GRAS Élie, Maurice

Par Jean-Pierre Besse, Daniel Grason

Né le 1er septembre 1914 à Paris (XIVe arr.), mort sous la torture le 8 octobre 1942 à la Préfecture de police, Paris (IVe arr.) ; employé des PTT ; militant communiste de Vitry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) puis de Paris  ; résistant OS puis FTP.

Élie Gras.
Élie Gras.

Fils d’Albert et de Marie, née Hans, Élie Gras était domicilié chez ses parents voie Mozart à Vitry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne), il fut dirigeant des Jeunesses communistes. Employé au Centre PTT de Paris-Bourse, il habita pendant l’Occupation 13 rue du Docteur Degerine dans le XXe arrondissement de Paris. Le dimanche 31 mai 1942, des militants et militantes communistes organisaient une initiative au magasin Eco rue de Buci dans le VIe arrondissement, Élie Gras était dans l’équipe de protection, devant la poussée des ménagères constituées de militantes et sympathisantes communistes, le rideau de fer se baissa, Élie Gras le releva permettant aux militantes de s’échapper, parmi lesquelles Berthe Houët.
Le 8 octobre 1942, des gardiens de la paix établissaient un barrage au carrefour des rues de Tolbiac, Alésia et Glacière dans le XIIIe arrondissement, vers 14 heures 45, les apercevant Élie Gras juché sur une bicyclette prenait la fuite en direction de l’Église de Montrouge. Un gardien de la paix réquisitionna une camionnette ou une automobile et l’appréhendait avec deux autres gardiens avenue de la Gare. Élie Gras tenta d’alerter les passants, criant « Ne laissez pas emmener un patriote français qui va être assassiné par les Boches ! », selon un autre rapport, il aurait crié « Ne laissez pas arrêter un patriote français. Vive le Parti communiste, à bas les Boches, vive la France ! » Fouillé dans un couloir de l’immeuble du 1 rue Bruller (XIVe arr.), il portait sur lui un pistolet calibre 7,65 mm contenant neuf cartouches dans le chargeur et une dans le canon. Conduit au commissariat du XIVe arrondissement, il refusa de donner son identité.
Emmené dans les locaux des Brigades spéciale à la Préfecture de police, des inspecteurs de la BS2 furent chargés de l’interroger et de le faire parler. Il aurait reconnu être membre du Parti communiste et membre depuis quatre mois de l’organisation spéciale du Parti comme franc-tireur : « J’ai accompli mon devoir de militant et je n’ai rien de plus à vous dire ».
Les coups de matraque et de nerfs de bœuf se mirent à pleuvoir sur Élie Gras. Il aurait alors déclaré « Je vous donnerai demain l’adresse de mon domicile. Je ne veux pas livrer les personnes qui s’y trouvent ce soir ». Il a alors été tabassé à de multiples reprises, et serait mort le 9 octobre vers quatre heures du matin dans les locaux des Brigades spéciales. Le service de l’Identité judiciaire utilisa l’arme qu’il portait lors de tirs de comparaison, elle n’avait jamais été utilisée lors d’un attentat. Le commissaire René Henoque informa de sa mort le Sonderkommando IVB à l’Hôtel Bradford qui avait demandé qu’Élie Gras y soit amené pour interrogatoire.
Un policier résistant qui venait d’être affecté d’office à la BS2, Georges Fretet, fut témoin du martyr d’Élie Gras et en fit plus tard le récit à Alain Guérin en ces termes : « dès mon arrivée à la BS2, le deuxième ou le troisième jour, on m’a forcé à assister à l’interrogatoire d’un patriote arrêté. Il s’appelait Gras. Son nom m’est toujours resté. Pour essayer de lui faire avouer la destination d’une clef qu’on avait trouvée sur lui, on l’a frappé, frappé, torturé jusqu’à ce qu’il en meure. On a ensuite transporté son cadavre à l’Hôtel-Dieu ».
