Par Jacques Girault
Né le 30 août 1933 à Chambéry (Savoie) ; professeur puis journaliste à l’Humanité ; militant communiste du Var puis de Paris.
Ses parents, catholiques pratiquants marqués nettement à droite, avaient trois enfants dont l’aîné disparut dans les combats de la libération de Marseille. Son père, Pierre George, travaillait à la SNCF en Savoie puis à Marseille. Nommé chef de gare aux Arcs (Var), il termina sa carrière à La Seyne (Var). Il avait trois enfants.
Après des études secondaires dans un collège catholique à Marseille (Notre Dame de la Viste, tenu par l’ordre de Timon-David), Jean George, bachelier en 1951, entra en classes préparatoires au lycée Thiers à Marseille où enseignaient notamment les communistes Maurice Agulhon et Jean Deprun*. Il animait avec Antoine Casanova le groupe « tala-marxiste et participait aux actions aux côtés des communistes contre la guerre d’Indochine. Il refusa toutefois de signer le télégramme de condoléances envoyé lors de la mort de Staline.
Jean George ne présenta pas le concours de l’École normale supérieure en 1953. Influencé par les prêtres-ouvriers qu’il côtoyait dans la paroisse Saint-Michel du quartier de La Plaine, il voulait entrer au séminaire de la Mission de France à Lisieux. Prenant acte des sanctions que préparait le Vatican contre les prêtres-ouvriers qui devinrent effectives en 1954, il choisit alors de devenir professeur, ses amis communistes l’ayant convaincu qu’il répondrait ainsi mieux aux besoins du mouvement ouvrier. Il obtint une licence d’histoire et géographie et un diplôme supérieur d’histoire (DES) consacré à la période de la Monarchie de Juillet à la Faculté des lettres d’Aix-en-Provence où il eut notamment pour professeur Georges Duby dont l’enseignement le marqua profondément. Il y rencontra Jocelyne Tintori, née le 30 novembre 1934 à Tunis, étudiante en histoire, membre du Parti communiste français depuis 1953. Elle était la fille de Fernand Tintori, receveur des PTT et d’Aline Robichon, représentante de commerce. Ils se marièrent en novembre 1956 à Marseille. Le couple eut deux enfants.
Militant du Mouvement de la paix depuis 1953, George devint membre de son conseil départemental, l’année suivante. Il prit part alors à plusieurs réunions du comité national du mouvement. En août 1954, il participa en tant que jeune catholique à un voyage en URSS organisé par l’Union de la jeunesse républicaine de France (UJRF). Il adhéra au PCF en septembre 1955 et devint, en 1956, membre du comité de la section de La Plaine.
Titulaire du CAPES théorique en 1956, Jean George fut nommé en Centre pédagogique régional au lycée de Toulon en octobre 1956 où il eut comme conseiller pédagogique Jacques Pizard*. Après avoir réussi aux épreuves pratiques du CAPES en avril 1957, il fut titularisé sur place. Il participa au bureau de la section du lycée (S1) du Syndicat national de l’enseignement secondaire (SNES).
Membre de la cellule Jeanne Labourbe du quartier de La Palasse, secrétaire de la section Henri-Seillon du PCF depuis avril 1957, Jean George fut, lors de la conférence fédérale en mai 1957, élu à la commission fédérale de contrôle financier. Dans la « biographie » qu’il remplit pour le PCF, il déclara avoir été arrêté à Toulon, le 27 septembre 1958, avec des tracts communistes dans sa voiture.
Jocelyne, son épouse, titulaire du CAPES d’histoire et géographie (1958), fut nommée à Aubenas (Ardèche). Pour éviter la séparation, ils postulèrent alors un poste double dans l’académie de Lille et furent nommés au lycée de Longwy (Meurthe-et-Moselle) à partir d’octobre 1958.
Jean George, secrétaire fédéral de l’UJRF puis de l’Union des jeunesses communistes en 1958-1960, suivit le stage destiné aux JC à Viroflay en juillet 1959. Dans le même temps, il devint membre du comité de la section communiste de Longwy en mai 1959 et membre du comité fédéral, responsabilité qui cessa en 1961 en raison de sa situation militaire. Son épouse, membre de l’Union des femmes françaises (UFF), siégea au bureau de la section communiste locale en 1959 et fut candidate aux élections municipales.
Jean George, jusqu’alors sursitaire, effectua son service militaire de septembre 1960 à septembre 1962, le PCF estimant que ses militants pouvaient mener une action efficace auprès des appelés du contingent. Mobilisé dans l’infanterie alpine, il fut écarté du peloton préparant les EOR et demeura soldat de 2e classe. Répétiteur à l’école des enfants de troupes d’Aix-en-Provence, il fut muté d’office en Algérie, en juin 1961, par mesure disciplinaire, puis affecté dans une unité combattante en août 1961. D’abord aide-vaguemestre, il fut, deux mois après, envoyé dans une tour isolée de la vallée de La Cheffia, au sud de Bône où, avec quatre autres « antimilitaristes », il devait surveiller un village de regroupement. Son livret, au service des effectifs, portait la mention : « individu dangereux à cause de sa culture et de son ascendant sur les hommes ». À La Cheffia, pendant trois mois, il noua de bonnes relations avec la population, faisant office d’instituteur et d’infirmier. Il soigna à plusieurs reprises des combattants du FLN blessés. Ses actions furent évoquées par un lecteur de l’Humanité, au début de l’année 2001. Puis il fut envoyé sur la ligne Morice à la frontière de la Tunisie et termina son temps en Algérie comme cuisinier de son unité.
Rentré en métropole en août 1962, démobilisé le mois suivant, Jean George fut nommé professeur au lycée Dumont-d’Urville à Toulon, son épouse enseignant au lycée Bonaparte depuis octobre 1961. Aussitôt, il devint secrétaire de la cellule du lycée et siégea au bureau de la section Henri-Seillon dont il reprit la direction l’année suivante. Il suivit les cours de l’école centrale en août 1963 et, à son retour, le secrétaire fédéral notait qu’il était « très ferme sur les positions du Parti » et ajoutait : « Participation active aux discussions. Perspectives de développement. » Il fut élu membre du comité fédéral à partir de 1964 ; régulièrement réélu par la suite, il participa au bureau fédéral de 1968 à 1975 comme responsable à l’éducation et à l’économie, et au secrétariat fédéral de 1970 à 1975. Il écrivait régulièrement dans la presse communiste locale (Le Petit Varois-La Marseillaise) et parfois dans la presse nationale (France-Nouvelle). Ses articles analysaient principalement la situation économique et sociale du Var.
Son épouse militait dans diverses organisations. Elle fut déléguée par le congrès départemental de la Fédération de l’éducation nationale (FEN) pour le congrès national en novembre 1969. Elle fut chargée, en 1969-1970, de composer une plaquette commémorative pour le cinquantième anniversaire du PCF.
Jean George avait souhaité, dès 1963, devenir journaliste au Petit Varois. La situation du journal ne le permit pas. Il continua à jouer un rôle important dans la direction départementale du PCF dont il dirigea, plusieurs années durant, les stages fédéraux de formation des cadres. Il occupait une place croissante dans le fonctionnement du parti à Toulon.
Jean George fut à plusieurs reprises candidats aux élections cantonales. En 1970, dans le septième canton de Toulon, il arrivait en deuxième position avec 2 617 voix et atteignait 3 622 voix au second tour, n’empêchant pas l’élection du maire Arreckx. À nouveau représentant du parti lors de l’élection du 23 septembre 1973, dans le cinquième canton, il arrivait en troisième position avec 637 voix puis 1 073 voix au second tour. Il figura sur la liste d’union de la gauche conduite par l’ancien député communiste Jean Bartolini aux élections municipales de 1971.
Quand Roger Garaudy* commença à développer dans le parti une ligne politique différente, notamment concernant un nouveau regard sur le catholicisme et une ouverture de la politique communiste vers d’autres couches sociales, Jean George fut intéressé en raison de sa formation. Représentant de la direction fédérale auprès de la section communiste du Haut-Var, il rencontra Garaudy* chez un militant et sympathisa avec lui. En 1966, au moment du comité central d’Argenteuil, il se montra favorable aux analyses développées par Garaudy*. Plus tard, il lui signala que Georges Frischmann, qui représentait la direction du parti auprès de la fédération du Var, l’avait accusé d’analyses déviationnistes lors d’une réunion du bureau fédéral. Roger Garaudy fit état de cette critique lors d’une réunion du bureau politique. Dès lors, Jean George fut accusé de véhiculer des thèses favorables à ce dirigeant qui prenait de plus en plus de distance avec la ligne politique du parti. Cela ne facilitait pas ses relations avec certains dirigeants de la fédération varoise qui le soupçonnaient d’ambitions personnelles. Les effets de ces soupçons s’atténuèrent lorsque Guy Guigou* et Danielle De March prirent la direction de la fédération.
Jean George, qui avait nettement soutenu la position du PCF au moment de l’intervention soviétique en Tchécoslovaquie sans toutefois approuver toutes les analyses des communistes tchécoslovaques, ne se montrait pas favorable à la ligne du programme commun dont il craignait les effets négatifs sur le parti. Il développa son analyse lors d’une réunion du bureau fédéral avant le congrès de 1973. Il désapprouva en 1974 la candidature unique de la gauche à l’élection présidentielle. Pendant ce temps, il participait au rapprochement avec certains milieux catholiques. Par l’intermédiaire des prêtres de La Seyne, il prit part à une rencontre de quelques dirigeants communistes varois avec des évêques. À leur question « Pourquoi êtes-vous devenu communiste ? », il exposa sa démarche en partie inspirée, selon lui, par l’esprit évangélique qu’il partageait avec ses interlocuteurs. Les contacts entre communistes varois et chrétiens se développèrent par la suite mais il avait quitté le département.
