BOUGUEREAU Marcel, Silvestre

Par Jean Maitron, Claude Pennetier, Sylvie Deshayes

Né le 31 décembre 1889 à Orléans (Loiret), mort le 9 septembre 1982 à Massy (Essonne) ; instituteur ; secrétaire du syndicat des instituteurs du Loiret (1920-1924), secrétaire de la section départementale CGT des Fonctionnaires (1929) ; maire de Gien (1941-1944).

Marcel Bouguereau et sa femme.

Fils d’Ernest Bouguereau, receveur d’octroi, et d’Adrienne Renault, domiciliés à Courcelles (Loiret), Marcel Bouguereau obtint le brevet élémentaire et entra à l’École normale d’Orléans (1907-1910).
Il fit son service militaire au régiment d’infanterie d’Orléans à partir d’octobre 1910, fut envoyé en Algérie, puis libéré en septembre 1912. Il fut alors nommé instituteur à Sully où il se maria avec une institutrice, Henriette Godard.
Sous-officier, mobilisé en août 1914, il fut blessé le 4 août 1914 au Grand-Fayt (Nord) réformé en septembre 1915 avec 30% d’invalidité. Il était décrit par son dossier militaire comme un homme de 1 m 68, cheveux châtain foncé, yeux bleus, nez aquilin, menton rond, visage ovale, teint légèrement coloré.
Instituteur, il exerça à Châtillon-sur-Loire, Sury-aux-Bois, Sandillon, puis comme directeur à Beaugency
Syndicaliste de l’enseignement, il entraîna une grande partie des adhérents des Amicales des instituteurs au SNI. À la réunion du 25 novembre 1920 : « Cent syndiqués ont décidé d’adhérer au Syndicat national Glay et de constituer une section dans le Loiret ; dix-sept ont décidé de maintenir l’ancienne organisation adhérente à l’Union depuis 1911 » (Archives de la Bourse du Travail d’Orléans) — voir Boubou et Olympia Cormier. Bouguereau fut élu au conseil départemental de l’enseignement primaire en 1923 et 1929 (avec 62 % des voix). Il fit un rapport sur la « Réforme de l’enseignement et de l’enseignement technique » au congrès de l’Union départementale CGT le 20 avril 1929. En décembre de la même année, il devint secrétaire de la section départementale CGT des Fonctionnaires, secondé par Alvine, secrétaire adjoint et Brisset, trésorier.

Directeur d’école, il exerça comme directeur du cours complémentaire de Beaugency, puis fut nommé le 6 juillet 1936 à Gien, au cours complémentaire Georges Clemenceau. Son épouse, était institutrice, adjointe de l’école de garçons à Beaugency puis à Gien. Le maire de la ville était Pierre Dézarnaulds, député, secrétaire d’État en charge de l’Éducation physique dans le ministère Jean Zay au sein du gouvernement du Front populaire. La pratique du sport (gymnastique, basket, natation), les activités artistiques (théâtre, cinéma) et les voyages scolaires furent développées par l’association laïque postscolaire, l’Abeille de Gien.
En juin 1940, les ponts sur la Loire furent visés par l’aviation ennemie : les 15 et 16 juin, la ville est détruite. Parcourant les ruines de la ville, Marcel Bouguereau récupère des armes et des grenades qu’il cache dans le grenier d’un préau de l’école.