À la Libération, les policiers de l’Inspection générale qui enquêtèrent sur les agissements de l’ancien directeur des RGPP André Baillet découvrirent dans le registre de fouilles de la BS2 trois autres cas de personnes décédées le jour même de leur arrestation dans les locaux de la préfecture (Domingo Perez Tejero, Jacques Bachter, Sloma Sauber et Hélène Kro née Hania Mansdorf-Mansfeld selon David Diamant pour ces deux derniers FTP-MOI). Fragilité des témoignages, en fait Sloma Sauber fut abattu le 12 décembre 1942 à Paris (Xe arr.), quant à Hélène Kro elle se suicida par défenestration le 24 décembre 1942 à Paris (Ve arr.).
Le corps d’Élie Gras fut emmené le 9 octobre 1942 à l’Institut Médico-Légal (IML), il a été réceptionné à 8 heures et enregistré sous le numéro 915. Concernant la cause de sa mort le registre porta la mention « inconnue ». Le docteur Paul autopsia le corps le 10 octobre 1942. Le 12 octobre un membre du personnel de l’IML ajouta sur le registre « montre bracelet fracturée en métal ». L’état de la montre témoignait de la violence des coups portés.
Son père, prénommé Élie, Romain âgé de 63 ans était retraité, il témoigna le 15 février 1945 devant la commission d’épuration de la police qui examinait l’activité de Gaston Barrachin, Inspecteur principal adjoint à la BS2, son groupe arrêta et tabassa à mort Élie Gras.
Élie Gras déclara : « Au mois d’octobre 1942, j’ai appris que mon fils Gras Élie, Maurice […] postier, avait été par un barrage de police ».
« En dépit de toutes les recherches que j’avais entreprises, je n’avais pu obtenir de nouvelles, jusqu’au moment où le me suis présenté à l’Institut Médico-Légal et constaté que le corps de mon fils s’y trouvait ».
« Il portait de nombreuses marques de coups et avait le visage complètement tuméfié. Ma femme l’a reconnu également et il lui a semblé qu’il avait la mâchoire brisée. […] ».
« Je ne sais pas si mon fils a été maltraité par les policiers, mais tout me le fait supposer : linge en lambeaux et ensanglanté ».
« Je porte plainte contre les policiers qui ses sont occupés de l’arrestation de mon fils et contre ceux qui l’ont torturé ».
Le père d’Élie Gras témoigna aussi lors du procès d’un autre tortionnaire l’Inspecteur principal adjoint Jean B… Doriotiste, il assurait bénévolement la protection de Jean-Hérold Paquis, journaliste d’extrême droite, fusillé au fort de Châtillon le 11 octobre 1945. Le 29 janvier 1947 au premier jour du procès de Jean B... qui était réputé comme un « tortionnaire », il déclara : « Mon fils a été arrêté le 8 octobre 1942 et il est décédé le lendemain à la suite des coups reçus ». Le président de séance lui répondit : « Monsieur Gras, le misérable qui a provoqué la mort de votre fils est Barrachin. Il a été condamné à mort et exécuté pour ce fait ». Jean B… sauva sa tête, à l’issue du troisième jour de son procès le 31 janvier 1947, il fut condamné à 15 ans de travaux forcés, à l’Indignité nationale à vie et à la confiscation de ses biens.
Le ministère des Anciens combattants lui attribua la mention « Mort pour la France », il fut homologué FFI, membre de la Résistance intérieure française, et aurait été reconnu lieutenant FTPF.
Une stèle du Central télégraphique de Paris-Bourse, rue Feydeau, signale son nom. Une rue de Vitry-sur-Seine porte le nom d’Élie-Gras.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article49723, notice GRAS Élie, Maurice par Jean-Pierre Besse, Daniel Grason, version mise en ligne le 24 février 2017, dernière modification le 12 mars 2020.

Par Jean-Pierre Besse, Daniel Grason

Élie Gras.
Élie Gras.

SOURCES : Arch. PPo. 77W 3114, GB 109 BS2, KB 15, KB 96, BA 1849, IML 1942 n° 915. – SHD, Caen AC 21 P 268454. – Bureau Résistance GR 16 P 199125. – Arch. com. Vitry-sur-Seine 1BIB25. – Roger Faligot, Rémi Kauffer Service B, Fayard, 1985. – Jean-Jean-Marc Berlière avec Laurent Chabrun, Les policiers français sous l’occupation, Éd. Perrin, 2001. – Notes de Jean-Pierre Ravery Procès Baillet aux Archives nationales. – Libération nationale PTT, 2e trimestre 2002 (photo). – Alain Guérin, Chronique de la Résistance, Éd. Omnibus, 2000. – Site internet GenWeb.

PHOTOGRAPHIE : Arch. PPo. GB 179.

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