FLOURIOT Albert, Ange, Marie

Par Christian Bougeard, Alain Prigent, François Prigent

Né le 17 août 1891 à Plourivo (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor), mort le 31 décembre 1972 à Plouézec (Côtes-du-Nord) ; officier des équipages dans la Marine nationale ; résistant FTP, président du CLL de Plouézec ; dirigeant fédéral du PCF des Côtes-du-Nord (1945-1949) ; conseiller général PCF du canton de Paimpol (1945-1949), maire PCF de Plouézec (1945-1953).

Fils de Pierre Marie Flouriot, laboureur, et de Françoise née Allainguillaume, ménagère, Albert Flouriot était originaire de Plourivo, commune natale de Marcel Cachin. Avant-guerre, cette commune de 4 000 habitants avait pour maire le docteur Max Meynard, un socialiste élu puis nommé par Vichy jusqu’à sa démission en 1943. Albert Flouriot fut son premier adjoint en 1940-1941. Il fit toute sa carrière dans la Marine nationale comme pilote de la flotte, avant d’accéder au grade d’officier des équipages.

Selon la profession de foi de la liste du PCF pour les élections à la seconde Assemblée constituante du 2 juin 1946, Albert Flouriot avait été l’organisateur de la Résistance dans sa commune, sans doute au Front national. Proche du monde populaire des marins décrit dans les travaux de François Chappé, il faisait partie des relais résistants communistes dans le canton de Paimpol après le départ précipité des militants du PCF clandestin, Pierre L’Hostis* et son épouse Élisa au printemps 1943, et les arrestations des autres membres du triangle paimpolais (Armand Floury et Jean Loguivy) pendant l’été 1943, dans le cadre d’une vaste opération de démantèlement de l’organisation clandestine du PCF, faisant suite à la trahison du régional du PCF Léon Renard*.

Albert Flouriot recruta les FTP pour un important maquis transformé en camp dans les journées de la Libération, à savoir le camp Lefèvre-Le Roy qui groupait plus de 500 hommes. Il participa à la prise de la dernière poche de résistance allemande dans le département, à Paimpol, le 17 août 1944. Albert Flouriot avait été le président du Comité local de Libération (CLL), avant d’être élu maire de Plouézec en mai 1945 à la tête d’une liste d’union républicaine antifasciste.

Proche de Marcel Cachin qui avait une maison secondaire à Lancerf, en Plourivo, il émergea politiquement à la Libération, en siégeant au comité de la fédération du PCF des Côtes-du-Nord de 1945 à 1949. Il défendit les couleurs du PCF dans le canton de Paimpol, un canton maritime depuis longtemps ancré à gauche, lors des élections cantonales de septembre 1945. Avec 41.7 % des voix, Albert Flouriot (3 821 voix) devança au premier tour Eugène Hélary, républicain indépendant, ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées (39.5 %), ainsi que le candidat SFIO Narcisse Roche (1 716 voix, soit 18.7 % des suffrages exprimés). L’élection de ce résistant au second tour (52,8 % des voix) traduisait le glissement à gauche d’un canton républicain durant l’entre-deux-guerres, le seul tenu par la SFIO en 1937 (le docteur Max Meynard, ancien radical, maire de Plouézec), si l’on excepte Octave Brilleaud*, conseiller général de Saint-Brieuc-Midi, qui suivit Marcel Déat lors de la scission des néo-socialistes en 1934.

Figure militante départementale, Albert Flouriot faisait partie de la liste du PCF aux législatives de 1945 (en 6e position) et de 1946 (en 7e position). Les communistes obtinrent 27,3 % des suffrages exprimés le 21 octobre 1945, avec deux députés (Marcel Hamon* et Guillaume Daniel). En 1946, le score atteignit 28,2 % en juin puis 31,5 % en novembre, apogée électorale du PCF avec Marcel Hamon* et Hélène Le Jeune* comme députés (et Auguste Le Coënt, conseiller de la République).

