GAUTHIER Auguste

Par Pierre Schill

Né le 28 juillet 1905 à Petite-Rosselle (Lorraine annexée), mort le 5 mars 1974 à Forbach (Moselle) ; mineur aux Houillères de Petite-Rosselle (Moselle) ; syndicaliste CGT, CGTU puis CGT réunifiée et militant communiste de Moselle, secrétaire de l’Union régionale des mineurs de la Moselle-CGT ; maire de Warnow (Mecklembourg, Allemagne) en 1945, puis maire adjoint de Petite-Rosselle (1947).

Auguste Gauthier en 1958
Auguste Gauthier en 1958
Collection Pierre Schill

Fils de Christian (Chrétien) Gauthier, mineur, et de Catherine née Steffensky, Auguste Gauthier se maria le 19 octobre 1928 avec Caroline née Beer le 29 juillet 1909 à Clarenthal (Sarre, Allemagne) ; le couple eut une fille.

Aîné d’une famille de huit enfants, Auguste Gauthier effectua sa scolarité primaire à l’école du Centre de Petite-Rosselle (Moselle), à l’issue de laquelle il entreprît un apprentissage de maçon qu’il dut interrompre après un accident du travail de son père. Il devint alors mineur aux houillères de Petite-Rosselle, propriété de la famille de Wendel, pour subvenir aux besoins de la famille.

C’est son père qui le poussa à adhérer à la CGT dès son entrée à la houillère, puis à la CGTU après la scission, et à adhérer au Parti communiste en 1927. Cet engagement lui valut d’être renvoyé de la houillère de Wendel en 1931 et l’obligea à vivre difficilement, pendant plusieurs années, de divers petits métiers. Après son renvoi en mai 1931, il tint une épicerie-restaurant jusqu’en 1938. Il aurait été un temps marchand de légumes et balayeur municipal pour la commune de Petite-Rosselle administrée, à partir de 1935, par le socialiste Alexandre Hoffmann*. Il continua à militer et, suite à de multiples interventions de la CGT, fut finalement réembauché à la houillère en février 1938.

Vers la fin du mois de mars et le début du mois d’avril 1931, Auguste Gauthier participa au voyage du député communiste Victor Doeblé dans le bassin houiller du Nord-Pas-de-Calais. Envoyée par la CGTU, la délégation lorraine devait avoir un aperçu sur le mouvement de grève lancé par le syndicat unitaire.

Auguste Gauthier anima le mouvement du Front populaire dans l’Est du bassin houiller avec l’aide de son beau-père Henri Beer. Il s’occupait notamment à la fin de l’année 1936 de la vente de l’Humanité dans les rues de Petite-Rosselle

Auguste Gauthier fut mobilisé pendant la Seconde Guerre mondiale entre le 24 août 1939 et le 24 février 1940, date de son évacuation vers le Pas-de-Calais où il occupa un emploi de mineur à Liévin jusqu’en septembre 1940. Les mineurs des Houillères de Petite-Rosselle évacués dans le Pas-de-Calais travaillaient toujours pour la maison de Wendel. Une note de la direction rosselloise, sur laquelle il figure, signalait en janvier 1940 à la direction de la Mine de la Clarence à Calonne-Ricouart les mineurs jugés « indésirables » en raison de leurs activités syndicales.

À peine quinze jours après son retour en Lorraine, le 16 septembre 1940, il fut arrêté par les nazis qui l’internèrent à la prison du Lerchesflur à Sarrebruck (Sarre, Allemagne). En raison de ses activités politiques et syndicales, il fut mis au secret et tout contact avec les autres détenus lui était interdit. Ses frères Charles Gauthier* et Arthur Gauthier* ainsi que Pierre Muller*, furent aussi incarcérés dans cette prison.

Son nom figurait dans le compte rendu d’interrogatoire d’Alphonse Rieth* arrêté par la Gestapo en octobre 1940. Le secrétaire général du Syndicat confédéré des mineurs de Moselle y décrivait dans le détail les structures de la CGT mosellane. Auguste Gauthier était présenté comme l’un des principaux propagandistes du Parti communiste.

Auguste Gauthier subit, au cours de ces années d’internement, de nombreux interrogatoires. Son régime de détention fut assoupli par un arrêté du 8 décembre 1941 qui l’autorisa à lire des journaux et des revues agréées par la censure allemande, à se raser et se couper les cheveux. L’interdiction de contact avec les codétenus rossellois, dont ses deux frères, fut quant à elle maintenue. À partir de janvier 1942 il put recevoir la visite de ses proches. À partir de février 1942 les interrogatoires de la Gestapo se multiplièrent.

Après vingt-deux mois de détention préventive, il fut condamné, le 16 juillet 1942, pour « incitation à la haute trahison » à six ans d’emprisonnement. Le 10 août 1942 il fut transféré à la prison de Ludwigsburg, au nord de Stuttgart (Allemagne). Reconnu apte, le 12 mai 1943, à un transfert en Norvège, il fut dirigé dix jours plus tard vers le camp de Papenburg, à l’ouest de Brême sur la côte de la Mer du Nord. Le 22 mai 1943, il arriva à la prison de Berlin-Plötzensee. Le 26 juillet, il fut transféré au camp de prisonniers d’Hammerfest-Kirkes dans le nord de l’Allemagne. Il revint en février 1944, très affaibli au camp de concentration de Papenburg. Le 3 avril 1944, il fut dirigé sur la prison de Ziegenhain près de Kassel.

Devant l’avancée des troupes alliées, cette prison fut vidée, en mars 1945, de ses huit cents femmes et neuf cents hommes détenus. Ils furent entassés dans un train pour un périple de plusieurs jours à travers le nord de l’Allemagne. Auguste Gauthier et seize autres prisonniers politiques furent chargés, au début de l’année 1945, dans un camion qui prit la direction de Lübeck où ils devaient être supprimés. La ville hanséatique étant alors soumise à d’intenses bombardements, le convoi fut finalement détourné vers la prison de Dreihangen à Bützow où il arriva dans les premiers jours du mois d’avril.

Le 3 mai 1945, le camp fut libéré par l’Armée rouge. À peine avait-il eu le temps de se faire soigner à l’hôpital de Butzow que le maire de la commune, Max Walther, le nomma maire de Warnow (petite commune de cinq cent quatre-vingt-cinq habitants dans le Mecklembourg) le 5 mai. Cette nomination, acceptée par les Soviétiques, s’expliquait par son engagement syndical et politique en faveur du communisme et par sa connaissance de la langue allemande.

C’est ainsi qu’il eut la lourde charge de mettre en œuvre la reconstruction de Warnow et des communes en dépendant (au total environ mille sept cents habitants). La situation était particulièrement critique du point de vue du ravitaillement et il était nécessaire de relancer la production agricole. Auguste Gauthier dut aussi s’occuper de la réorganisation administrative des communes dont il avait la charge et à la tête desquelles il nomma des représentants. Il participa à la réorganisation de pans entiers de l’administration locale dans le domaine de l’organisation sanitaire, fiscale ou bancaire sociale.

Auguste Gauthier devait tenir compte de toutes les sensibilités et s’accommoder de la présence des autorités militaires et civiles et des attentes des populations. Il dut notamment affronter les militaires russes dont l’occupation s’accompagnait de nombreuses exactions : réquisitions de denrées alimentaires déjà rares, de matériels notamment agricole. Il s’insurgea contre ces agissements qui nuisaient à la crédibilité d’une idéologie qu’il partageait. Il ne put cependant guère aller au-delà de ses protestations étant placé sous l’autorité du maire de Bützow lui-même obligé de rendre des comptes aux autorités militaires russes. Les services de police étaient par ailleurs assurés par l’Armée rouge.

Le 11 juillet 1945, Auguste Gauthier se plaignit auprès de Plambeck des conditions inacceptables dans lesquelles on lui demandait d’effectuer son travail. Face au surcroît d’activité lié à l’afflux de réfugiés il demanda que son secteur fût découpé et que les entités ainsi créées fussent confiées à des maires de plein exercice.

Son rôle ne se bornait déjà plus qu’à coordonner le mieux possible l’aide matérielle aux populations allemandes. Déçu par le comportement des autorités militaires russes, il demanda à quitter Warnow pour rentrer en Lorraine. S’il avait combattu le nazisme, ce n’était pas pour accepter les exactions et l’arbitraire des troupes d’occupation russes. Un laissez-passer, délivré le 1er septembre par le maire de Berlin, lui permit d’entreprendre le voyage du retour. Il retrouva sa ville natale et les siens le 16 septembre 1945.

Auguste Gauthier se présenta aux élections municipales des 23 et 30 septembre 1945 à Petite-Rosselle sur la liste d’Union de la gauche, de la Résistance et de la CGT à dominante communiste. Il recueillit au premier tour 983 voix sur 2 807 suffrages exprimés et 2 970 votants. Au second tour, il totalisa 855 suffrages et ne fut pas élu. La liste fut battue par celle menée par Elfriede Hoffmann, l’épouse de l’ancien maire socialiste Alexandre Hoffmann* mort en déportation.