Marcel Bouguereau, de nuance politique radical-socialiste, fut nommé maire de Gien par arrêté préfectoral du 11 mars 1941, succédant au radical Pierre Dézarnaulds qui avait voté contre les pleins pouvoirs au maréchal Pétain.
Le terrain de sport et la salle de gymnastique de l’école ayant été détruits par les bombardements, en octobre 1941, il obtint l’autorisation pour l’Abeille et les scolaires d’utiliser d’anciennes écuries du château. C’est une véritable déclaration de guerre que lui lancèrent les opposants aux associations laïques. En réponse, Ernest Bildstein et Marcel Petit, instituteurs, Henri Deshayes, capitaine de l’équipe de basket et Marcel Bouguereau, enterrèrent symboliquement le fanion de l’Abeille.
Dès lors, plus encore qu’à l’armée d’occupation, c’est aux partisans du PPF qu’ils furent confrontés. Leurs bandes armées s’en prenaient à des commerçants qu’ils menaçaient d’exécuter. Les soldats allemands durent même chasser les milices du PPF de la ville. (Archives de la Cour de justice d’Orléans).
Dans un procès-verbal de police du du 5 juin 1945, Bouguereau déclara : "Les animateurs du PPF, C et M "tenaient des réunions publiques et secrètes, couvraient les murs d’inscriptions, signalaient les domiciles des francs-maçons ou soi-disant tels, patrouillaient à mains armées dans les rues de Gien, la nuit, arrêtaient nos concitoyens, les menaçaient et les soumettaient à l’interrogatoire ; M fut l’instigateur d’une délégation du PPF qui, au cours de 1943, vint à la Mairie, en mon bureau, m’exposer ses revendications (...) je déclarai que je ne lui reconnaissais aucun droit de s’immiscer dans l’administration municipale et que je n’hésiterais pas à user de tous les moyens de police si la section giennoise PPF passait à l’action directe."
Il est vrai que depuis juin 1942, Bouguereau sympathisait avec le commissaire de police Mouchard qui était en lien avec la Résistance. Ils avaient tenté d’empêcher la déportation de six FTP giennois arrêtés par les gardes mobiles. Ils ne purent en sauver qu’un. En décembre 1942, le maire, le secrétaire et le concierge de la mairie préparèrent le vol des cartes d’alimentation et de cachets de la mairie pour la fabrication de fausses cartes d’identité. Le 22 décembre Michel Dumast se fit enfermer à l’intérieur de la mairie, à minuit une équipe de résistants entra et réalisa une grosse prise. Le concierge étant soupçonné de complicité, Marcel Bouguereau et un résistant découpèrent une vitre et maquillèrent la saisie en cambriolage.
Il participa à une délégation des maires de l’Orléanais à Vichy le 10 juillet 1943.
Philippe Nivet relate cette visite [Bulletin SAHO n° 106, mars 2005]. « Le samedi 10 juillet 1943, conduite par le préfet régional, Jacques-Félix Bussière, la délégation des maires de l’Orléanais est reçue à Vichy. Le Républicain du Centre du 12 rend ainsi compte de l’entretien avec les maires du Loiret : « […] M. Bouguereau, maire de Gien, rend hommage au courage des sinistrés. Dans la ville détruite, le travail a repris. Tous les habitants, à part une dizaine de familles, sont rentrés. Le maire demande le rétablissement de la sous-préfecture. Puis, dans un acte de foi qui plaît au Maréchal, il ajoute : « Nous conservons notre fleuve, notre vieux pont, notre château, nous voulons rebâtir ». […] Le Progrès de l’Allier apporte quelques précisions supplémentaires : le Maréchal […] a prié son secrétaire de faire parvenir en son nom personnel 50.000 francs à la population de Gien. »
Au mois d’août 1943, le Docteur Estève, médecin des écoles du giennois, initia le parrainage par la ville de Nice d’un séjour dans les Alpes pour les enfants giennois et niçois, séjour encadré par Marcel Bouguereau, Ernest Bildstein et Rober Auger.
Menacé de révocation par la gouvernement de Vichy. en mai 1944, Bougereau refusa de démissionner de ses fonctions de conseiller départemental et de maire. Il fut arrêté le 6 juin 1944, dénoncé par des lettres anonymes, accusé de "protéger" des résistants. Dans un procès-verbal du cinq juin 1945, il dénonce C et M, deux "agents très actifs du PPF et de la Gestapo (...) le commissaire aux renseignements généraux R. auteur d’un rapport tendancieux m’accusant de relations avec la résistance, et à l’inspecteur de la Gestapo PL, enquêteur et exécuteur d’arrestations". Au commissariat d’Orléans, avec l’aide de policiers patriotes, il fit venir Olympia Cormier, syndicaliste et socialiste, pour la tenir au courant de la situation. Elle fut interpellée par un policier collaborateur et arrêtée deux jours plus tard et déportée.
Bouguereau fut déporté à Neuengamme du 1er août 1944 au 12 avril 1945 puis dans les camps de Tchéquie (Thérésennstadt et Breschen) comme "personnalité-otage".
Revenu à Gien en mai 1945, il fut accueilli chaleureusement par les membres de son conseil municipal. M. Barré le remercia d’avoir su préserver les habitants de l’occupant. Pierre Dézarnaulds avait repris la première magistrature municipale en octobre 1944 et jusqu’en 1959. Il lui revint de transformer Gien ville martyr en "joyau de la reconstruction".
Bouguereau prit sa retraite de l’enseignement à Athis-Mons (Seine-et-Oise) et mourut le 9 septembre 1982 à Massy (Essonne).
Il fut validé comme DIR (déporté, interné, résistant) en date du 29 septembre 1954. Il fut considéré comme militaire actif dans une zone de combat du 6 juin 1944 au 19 octobre 1944.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article49602, notice BOUGUEREAU Marcel, Silvestre par Jean Maitron, Claude Pennetier, Sylvie Deshayes, version mise en ligne le 29 octobre 2010, dernière modification le 30 juin 2022.

Par Jean Maitron, Claude Pennetier, Sylvie Deshayes

Marcel Bouguereau et sa femme.
Marcel Bouguereau et Henri Deshayes pendant une marche.

SOURCES : Arch. Nat. F7/13000. — SHD, Vincennes, GR 16 P 78598 (consdéré comme DIR, résistant isolé). — AVCC, Caen, SHD AC 21 P 714659. — Le Peuple, 23 avril 1923, 20 avril 1929. — L’Avenir syndical du Centre, 1929-1930. — Séron, Dampierre, Hauchecorne, Brucy, La CGT dans le Loiret des origines à la Seconde Guerre mondiale, Mémoire de Maîtrise. — Correspondance de Madame Nathalie Lopès, archiviste municipale de Gien, 23 septembre 2004. — Notes de Gilles Morin. — Apport considérable de Sylvie Deshayes en juin 2022 (témoignages de Robert Auger, Henri Deshayes et Jean Bidault [tous les trois de Vengeance], de Marcel Petit, d’Hélène et Jean Bourgoin (FTP giennois déporté).

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