GENIN Gaston

Par Claude Cuenot

Né le 2 septembre 1900 à Hérimoncourt (Doubs), mort le 12 mars 1961 à Voiron (Isère) ; ajusteur outilleur puis entrepreneur en outillage à Seloncourt (Doubs), permanent syndical ; syndicaliste CGT et militant communiste, secrétaire régional et membre de la commission exécutive de la Fédération CGT des métaux, membre du bureau de la fédération du Doubs et du Territoire de Belfort du PCF.

Gaston Genin naquit dans une famille de sept enfants. Ses parents, Lucien Genin et Louise née Lackner, travaillaient comme ouvriers à l’usine Peugeot. La commune, berceau de cette famille d’industriels protestants, était sous leur influence directe par le biais du travail et de diverses œuvres mises en place dès les années 1860.

Gaston Genin perdit sa mère à l’âge de neuf ans et, en tant que fils de catholiques, fut converti au protestantisme avec ses frères et sœurs, condition préalable à toute prise en charge par les services sociaux de la famille Peugeot. Les enfants furent placés dans des familles de cette confession. Gaston Genin vécut alors chez un directeur d’école dans un petit village près de Montbéliard. Ce fut une chance dans sa vie et il reçut là une solide instruction primaire, lisant beaucoup. Élève à l’école pratique de Montbéliard, il sortit ensuite parmi les premiers comme ajusteur outilleur, mais en ayant le sentiment de subir une injustice car le fils d’un cadre des usines Peugeot se réserva la première place.

En 1917, Gaston Genin s’engagea dans la marine comme radiotélégraphiste à bord d’un sous-marin durant la campagne des Dardanelles. Il participa en 1919 aux manifestations de Toulon à la suite des événements de la Mer noire. À son retour, il travailla à la société des cycles Peugeot de Beaulieu-Mandeure (Doubs) et adhéra à la CGT puis au Parti communiste pour une courte durée seulement.

Outilleur très qualifié, chef d’équipe à partir de 1924, Gaston Genin faisait parfois des démonstrations de son savoir-faire pour des curieux. Mais une de ses suggestions apportée à la « boîte à idées » mise en place par la direction ayant été appliquée sans qu’il en ait reçu la paternité, il quitta l’usine vers 1928 et créa à Hérimoncourt une petite entreprise de mécanique, sous-traitante de Peugeot. Vers 1929-1930, avec Roger Vermot-Desroches*, il fit la connaissance d’Ambroise Croizat, venu soutenir les grèves chez Peugeot à Audincourt et à la SACM à Belfort et qui épousa en secondes noces la fille d’un cafetier communiste de Seloncourt (Doubs). Ils devinrent amis et ces liens jouèrent certainement un rôle important dans son parcours militant à partir de 1936 et surtout à la Libération.

Lors des élections cantonales de 1934, Gaston Genin prit ouvertement le parti du candidat communiste. Très vite, tous ses créanciers réclamèrent leurs dus : il fut ruiné et aucun patron ne voulut l’embaucher malgré son expérience. Longtemps chômeur sans secours, il travailla quelques mois chez Alsthom à Belfort avant d’être embauché au début de l’année 1936 à l’usine SMA d’Arbouans (Doubs), où il habitait alors. À la tête de la grève pour l’application des accords Matignon, il devint secrétaire du syndicat CGT au mois de juillet. Genin se révéla rapidement un dirigeant de tout premier plan. Les cadres manquaient particulièrement dans cette région où syndicats et parti s’avéraient extrêmement faibles avant ces mouvements. Il devint donc permanent de l’Union locale d’Audincourt (Doubs), secrétaire régional de la Fédération des Métaux, secrétaire adjoint représentant le nord du département au bureau de l’Union départementale à partir du congrès de février 1937. Adhérent du Parti communiste depuis 1936, il fut également membre du bureau fédéral à partir de 1937. À la suite d’affrontements devant l’usine de Beaulieu pendant la grève du 30 novembre 1938, le tribunal correctionnel de Montbéliard condamna une quinzaine d’ouvriers pour entrave à la liberté du travail et Gaston Genin fut frappé de quarante jours d’emprisonnement avec sursis. Au congrès de mai 1939, il fut écarté avec tous les autres minoritaires de la commission administrative de l’UD dirigée par des ex-confédérés.

