FAURE Raoul, Marius, Henri

Par Pierre Broué

Né le 4 juin 1895 à Grenoble (Isère), mort le 27 décembre 1986 à La Tronche (Isère) ; instituteur ; syndicaliste de la FUE puis du SNI de l’Isère, militant communiste jusqu’en 1929.

Le père de Raoul Faure, Marius, marinier, conduisait le « toveur » qui, sur 75 km, pose et entretient les enrochements qui protègent les digues de l’Isère. Sa mère, Marie née Raffin, sœur de Raffin-Dugens*, était épicière. Seulement baptisé, il était encore enfant quand, sous l’influence de son oncle – député socialiste en 1910 –, il commença à se sentir socialiste. Après le certificat d’études primaires, il alla à l’EPS de Grenoble et fut reçu à l’École normale d’instituteurs de cette ville en 1911. Il était dans la même promotion que Gabriel Brissaud et c’est à sa demande et à celle de ses proches camarades que le docteur Greffier* organisa pour les normaliens une école socialiste du jeudi, à la Bourse du Travail, où les cours étaient donnés par Chastanet*, Dognin*, Greffier*. Indigné de la campagne menée par la presse de droite contre les enseignants et leurs positions antimilitaristes du congrès de Chambéry en 1912, il rédigea à cette occasion son premier « billet » dans Le Droit du Peuple. Il travaillait pendant les vacances et fut ainsi marinier, employé de bureau, puis « pointeau » dans un chantier de construction. Le 1er octobre, il était nommé instituteur à Villars-de-Lans, qu’il quittait le 14 décembre, mobilisé. Il obtint le brevet agricole.

D’abord refusé comme candidat aux EOR, artilleur, puis téléphoniste, il devint finalement aspirant, finissant la guerre comme lieutenant. Attaché à l’état-major du 56e d’infanterie, fait prisonnier par les Allemands, le 9 juin 1918, libéré en novembre 1918, en garnison à Orléans, puis Nemours, il se rendait fréquemment à Paris où il reprit le contact avec Raffin-Dugens et, par lui, avec les socialistes avancés. Affecté à Grenoble au 2e régiment d’artillerie, il retrouva son camarade d’EN. Fernand Meunier*, adhéra avec lui au Parti socialiste, puis prit contact avec Raymond Lefebvre*, alors en cure à Allevard. Ils fondèrent ensemble la section de l’Isère de l’ARAC et publièrent un « appel aux anciens combattants » dont le ton lui fut vivement reproché, ainsi que le fait qu’il l’a signé avec un simple soldat dont le nom précédait le sien au mépris de la hiérarchie. Convoqué par le général commandant la région, Faure fut mis aux arrêts, puis muté à Douai. Il prit contact avec Le Cri du Nord de Roger Salengro* et milita pour le parti et pour l’ARAC : plus prudent, désormais, il s’habilla en civil pour ses activités politiques et utilisa le pseudonyme de Raoul Henri. Il participa sans permission au congrès de l’ARAC à Lyon en août 1919, Meunier y étant comme délégué de l’Isère. Il quitta l’ARAC « lorsqu’elle s’est politisée ».

Démobilisé en octobre 1919, Raoul Faure fut nommé instituteur adjoint à Pont-de-Claix. Il adhèra aussitôt à l’Amicale des instituteurs et joua un rôle décisif dans sa transformation en « syndicat ». Il va être désormais l’un des militants les plus actifs de cette section départementale de la Fédération de l’Enseignement qu’anima Léon Caillet*. La section compta au début plus de 1 000 adhérents et Faure en fut le trésorier adjoint. Au sein du Parti socialiste, il militait en faveur de l’adhésion à la IIIe Internationale et soutint la motion Cachin*-Frossard*, devenant ainsi l’un des fondateurs du PC dans l’Isère.

Le 23 août 1920, il épousa uniquement civilement à Grenoble Alberthe, Marie, Joséphine, Antoinette Gillibert, institutrice. Le couple eut un enfant. Ils furent nommés ensemble à Badinières, puis l’année suivante à Corbelin où ils succédaient à leur ami Gabriel Brissaud. Raoul Faure fut secrétaire de mairie. En 1921, il était membre du bureau de la fédération communiste de l’Isère et responsable de l’important secteur de La Tour-du-Pin. Il était membre de la Libre-pensée, animait des amicales laïques et des groupes locaux de la Ligue de l’enseignement.

Lors de la scission confédérale, le syndicat des instituteurs – l’ancienne Amicale – rallia dans le département la CGT. Raoul Faure fut de la trentaine d’enseignants qui, avec Caillet, constituèrent un syndicat non officiellement reconnu qui adhérait à la « Fédération Bouët », la Fédération de l’enseignement de la CGTU où il retrouva ses camarades de parti et anciens condisciples Lucien Desblache et Gabriel Brissaud. Raoul et Antoinette Faure furent pendant des années responsables du bulletin syndical départemental, Le Syndiqué.

Quand, en 1928, en plein tournant vers la « troisième période », le Parti communiste commença à développer ses attaques contre l’école laïque, il refusa de le suivre et fut exclu de la fraction communiste de la Fédération unitaire. Pourtant il ne fut pas exclu du PC lui-même qu’il quitta de son plein gré et sans avoir subi, même a posteriori, aucune sanction, en 1931. Il avait rejoint la majorité fédérale de la Fédération unitaire de l’enseignement, dont la direction était formée de militants ayant rompu avec le PC dans les mêmes conditions et pour les mêmes raisons et dont le secrétaire national était alors l’Ardéchois Gilbert Serret*. En octobre 1931, il fut nommé près de Grenoble, à Noyarey (Isère). Militant du groupe de jeunes, il fut secrétaire adjoint de la section départementale du syndicat unitaire en 1930 et conserva cette responsabilité après la fusion, en 1934, avec la section départementale du SNI, responsable du bulletin.

Au mois de juillet 1934, chez son collègue et ami Laurent Beau, à Domène, il fit la connaissance de Léon Trotsky qui y était secrètement hébergé. Il eut avec lui des discussions politiques et l’aida matériellement de son mieux. Le 8 août 1934, après le congrès de Montpellier de la Fédération unitaire, il organisa chez lui une rencontre entre Trotsky et les principaux dirigeants de la Fédération unitaire, Maurice Dommanget, Jean Aulas et Gilbert Serret*, au cours de laquelle Trotsky s’employa vainement à convaincre ses interlocuteurs de la nécessité pour eux d’adhérer au Parti socialiste afin de s’y joindre aux efforts des trotskistes et d’œuvrer à une réunification syndicale rapide. Après la réunification, Raoul Faure milita au sein du SNI dans la tendance groupée autour de L’École émancipée, devenant jusqu’à la disparition de cette revue l’un des animateurs de sa partie pédagogique. L’essentiel de son activité était désormais son métier d’enseignant. Il avait découvert « l’école Freinet » et fut l’un des plus ardents adeptes de cette pédagogie active. Il fit grève le 30 novembre 1938. Au début de la guerre, il s’opposa à l’exclusion des responsables communistes du syndicat.

Mobilisé en août 1939, Raoul Faure fut réformé à la fin de l’année. Pendant la guerre, comme secrétaire de mairie de Noyarey, il favorisa la délivrance de fausses cartes d’identité. Il permit ainsi à de nombreux enfants de passer la frontière, « ce fut ma vraie joie, ma vraie résistance ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article49637, notice FAURE Raoul, Marius, Henri par Pierre Broué, version mise en ligne le 28 mars 2009, dernière modification le 6 novembre 2016.

Par Pierre Broué

Iconographie : Yves Caps lors de l’assemblée générale de la coopérative de l’enseignement laïc avant le congrès de la Fédération unitaire en 1928. Debout, de gauche à droite, X, Raoul Tessier (Indre-et-Loire), Yves Caps, Gauthier (Loiret), Paul Delanoue (Indre-et-Loire), X, X, Raoul Faure (Isère), Rémy Boyau (Gironde), Célestin Freinet, Florentin Alziary (Var), Marguerite Beau (Isère), René Daniel (Finistère).
Assises : de gauche à droite, Élise Freinet, Marguerite Bouscarrut (Gironde), Jean Gorce (Gironde), Alberthe Faure (Isère), Odette Boyau ( ?, Gironde), Jeanne Tessier (Indre-et-Loire).

SOURCES : Le Droit du Peuple, 19 juin 1919. — Gérard Bouchet, Le PC dans l’Isère 1923-1925, Grenoble, TER, 1972. — Éliane Juquel, Biographies de Militants, Grenoble, TER, 1970. — Raoul Faure, « Les débuts de la vie d’un militant », Amis de Freinet, n° 28, juin 1978, p. 17-19. — Mairie de Grenoble, 27 décembre 1985. — Renseignements fournis à Jacques Girault en 1975. — État civil de Grenoble.

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