GALINDO Paul, Antoine

Par André Balent

Né le 25 juillet 1908 à Escaro (Pyrénées-Orientales), mort le 26 juillet 1994 à Perpignan (Pyrénées-Orientales) ; mineur ; militant communiste, syndicaliste CGT et coopérateur.

Dirigeant politique et syndical, animateur de luttes ouvrières, fondateur d’une coopérative ouvrière de consommation, Paul Galindo fut sans aucun doute, parmi les mineurs du fer du bassin du Canigou (Pyrénées-Orientales), un des militants les plus actifs et les plus dynamiques pour la période qui s’étend de 1934 à 1963 (date de la fermeture de la plupart des mines du bassin du Canigou.)

Depuis le XIXe siècle (et même dans les siècles antérieurs), Escaro, petite commune pyrénéenne, était un des principaux centres miniers du Conflent. Paul Galindo y naquit le 25 juillet 1908. Son père, Bienvenido Galindo était originaire de Pitarca (province de Teruel, Espagne). Vers l’âge de vingt ans, il avait quitté l’Espagne et était arrivé à Perpignan le 1er mai 1904. Après avoir travaillé quelques jours à la construction du chemin de fer à voie étroite Villefranche-de-Conflent-Bourg-Madame (Pyrénées-Orientales), il s’était fait embaucher comme mineur à Sahorre, autre commune minière voisine d’Escaro. Bienvenido Galindo était ensuite parti, avec deux mineurs originaires de Sahorre (Pyrénées-Orientales) au Bousquet-d’Orb (Hérault) où ils travaillèrent dans les vignes. Le père de Paul Galindo avait ramené du Bousquet-d’Orb, où il était resté deux ou trois mois, un exemplaire des statuts du syndicat des ouvriers agricoles de cette localité. S’étant fixé à Escaro, à la fin de l’année 1905, il travailla dans les mines de fer. En 1906, il participa à la grande grève des mineurs du Conflent qui dura six mois et s’acheva, malgré les provocations patronales, par une victoire totale des mineurs qui obtinrent, en plus d’une augmentation substantielle des salaires, la journée de huit heures. Bienvenido Galindo, participa à la création du syndicat des « Ouvriers et des Paysans » d’Escaro (les mineurs du Conflent étaient pour la plupart, des paysans qui n’avaient pas abandonné leurs exploitations agricoles). Sympathisant de la SFIO et ami de Michel Thorrent*, maire de Sahorre et conseiller général d’Olette (SFIO) pendant l’entre-deux-guerres, Bienvenido Galindo, employé des mines de la compagnie de Riols, mourut en 1954.

En 1907, il avait épousé Catherine Broch, fille de paysans et originaire du hameau d’Aytua (commune d’Escaro), mère de Paul et de Marcellin Galindo.

C’est dans ce milieu de mineurs combatifs et militants que grandit le jeune Paul Galindo qui demeura célibataire. Il ne poursuivit pas sa scolarité jusqu’au certificat d’études primaires. Le 15 janvier 1923, il fut embauché comme mineur par la Compagnie des mines de la Têt (mines d’Escaro-Sud).

Dès l’âge de dix-sept ans, il adhéra au syndicat autonome des mineurs d’Escaro (ce syndicat avait refusé de choisir entre la CGT et la CGTU afin de maintenir son unité).

En juin 1925, avec deux jeunes d’Escaro (son frère Marcellin Galindo et Rosain Nicolau*), Paul Galindo adhéra à la Jeunesse communiste. En contact étroit avec Émile Dardenne, le petit groupe des JC d’Escaro fit campagne contre la guerre du Rif.

En 1928, Paul Galindo adhéra à la cellule communiste d’Escaro. Celle-ci avait une existence précaire. Elle regroupait des mineurs parmi les plus combatifs, mais la masse des travailleurs ne comprenait pas la politique du Parti communiste de la « troisième période » et étaient déroutée par son attitude par rapport à la SFIO. La cellule d’Escaro se désagrégea. À son retour du service militaire, Paul Galindo reprit contact avec le Parti communiste. Mais ce n’est qu’à la fin de 1935 qu’il put reconstituer, toujours avec son frère Marcellin Galindo et Rosain Nicolau*, un cercle des JC. En 1936, les militants les plus âgés de la JC reconstituèrent la cellule communiste dont Paul Galindo devint le secrétaire.