Dans une lettre à la direction du parti, en octobre 1974, Jean George exposait ses raisons pour refuser de devenir permanent à Toulon, réaffirmant sa volonté de faire du journalisme, estimant qu’il fallait que Danielle De March soit « mise en avant à Toulon », d’autant, ajoutait-il, que « je traîne un handicap de défiance à cause de l’opinion qu’on a naguère répandu sur moi ». Pourtant la direction fédérale s’efforçait de convaincre la direction du parti qu’il devait continuer à militer à Toulon. Mais il avait indiqué très nettement son choix, « Je ne veux plus vivre à plusieurs niveaux » en étant « quasi permanent du Parti ».
Jean George obtint sa mutation pour le collège Émile-Zola (XVe arrondissement de Paris) en septembre 1975. Il demanda une disponibilité de deux ans (mise à la disposition du groupe parlementaire communiste à l’Assemblée nationale) puis demanda sa retraite anticipée de l’Éducation nationale en 1977, tandis que son épouse, devenue professeur agrégée (1973), occupait un poste au lycée Camille-Sée, puis en classes préparatoires au lycée Jules-Ferry. Après avoir été secrétaire de Roland Leroy*, directeur de l’Humanité, il entra à la rédaction du journal en 1976. Il travailla à la rubrique des informations générales, puis à la rubrique de politique intérieure, chargé entre autres de suivre les milieux chrétiens. Il retourna aux informations générales avant de rejoindre la rubrique de politique extérieure comme correspondant permanent du journal à Moscou (juin 1979-juin 1982). Il s’efforça de donner un aperçu de l’URSS à l’époque de Brejnev, mais il était de plus en plus convaincu de la décomposition du régime. Certains lui reprochèrent d’avoir participé à l’illustration et la défense de l’URSS et d’avoir souvent écrit des articles ne laissant guère supposer que la situation s’aggravait. La direction du journal était d’un avis différent et refusa de publier certains de ses reportages, notamment un sur l’alcoolisme. Il assista à Moscou à l’interview de Georges Marchais* par la télévision française lors de l’entrée des troupes soviétiques en Afghanistan mais ne fut pas chargé de suivre ces événements. Il approuva par la suite la ligne préconisée par Andropov mais désapprouva celle suivie par Gorbatchev.
Revenu au siège du journal, Jean George refusa la proposition d’être affecté à la rédaction de l’Humanité-dimanche. Il resta à la rubrique de politique extérieure grâce à l’intervention de son responsable Yves Moreau*, mais la direction du journal refusa qu’il s’occupe des affaires soviétiques tout en ayant parfois recours à lui en ce domaine. Il suivit l’actualité des pays d’Amérique latine et des États-Unis où il effectua plusieurs reportages. Toutefois, en 1987, il alla suppléer le correspondant en URSS pendant trois mois mais n’accepta pas de le remplacer quand celui-ci se montra hostile à la ligne du PCF. Envoyé spécial de l’Humanité à Bagdad pendant la première guerre du Golfe, de janvier à mars 1991, il écrivit de nombreux articles dont plusieurs retinrent l’attention de diverses revues de presse. À son retour, il entra en conflit ouvert avec le directeur et le rédacteur en chef, qui ne s’étaient pas préoccupés de son sort quand il était en Irak et qui ne supportaient pas ses critiques publiques de leur gestion. Il ne signa plus d’articles et choisit de partir à la retraite en décembre 1993.
Par la suite, Jean George collaborait au comité de rédaction de la revue La Pensée, y écrivant des articles de politique étrangère. Il participa aux réunions de la section de politique extérieure du comité central puis national du PCF, tant que Francis Wurtz* en fut le responsable. Il n’y fut plus invité ensuite.
Élu au comité de la section du XVIIIe arrondissement de Paris dès son installation rue Caulaincourt en 1975, Jean George en demeura membre jusqu’en 1996. Ses distances avec la ligne et les choix du Parti communiste s’accentuèrent. N’ayant pas voté pour François Mitterrand* en 1974, il s’abstint aux seconds tours de 1981, de 1988 et de 1995, et dès le premier tour de celle de 2002, refusant de voter pour Robert Hue. Il manifestait de profondes divergences avec la direction du PCF sans en faire état en dehors du parti dont il était encore membre en 2003, maintenant un contact actif avec les membres de sa cellule et d’autres militants qui partageaient son analyse. Dans la préparation du 32e congrès du PCF, il fut un des signataires du second texte alternatif, intitulé « Ensemble, une nouvelle orientation pour un nouvel élan du PCF ».
Par Jacques Girault
SOURCES : Arch. Dép. Var, 1477 W 43. — Arch. Parti communiste français. — Presse locale et nationale. — Sources orales. — Renseignements fournis par l’intéressé.