Secrétaire de la cellule communiste et de la section CGT de Petite-Rosselle de mai 1946 à septembre 1947, il faisait partie, en 1946, de la délégation mosellane au congrès national de la FNTSS-CGT.

Candidat communiste aux élections municipales partielles de mars 1947 à Petite-Rosselle, il fut élu et devint troisième adjoint. Auguste Gauthier se représenta aux élections municipales d’octobre 1947 et menait la liste d’Union républicaine et résistante qui rassemblait des candidats socialistes, communistes et indépendants de gauche. La liste à dominante communiste rassembla au deuxième tour une moyenne de 602 voix sur 2 636 suffrages exprimés pour 2 671 votants et 4 027 électeurs inscrits. Elle était opposée à une liste d’entente communale et à une liste RPF qui remporta les élections avec une moyenne de 1 286 voix. Il ne fut pas élu.

Lors de la grève générale des mineurs d’octobre-novembre 1948, il fut secrétaire général du Comité de secours aux mineurs en grève. Il assura ensuite la charge de trésorier du syndicat de Petite-Rosselle.

Auguste Gauthier se présenta sur la liste de la CGT aux élections du 5 juillet 1951 au conseil d’administration de la caisse de Sécurité sociale minière de Petite-Rosselle. La liste obtint 3 156 voix sur 8 521 suffrages exprimés contre 2 691 voix pour la CFTC. La CGT obtint quatre élus dont il faisait partie. Auguste Gauthier fut réélu en 1955, 1959, 1964 et 1969. En janvier 1954, il était aussi administrateur de l’Union régionale de l’Est des sociétés de secours minières.

En mars 1952, il était membre du conseil d’administration des Houillères du Bassin de Lorraine. Il l’était encore deux ans plus tard.

À la fin des années 1950 et dans la première moitié des années 1960, Auguste Gauthier était secrétaire de la fédération régionale des mineurs de charbon de la Moselle-CGT. En janvier 1956, il avait été élu au poste de trésorier de la fédération.

À la fin de l’année 1966, lors de la constitution d’une organisation CGT des retraités des houillères lorraines, il prit en charge la section de Petite-Rosselle.

Malade, Auguste Gauthier abandonna ses responsabilités à la fin des années 1960, tout en continuant à militer.

Sa mère, très pieuse, lui avait enseigné dans sa jeunesse les principes chrétiens. Lorsqu’il mourut en 1974, sa dépouille fut accompagnée par les curés de Petite-Rosselle et de Vieille-Verrerie, le quartier de la commune où il résidait.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article49525, notice GAUTHIER Auguste par Pierre Schill, version mise en ligne le 9 janvier 2013, dernière modification le 9 janvier 2013.

Par Pierre Schill

Auguste Gauthier en 1958
Auguste Gauthier en 1958
Collection Pierre Schill

SOURCES : Arch. des Houillères du Bassin de Lorraine, Vt53-B3, Vt233-B128, Vt323-B20 et B26, dossier personnel et dossier personnel d’Alphonse Rosenkranz. — Archives Dép. Moselle, 301 M 78, 310 M 112, 151 W 191 et 821, 1330 W 265 et 266. — Arch. du Syndicat régional des mineurs CGT de Merlebach (Moselle), Der Kumpel (« Le camarade », organe de la Fédération régionale des mineurs de la Moselle), 1er juillet 1951, 15 mars 1952, 16 janvier 1954 et 31 mai 1956 ; Le Travailleur du Sous-Sol, Der Kumpel, janvier 1967 et décembre 1969 ; Le Droit minier, n° 9, septembre 1951. — Arch. personnelles de Daniel Deutsch, Jean Geiger et Marcel Zieder. — Le Républicain lorrain, 28 septembre et 6 octobre 1945. — Daniel Deutsch, Et coule la Rosselle, Sarreguemines, Éditions Pierron, 1993, p. 131. — Daniel Deutsch, Instants, instantanées en pays rossellois, Sarreguemines, Éditions Pierron, 1996, p. 139 à 155. — Luitwin Bies, Gestapo contra CGT Lothringen. Die Auskünfte des Alphonse Rieth von 1940, Saarbrücken, VVN-Bund der Antifaschisten, Landesverband Saar, 2000. — Luitwin Bies, Widerstand an der Grenze. Des deux côtés d’une frontière. Saarländer und Lothringer gegen des Faschismus. Sarrois et Lorrains contre le fascisme (1933-1945), Saarbrücken, Blattlaus-Verlag, 2002. — Renseignements fournis par Daniel Deutsch. — État-civil de Petite-Rosselle (Moselle). — Arch. Nat. F7/13129, juillet 1932. — RGASPI 495 270 4788, dossier du Komintern à son nom, pas encore consulté.

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