En 1936 également, prenant acte de la faillite du vieux syndicat autonome, Paul Galindo (et Rosain Nicolau) prirent l’initiative de constituer un syndicat CGT des mineurs. Paul Galindo fut élu secrétaire (août 1936) de ce syndicat qui rassembla 250 à 300 mineurs entre 1936 et 1939. Le syndicat que dirigeait Paul Galindo regroupait les mineurs de plusieurs communes : Escaro, Nyer, Olette et Serdinya-Joncet. Il était subdivisé en plusieurs sections syndicales, une par commune – Nyer, Serdinya-Joncet, Olette – ou par compagnie – à Escaro. Il fut délégué au XXVIIe congrès de l’UD-CGT tenu le 18 décembre 1938 et y intervint en faveur du rapport moral d’André Saunières*, militant communiste et secrétaire de l’UD depuis la fin 1937.

En 1937 fut fondée la section communiste d’Olette qui regroupait les cellules du Haut-Conflent et Paul Galindo fut élu au comité de section par la première conférence de section. En 1938 (conférence de section du 20 novembre), il fut à nouveau réélu au comité de section et se consacra plus particulièrement à des tâches de propagande. Il était parfois accompagné de dirigeants fédéraux (comme en octobre 1938, où, à Nyer, il tint une réunion avec Léopold Roque*, secrétaire régional, sur les accords de Munich).

En 1937, fut également fondée la coopérative ouvrière de consommation d’Escaro. Paul Galindo fut à l’origine de cette initiative et la décision de la fondation de la coopérative fut prise au cours d’une réunion de la cellule communiste. Les mineurs d’Escaro étaient sceptiques : ils se souvenaient de l’expérience coopérative des mineurs de Sahorre avant la guerre de 1914, qui s’était soldée par un échec, mais Paul Galindo s’employa à vaincre les réticences de ses camarades. Le maire, Batlle, ancien mineur passé au service des compagnies, fut enthousiaste. Paul Galindo et d’autres militants parmi les plus conscients (André Peyre*, Rosain Nicolau*, Pierre Parent*, Marcellin Galindo, Paul Grau*…) se méfièrent, de l’attitude du maire qu’ils soupçonnèrent de vouloir saboter la tentative de fondation de la coopérative. Celui-ci avait manifesté le désir de faire partie du conseil de gérance afin de pouvoir mieux la contrôler. Au cours de la réunion constitutive, Paul Galindo proposa – car il devinait ses intentions – que le maire fût élu à la commission de contrôle et non au conseil de gérance. La coopérative fondée, les mineurs purent acheter des actions de 25 F ; en peu de temps fut réuni un capital de 2 500 F. Paul Galindo animait le conseil de gérance. Antoine Trulls*, futur maire d’Oreilla (Pyrénées-Orientales) et alors mineur à Escaro fut désigné gérant de la coopérative. Ce dernier était en fait un agent du maire. Après quelques mois, le déficit de la coopérative s’élevait à 5 000 F. Mis en cause par Paul Galindo, Trulls fut démis. Le conseil de gérance fit alors appel à Marcellin Galindo.

En 1937-1938, des militants d’Escaro, et parmi eux, très vraisemblablement Paul Galindo, participèrent à la mise en œuvre du passage clandestin de la frontière par les volontaires des Brigades internationales.

Paul Galindo fut le principal animateur des grèves des mineurs et, en juin 1936, joua un rôle éminent pendant la grève générale.

Pendant la grève générale déclenchée le 30 novembre 1938 contre les décrets Daladier, l’action de Paul Galindo fut décisive. Pour briser la grève des mineurs rattachés au syndicat CGT des mineurs d’Escaro, dont Paul Galindo était le secrétaire, les directions des compagnies minières multiplièrent les provocations. Cinq mineurs de la mine d’Aytua ayant refusé de débrayer, la direction du syndicat décida, le 30 novembre 1938, de parlementer avec eux. Le maire réactionnaire d’Escaro, Batlle, téléphona alors au sous-préfet de Prades et lui laissa entendre que de graves « désordres » étaient sur le point de se produire. Le sous-préfet téléphona alors à Paul Galindo, en présence du maire et des dirigeants syndicaux, et lui confia la responsabilité du maintien de l’ordre dans la commune. Le maire était ainsi dessaisi d’une de ses attributions de premier magistrat au profit du secrétaire du syndicat. Néanmoins, Paul Galindo accepta cette responsabilité à la condition que le sous-préfet s’engageât à empêcher les provocations patronales. Le lendemain le syndicat envoyait des piquets de grévistes devant l’entrée de la mine d’Aytua. Les gendarmes mobiles arrivèrent presque aussitôt : des mineurs menacèrent de lancer des blocs de minerai sur les forces de l’ordre. Paul Galindo s’interposa. Les mineurs non grévistes promirent de se joindre au mouvement et l’incident sembla clos. Mais le lendemain ces cinq mineurs retournaient au travail : les gendarmes de Vernet-les-Bains et la garde mobile étaient là. À moins d’affronter directement la gendarmerie, les syndicats CGT ne pouvaient les empêcher de travailler. Paul Galindo dut intervenir à Sahorre, commune minière voisine, dont le syndicat CGT était dirigé par des militants de la SFIO, Michel Thorrent et Moïse Poms. Ces derniers étaient plutôt contre la grève. Nombreux étaient les mineurs influencés par eux qui travaillaient. Dans une assemblée générale, Paul Galindo convainquit l’ensemble des mineurs de se joindre au mouvement. En définitive, malgré bien des péripéties, le mouvement fut victorieux. Les mineurs d’Escaro, de Sahorre, de Corneilla-du-Conflent voyaient leurs principales revendications satisfaites. Cette victoire, dont Galindo, fut le principal artisan, fut d’autant plus remarquable que la Fédération CGT du Sous-Sol où Georges Dumoulin était très influent était hostile à la grève générale du 30 novembre 1938.