Gaston Genin fut mobilisé sur le Rhin en septembre 1939, alors qu’il n’aurait pas dû être appelé, en qualité d’ancien engagé volontaire et de père de deux enfants. À la débâcle, il revint dans son foyer et travailla dans une petite usine de Seloncourt. Arrêté avec d’autres communistes de la région le 25 septembre 1941, il fut interné administratif, d’abord à la prison de Besançon puis au camp d’Écrouves. Il s’évada à l’automne 1943 et gagna la région parisienne où il combattit parmi les FTPF, puis comme chef de groupe lors de la libération de Paris.

Membre du bureau provisoire de la Fédération CGT des Métaux et délégué permanent du 16e groupe (Aube, Côte-d’Or, Doubs, Haute-Saône et Territoire de Belfort), il reprit aussi ses responsabilités au bureau de l’Union départementale. Il se chargea d’établir la classification des métiers de la métallurgie pour les négociations avec la chambre patronale de la région Belfort-Montbéliard en application de l’arrêté ministériel du 11 avril 1945 et anima la commission mixte des travaux insalubres. Il fut parallèlement administrateur de la Caisse régionale d’assurance maladie Bourgogne-Franche-Comté et conseiller prud’homal de 1946 à 1949.

Sur le plan politique, Gaston Genin fut candidat communiste aux élections cantonales du 23 septembre 1945 à Audincourt. Il obtint 40 % des suffrages exprimés, mais fut battu de 25 voix par Georges Reverbori*, leader de la SFIO dans l’arrondissement.

Gaston Genin contribua nettement à développer l’influence du syndicalisme ex-unitaire dans la région. Il sut entraîner et former de nombreux militants à ses conceptions aussi bien avant (Raymond Bruder, Émile Cattin*) qu’après la guerre (Robert Roth* notamment). Mais son attitude souvent sectaire et autoritaire contribua aussi à aggraver des rapports déjà difficiles entre unitaires et confédérés, tant à la direction de l’UD avec Raymond Maisonneuve* qu’au sein du syndicat des métaux de Sochaux, dont il devint président en juillet 1946 sur proposition d’Henri Jourdain*. Bien que les majoritaires détinssent ici le poste de secrétaire depuis 1938 (avec Georges Gauchet depuis décembre 1944 suivi par Émile Cattin*), ils demeuraient minoritaires au sein de la commission exécutive.

Dans le cadre du mouvement pour l’application immédiate des accords du Palais Royal et le maintien de la ration de pain à 250 grammes, Gaston Genin fut sifflé par de nombreux grévistes à Sochaux lors de son appel à la reprise du travail le 2 septembre 1947. Le mouvement continua au contraire à s’étendre à toute la région de Montbéliard. En revanche, le 24 novembre et surtout le 8 décembre suivant, il tenta à tout prix de déclencher la grève dans cette même usine Peugeot. Le référendum du 24 novembre avait recueilli près de 6 000 voix pour le travail sur 9 000 votants et les débrayages qui suivirent ne touchèrent qu’une centaine de travailleurs. Il fut immédiatement exclu de la direction du syndicat de Sochaux par 10 voix sur 12, certains syndicalistes majoritaires ne l’ayant pas soutenu face aux minoritaires. Il demeura membre du bureau de l’Union départementale du Doubs après la scission syndicale.

Marié en 1922 à Hérimoncourt avec Lydie Roy, le couple eut deux enfants. Très diminué à la suite d’un accident de la route survenu en septembre 1948, Gaston Genin vécut à Grenoble jusqu’à son décès, près de sa fille Yvette et de son gendre Francis Reiss, militants communistes.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article49557, notice GENIN Gaston par Claude Cuenot, version mise en ligne le 20 mars 2009, dernière modification le 20 mars 2009.

Par Claude Cuenot

SOURCES : Arch. RGASPI, Moscou 495-270-3419, autobiographie du 27 janvier 1938 (classée A1). — Arch. Nat. CAC 940448 art. 132, 11498. — Arch. Dép. Doubs, 1 Z 89, M 2624, fonds CGT, commission administrative et bureau de l’Union départementale. — Arch. privées Robert Roth. — Claude Cuenot La CGT dans le Doubs : l’Union départementale de 1944 à 1950, mémoire de maîtrise, Université de Besançon, 1990. — Témoignages de Robert Charles, de Georges Gauchet, de sa fille Yvette Genin, d’Oreste Pintucci et de Robert Roth. — État civil d’Hérimoncourt.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable