadres en France. Armand repart le 2 septembre au matin ». Edmond Foeglin était pris en main à Moscou par Sorkine, un fonctionnaire du NKVD, mis au service de l’action discrète, clandestine, secrète du Komintern, et placé au département d’organisation.

Sa connaissance de la clandestinité en fit un animateur de la vie illégale du Parti communiste entre l’interdiction du Parti communiste en août 1939 et 1941.

Mobilisé en août 1939, il reprit contact avec Maurice Tréand dès sa libération et fut chargé d’utiliser les « planques » parisiennes pour des dirigeants communistes importants comme Félix Cadras, Jean Catelas et Gabriel Péri. C’est lui qui insista pour que Gabriel Péri quittât au début de l’année 1941 sa cache de la porte de la Villette (un logement appartenant à Henri Barbusse, occupé par la secrétaire de celui-ci, Annette Vidal, partie en province), dont Armand ignorait (ou était censé ignorer) l’adresse, pour aller habiter chez André Chaintron – le frère de Jean Chaintron – 5 place de la Porte-Champerret (XVIIe arr.). Armand connaissait l’adresse de Jean Catelas et celle d’un des logements de Félix Cadras . Depuis la mise à l’écart de Maurice Tréand (vers la fin 1940), il avait le contact avec la direction du Parti communiste soit directement, soit par Arthur Dallidet. C’est en se rendant chez Catelas le 16 mai 1941 qu’il tomba dans une souricière. Catelas avait été reconnu et dénoncé par des voisines. La police avait également arrêté Jules Rouveyrolis et Lucie Vanhillé, qui avaient fourni à Catelas son logement clandestin. Jean Arrachart, entrepreneur de transport à Amiens, gendre de Catelas, fut interpellé le 15 mai chez son beau-père et Mounette Dutilleul fut arrêtée sur un lieu de rendez-vous. Armand aurait proposé au commissaire de police d’échanger sa libération contre des informations concernant le fonctionnement clandestin du Parti communiste et la planque d’un de ses dirigeants : Gabriel Péri. L’arrestation de Gabriel Péri eut lieu au 5 place de la Porte-Champerret, le 18 mai 1941 en fin d’après-midi.

Une confrontation se tint au commissariat d’Asnières entre Armand, Péri, Catelas et Mounette Dutilleul. Selon le témoignage de cette dernière, Armand, qui jouissait d’une certaine liberté dans le commissariat, vint lui chuchoter pendant la nuit : « J’ai dit que je ne te connaissais que sous le nom de Simone… Parce qu’ils ont trouvé le mot donnant rendez-vous à Catelas… Je l’avais glissé sous la porte, Catelas n’était pas chez lui… – Et l’autre ?… – Je les ai entendus dire que c’est en fouillant chez Catelas, dans ses livres, qu’ils avaient trouvé l’adresse de Péri… » (cité dans Jacques Duclos , Mémoires, t. 3, p. 140). Armand fut donc libéré. Il reprit contact avec le Parti communiste en la personne de Georges Beaufils puis d’Arthur Dallidet auquel il rendit des fonds en sa possession et fut mis au vert. Il travailla à la poudrerie de Sevran. Dans un télégramme chiffré envoyé à Moscou le 11 juin 1941, Jacques Duclos évoque la trahison d’Armand, en rappelant que cet adjoint de « Grégoire » (Tréand) était venu en mission auprès de l’IC en 1938. L’Humanité clandestine du 21 novembre 1941 dénonça « Armand » : « À la suite d’une enquête minutieuse, le Parti a acquis la preuve que le responsable de l’arrestation de Gabriel Péri n’est autre que le dénommé Edmond Foeglen […] Cet individu s’est rangé dans la catégorie des traîtres et des provocateurs. Tous les communistes et patriotes adopteront, à son égard, l’attitude qui convient, en attendant que la justice de la France libérée s’abatte sur lui. »

On ne sait pas ce qu’il devint pendant les années 1942-1944. Vers 1950, Edmond Foeglin acquit un pavillon 26 rue Louise-Michel au Blanc-Mesnil. Il travaillait à l’entreprise de peinture Ricolet de Bobigny. Considéré par ses voisins comme communiste, il n’appartenait cependant ni à la cellule de l’entreprise Ricolet, ni à la section du PCF du Blanc-Mesnil, mais il lisait l’Humanité.

Quelques mois avant sa mort survenue au Blanc-Mesnil le 11 septembre 1972, Edmond Foeglin avait déclaré à une voisine et amie qu’il « était responsable de l’arrestation de Gabriel Péri »… « J’avais été filé par police ». Elle-même en fit confidence à un militant communiste de la rue. Raymond Dallidet, qui enquêtait au Blanc-Mesnil à partir des renseignements d’état-civil que nous lui avions fournis (nous avions établi l’état civil de Foeglin, naissance, décès, mariage et vérifié sa présence dans les listes nominatives de recensement de Montreuil), obtint ainsi, en décembre 1981, confirmation de l’existence d’Armand. Jusqu’à la parution de la notice « Armand » du Maitron (tome 17) en 1981 les rumeurs les plus fantaisistes avaient couru sur l’identité de ce responsable de la commission des cadres.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article49476, notice FOEGLIN Edmond, Auguste. Pseudonymes dans la clandestinité : ARMAND, FEUILLANT Armand par René Lemarquis, Claude Pennetier, version mise en ligne le 15 mars 2009, dernière modification le 27 août 2021.

Par René Lemarquis, Claude Pennetier

SOURCES : Arch. Nat., F7/13119, 24 mars 1929. — Arch. Dép. Seine, listes électorales et recensements. — Arch du Komintern, RGASPI, Moscou, 495 270 697, autobiographies de 1932 et du 24 mars 1937. — Tribunal de grande instance de Paris, acte de naissance d’Edmond Foeglin. — Extrait du répertoire du commissariat de police d’Asnières, procès verbal de l’arrestation de Gabriel Péri et André Chaintron. — Arch. Jean Maitron, fiche Gabriel Péri. — Claude Pennetier, « La vérité sur la mort de Gabriel Péri », L’Histoire, n° 86, février 1986. — « Gabriel Péri clandestin », Cahiers d’histoire de l’Institut de recherches marxistes, n° 26, 1986. — Raymond Dallidet, Raph, Vive le Parti communiste français, Châtillon-sous-Bagneux, Société d’éditions générales, 1987. — Pierre Durand, Joseph et les hommes de Londres, Le Temps des cerises, 1994. — Dimitrov, Journal 1933-1949, 2003, Belin. — Témoignages oraux. — Renseignements recueillis par Raymond Dallidet au Blanc-Mesnil et consignés dans une lettre du 7 décembre 1981. — Rencontre au domicile de Jean Maitron, le 9 janvier 1982, de plusieurs militants qui, directement ou indirectement, ont été concernés par l’arrestation de Gabriel Péri : Jean Chaintron (frère d’André Chaintron), Raymond Dallidet (frère d’Arthur Dallidet) et Mounette Dutilleul. — Témoignage d’Étienne Constant (Sofia Jancu). — Notes de René Lemarquis, Mikhaïl Narinsky et de Julien Hirsz.

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