La grève déclenchée le 30 novembre 1938 eut des prolongements judiciaires. Les directions des Mines portèrent plainte pour entrave à la liberté du travail. Paul Galindo et huit autres mineurs qui faisaient partie du piquet de grève de la mine d’Aytua furent dénoncés par l’adjoint au maire d’Escaro. L’adjoint ignorait le nom d’un jeune mineur originaire de Cerdagne : pour donner malgré tout huit noms il ajouta celui de Paul Galindo qui n’avait pourtant pas fait partie du piquet de grève. En le dénonçant, la mairie d’Escaro voulait porter un coup au prestige du leader ouvrier qu’était Paul Galindo, et, à travers lui, au mouvement syndical et au Parti communiste. Avec ses sept camarades, il fut convoqué par le juge d’instruction de Perpignan qui l’inculpa « d’atteinte à la liberté du travail ». Après son inculpation, il téléphona à Palmade, sous-préfet de Prades pour l’informer qu’il refusait désormais d’assumer la responsabilité du maintien de l’ordre. Il protesta contre les provocations de Sahorre et contre l’envoi de gendarmes à la mine d’Aytua. Le procès eut lieu en janvier 1939, devant le tribunal correctionnel de Prades. Paul Galindo fut condamné à quinze jours de prison fermes, ses sept camarades à cinq jours fermes. Ils firent appel devant la cour de Montpellier qui maintint les peines prononcées par le tribunal de Prades.

Les incidents qui s’étaient produits pendant la grève et le jugement du tribunal de Prades indignèrent la population d’Escaro. Celle-ci se détacha définitivement du maire et de l’adjoint. L’influence du Parti communiste, déjà importante, s’accrut sensiblement. Certains conseillers municipaux, mineurs adhérents du syndicat (quelques-uns étaient même membres du conseil syndical), élus en 1935 sur la liste du maire, Batlle, désapprouvèrent le comportement de celui-ci pendant et après la grève. Avec les conseillers municipaux communistes, jusqu’ici minoritaires au sein du conseil, ils démissionnèrent. Paul Galindo proposa que le Parti communiste soutînt les conseillers démissionnaires à l’élection partielle qui allait suivre. Ceux-ci refusèrent. Ils demandèrent aux communistes de constituer une liste et de mettre le nom de Paul Galindo en tête. Les élections eurent lieu le 21 mai 1939. La liste présentée par le Parti communiste et conduite par Paul Galindo qui comprenait certains conseillers démissionnaires anciens partisans du maire, fut élue par 65 suffrages sur 70 votants. Batlle et son adjoint refusaient de démissionner et, malgré les pressions de Paul Galindo, de convoquer le conseil municipal. Seul un vote sur le budget administratif de la commune, pouvait mettre le maire en minorité au sein du conseil et l’obliger à démissionner. C’est la tactique qu’adoptèrent Galindo et ses camarades : ils attendirent le vote du budget. Le maire finit par convoquer le conseil municipal. Le 20 août 1939. Le 26 août, la police perquisitionnait au domicile de Paul Galindo : « tentative de complot contre la sûreté de l’État ». On le laissa, pour l’instant, en liberté. En novembre 1939, le commissaire spécial de Bourg-Madame inscrivit Paul Galindo sur la liste des « suspects du point de vue national » de l’arrondissement de Prades dressée après la dissolution du Parti communiste.

Au mois de septembre, le préfet demanda aux élus communistes d’Escaro de quitter leur parti. Ils refusèrent. Paul Galindo, André Peyre* et Paul Grau* (leurs camarades étaient mobilisés) ne furent pas pour autant suspendus. Ils demeurèrent conseillers municipaux car le préfet ne trouvait personne, dans la commune, susceptible de les remplacer. Leur révocation n’intervint qu’au printemps 1940.

