FATH Suzanne [née SCHUMANN Suzanne, épouse FATH, puis épouse LEBAS]

Par Françoise Olivier-Utard

Née le 28 janvier 1920 à Strasbourg (Bas-Rhin) ; morte le 16 avril 2013 à Strasbourg (Bas-Rhin) ; militante de l’UFF et du PCF dans le Bas-Rhin, secrétaire départementale (1945-1949) et membre du conseil national de l’UFF, membre du bureau fédéral du PCF (1948-1949) ; conseillère municipale de Strasbourg (1945-1953).

Fille d’Othon Schumann, directeur de l’Office d’Assurances sociales de la ville de Strasbourg, de confession protestante et politiquement plutôt conservateur, et de Fanny née Stehberger, Suzanne Schumann fit ses études primaires et primaires supérieures à l’école privée catholique Sainte-Anne car l’école privée protestante était trop éloignée du domicile familial. Elle obtint le brevet supérieur à seize ans, puis ses parents, refusant de la voir devenir institutrice comme elle le souhaitait, l’inscrivirent à des cours privés de couture et de cuisine. Parallèlement, elle obtint un diplôme de l’Alliance française. Suzanne Schumann épousa le 18 mars 1939 Albert Fath, technicien du cadastre. Son fils naquit prématurément la veille de l’évacuation de Strasbourg le 1er septembre 1939, ce qui faillit lui coûter la vie. Elle rejoignit ensuite ses parents sur une civière en Dordogne. Son mari fut fait prisonnier en juin 1940 mais fut libéré, comme la plupart des Alsaciens. Il gagna Périgueux, mais l’administration du cadastre lui conseilla de rentrer en Alsace. La famille comprit en gare de Mulhouse, à voir les banderoles de bienvenue dans la patrie allemande, que l’Alsace était annexée à nouveau.

Albert Fath retrouva son emploi au cadastre, mais, en 1943, tenta de passer en Suisse pour échapper à l’incorporation de force dans l’armée allemande. Il fut arrêté juste avant la frontière et condamné pour désertion à cinq ans de prison le 17 juillet 1943. Il passa trois mois au camp de rééducation de Schirmeck (Bas-Rhin), puis fut emprisonné à Strasbourg, et à Ensisheim (Haut-Rhin). Transféré en Allemagne en 1944, il fut libéré le 9 mai 1945.

Après la libération de Strasbourg (23 novembre 1944), Suzanne Fath adhéra à l’UFF pour aider les familles de déportés, ce qui lui fit dire en 2000 qu’elle était entrée au Parti communiste « par inadvertance ». Au retour du congrès de l’UFF, elle apprit qu’elle venait d’être désignée comme candidate au titre de l’UFF pour les élections municipales des 23 et 30 septembre 1945, sur la liste d’Union républicaine, démocratique et antifasciste regroupant les partis de gauche, le Front national, la CGT et l’UFF et conduite par Marcel-Edmond Naegelen*. Elle fut élue au second tour de même que deux autres femmes, Berthe Diebolt-Sieffert (PCF) et Alice Daul (Parti républicain démocratique). En 1947, elle se présenta sur la liste communiste conduite par Léonard Keim* et se retrouva seule femme du conseil municipal, toutes listes confondues.

En juin 1947, Suzanne Fath fut élue au comité fédéral du Bas-Rhin du PCF, suivit une école fédérale d’un mois à Saverne (Bas-Rhin) et, en 1948, elle entra au bureau fédéral. Bonne oratrice en français et en dialecte alsacien, elle était capable d’aborder tous les sujets devant des publics divers. Elle entra aussi au conseil national de l’UFF, où elle fut la seule à s’opposer à l’adhésion des femmes allemandes à la Fédération démocratique internationale des Femmes, nouvellement créée. Elle manifesta une première fois son désaccord avec la ligne du parti lorsqu’elle vota contre le texte de Marcel Rosenblatt* demandant le retour de l’enseignement de l’allemand à l’école primaire. Le parti sanctionna Suzanne Fath en exigeant qu’elle ne siège plus durant trois mois au conseil municipal et Keim s’arrangea pour qu’elle soit écartée du bureau et du comité fédéral en 1949. Elle fut remplacée par Alice Karcher*. Les communistes alsaciens, alors ouvriéristes, se méfiaient des militants issus des classes moyennes.

En septembre 1950, la fraction communiste du conseil municipal décida de ne pas assister à l’inauguration de la Foire de Strasbourg pour manifester son hostilité à René Pleven, invité d’honneur, qui venait d’envoyer des soldats français en Corée, et à la municipalité qui avait reçu d’anciens officiers allemands dont le social-démocrate Carlo Schmid. Suzanne Fath, qui travaillait comme employée dans un stand de la foire, ne refusa pas de serrer les mains du président du Conseil et du préfet, qui avait conduit sciemment les autorités vers elle. La photo de la poignée de mains fut publiée à la une de France-Soir. Le secrétariat fédéral la convoqua immédiatement et lui demanda de signer sa démission du conseil municipal. Elle s’exécuta, mais revint le lendemain sur sa décision en informant le maire Charles Frey qu’elle siégerait désormais « sans affectation politique » : à la séance du 2 janvier 1951, elle prit place au côté de la fraction RPF. Son exclusion du parti fut prononcée au congrès suivant.

En 1953, Suzanne Fath refusa les sollicitations de diverses listes et mit fin à une carrière politique à laquelle elle avait pourtant pris goût. Elle quitta Strasbourg après s’être remariée le 1er août 1956 avec Guy Lebas, inspecteur du Centre national du cinéma. De retour en Alsace, elle devint directrice de l’Institut médico-pédagogique de Haguenau (Bas-Rhin) en 1959, puis de celui de la Montagne Verte à Strasbourg de 1969 jusqu’à son départ à la retraite en 1980. Elle s’occupa ensuite de l’Association de retraite des cadres d’Alsace et de Lorraine, ainsi que d’une association de soins palliatifs. Elle était restée une femme de caractère, tenace et capable de braver toutes les conventions.

Suzanne Fath était officier du Mérite national.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article49701, notice FATH Suzanne [née SCHUMANN Suzanne, épouse FATH, puis épouse LEBAS] par Françoise Olivier-Utard, version mise en ligne le 2 avril 2009, dernière modification le 5 avril 2022.

Par Françoise Olivier-Utard

SOURCES : Arch. Dép. Bas-Rhin, 544 D4 ,8. — L’Humanité d’Alsace et de Lorraine, 5 décembre 1947. — « Mme Suzanne Lebas, une vie au service de ses concitoyens », Dernières Nouvelles d’Alsace, 17 avril 1990. — « Il y a 50 ans », Dernières Nouvelles d’Alsace, 27 septembre 2000. — Entretien avec Mme Lebas, 4 mai 2000.

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