Du jour de la dissolution du Parti communiste à celui de son arrestation, Paul Galindo continua de militer dans la clandestinité. Il était en contact avec Laurent Morera*, maire communiste de Villefranche-de-Conflent qui était devenu le responsable de son parti dans la clandestinité. De même, Paul Galindo poursuivit une activité syndicale clandestine.

Il fut arrêté le 14 juin 1940 par les gendarmes de Vernet-les-Bains. Il ne resta qu’un jour dans les locaux de la gendarmerie de Vernet. Il fut ensuite conduit au château de Saintes, près de Vichy. Transféré peu après à l’ancienne prison désaffectée de Limoux, il y resta jusqu’au mois de septembre 1940. Entre septembre 1940 et le 6 mars 1941, date de sa déportation en Algérie, Paul Galindo fut successivement incarcéré au château de Mongeay (Tarn), au camp de Rivel (Aude) et au camp de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn).

En Algérie, il fut tout d’abord interné au camp de Djelfa. On le transféra ensuite au camp de Bossuet où il fit partie du même groupe de travail que Léon Feix et Roger Garaudy*. Déchu de la nationalité française, Paul Galindo fut renvoyé à Djelfa où il se retrouva en compagnie de volontaires des Brigades Internationales. Les conditions de détention y étaient très dures : à son arrivée dans ce camp Paul Galindo pesait 64 kg ; neuf mois plus tard il ne pesait plus, selon ses dires, que 25 kg. On dut le conduire à l’hôpital militaire de Djelfa. Libéré, après l’occupation de l’Afrique du Nord par les Alliés, Paul Galindo quitta Djelfa sans papiers, ce qui lui posa des problèmes pour trouver du travail à Alger. Après la Libération de la France, il put regagner Escaro où il arriva le 28 octobre 1944. Il reprit aussitôt ses activités militantes au PC et à la CGT et retrouva ses fonctions de secrétaire de ces deux organisations. En 1948, Paul Galindo anima une grève des mineurs du bassin du Canigou. Cette grève dura cinquante-quatre jours. Paul Galindo dut, comme en novembre 1938, intervenir à Sahorre pour soutenir la grève qui menaçait de s’essouffler.

En 1951 et en 1952, Paul Galindo siégea au comité fédéral des Pyrénées-Orientales du PCF. Il prit sa retraite en 1953 pour soigner ses parents malades mais conserva toutefois son poste de secrétaire du syndicat CGT des mineurs d’Escaro jusqu’en décembre 1958. Cette puissante organisation devait bientôt disparaître : en 1962-1963, la plupart des mines de fer du Conflent fermèrent. Le village d’Escaro se vida de sa population active : bientôt n’y vécurent que quelques agriculteurs et quelques retraités des mines. Le syndicat CGT des mineurs d’Escaro regroupait 280 adhérents en 1939, 350 en 1946, 200 environ entre 1948 (scission de FO) et 1963 (fermeture des mines). Les effectifs de la cellule communiste d’Escaro furent très stables entre 1936 et 1963 : une quinzaine de militants en 1936, dix-huit à la fin de 1944, quatorze en 1963. En 1975, Paul Galindo était toujours secrétaire de la cellule d’Escaro qui ne regroupait plus que cinq adhérents, tous vétérans du parti depuis 1936.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article49574, notice GALINDO Paul, Antoine par André Balent, version mise en ligne le 21 mars 2009, dernière modification le 26 novembre 2021.

Par André Balent

SOURCES : Arch. Dép. Pyrénées-Orientales, versement du 13 septembre 1951, liasse 169 (dissolution du Parti communiste ; liste des « suspects du point de vue national »). — Arch. Com. Escaro-Aytua, registres de l’état civil. — Arch. personnelles de Paul Galindo (syndicat CGT des mineurs d’Escaro). — Le Travailleur Catalan, hebdomadaire de la région catalane du Parti communiste (années 1938 et 1939). — L’Action syndicale, janvier 1939. — Le Socialiste des Pyrénées-Orientales, 23 décembre 1938. — Annuaire. Guide des Pyrénées-Orientales, Nîmes, Chastanier et Alméras, 1937. — Léo Figuères, Jeunesse militante, chronique d’un jeune communiste des années 30-50, Paris, Éditions sociales, 1971. —André Moine, Déportation et résistance en Afrique du Nord 1939-1944, Paris, Éditions sociales, 1972, p. 289, 296. — Interview de Paul Galindo, 10 août 1974.

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