Personnage haut en couleurs, mettant en avant son identité résistante, Albert Flouriot intervenait fréquemment au conseil général au nom du groupe communiste fort de douze éléments à la Libération : Louis Lalès* (Belle-Isle-en-Terre), Yves Le Couster* (Bourbriac), Georges Jaglin* (Corlay), Mathurin Nicolas* (Gouarec), Jean Le Hénaff* (Guingamp), Guillaume Daniel (Maël-Carhaix), Édouard Forget (Dinan-Ouest), Isidore Teurnier* (Plestin-lès-Grèves), François Trémel* (Plouaret), Guillaume Le Caroff* (Rostrenen) et Auguste Le Coënt* (Saint-Nicolas-du-Pelem). Selon le préfet Henri Avril (député radical en 1919, président du Comité départemental de Libération, passé à la SFIO), il était un « militant communiste assuré, très attentif à son mandat et dévoué sans mesure à ses concitoyens ». Son rapport soulignait aussi qu’il s’était « heurté avec l’autorité préfectorale par ses injonctions sans mesure et ses télégrammes comminatoires, avant d’entretenir désormais [en 1946] d’excellentes relations avec la préfecture, et de remplir très correctement les fonctions qu’il assume avec autorité ».

En 1947, Albert Flouriot fut reconduit pour un second mandat de maire de Plouézec. Lors des élections au Conseil de la République du 7 novembre 1948, il figurait en 2e position (220 voix) derrière le sortant Auguste Le Coënt* (269 voix), d’ailleurs battu car la liste du PCF se retira au second tour pour faire barrage à la liste radicale-modérée soutenue par René Pleven, en soutenant de fait une liste d’union SFIO-MRP menée par Yves Henry, avec le conseiller général de Corlay, sympathisant communiste, Georges Jaglin*.

Mais lors des élections cantonales de mars 1949, à l’instar des élus communistes de Dinan, Corlay et Bourbriac, Albert Flouriot fut battu dès le premier tour par Eugène Hélary (56,1 %), candidat radical-RGR soutenu par René Pleven. Albert Flouriot qui avait bénéficié à la Libération de la poussée électorale de la gauche dans les Côtes-du-Nord, favorable d’abord au PCF, était victime du barrage anticommuniste des années de guerre froide, montrant la fragilité de l’implantation communiste. En 1949, dans un contexte de relations tendues entre SFIO et PCF, Albert Flouriot n’affronta pas de candidat SFIO devant le refus de Marcel Le Guyader*, maire de Ploubazlanec, de se porter candidat. Mais Le Combat socialiste notait que « par son sectarisme politique, ses violences inutiles, Albert Flouriot s’est fait pas mal d’adversaires, or on n’en est plus à l’époque où on tremblait devant le PC… ». Cette défaite provoqua une vive inquiétude dans la direction fédérale communiste. Marcel Hamon* signa un article dans L’Aube nouvelle, l’hebdomadaire du PCF, le 16 avril 1949, afin d’analyser les leçons de ce scrutin. Il pointa trois causes essentielles à cette défaite : un esprit de suffisance, le sectarisme à l’encontre de la base socialiste et un anticléricalisme primaire bien ancré dans ce canton.

Cet échec politique le fit disparaître de la liste PCF aux élections législatives de 1951. Aux municipales de 1953, la coalition des radicaux et de la droite locale emporta la totalité des sièges, précipitant ainsi la fin de sa courte vie politique. À la mort d’Eugène Hélary, le siège de conseiller général revint en octobre 1957 à la SFIO avec Marcel Le Guyader* (syndicaliste agricole, passé au PSU puis au PS). En 1979, Louis Conan (agriculteur, adjoint du maire PS de Paimpol, Max Querrien) prit le relais, conservant le siège aux socialistes jusqu’à sa défaite contre Vittel en 1992. En 2004, l’ergothérapeute Alain Le Guyader, maire de Plourivo, regagna le canton pour le PS.

Albert Flouriot était par ailleurs l’organisateur, avec René Hamon, membre du comité fédéral du PCF, de grandes fêtes populaires qui réunissaient à Bréhec et à Ploubazlannec des milliers de personnes autour de Marcel Cachin et des dirigeants fédéraux, Jean Le Jeune* et Marcel Hamon*. Ce réseau d’intellectuels, composé surtout de scientifiques parisiens comme les Frédéric Joliot-Curie*, qui possédaient à la pointe de l’Arcouest des résidences secondaires, appelé « Sorbonne-Plage », croisait les milieux populaires paimpolais en cette fin des années 1940 dans des rassemblements, mêlant bals populaires et récitals d’opéra.

Albert Flouriot resta adhérent communiste jusqu’à sa mort. Il s’était marié à Plourivo en mars 1920 avec Germaine Perrot.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article49739, notice FLOURIOT Albert, Ange, Marie par Christian Bougeard, Alain Prigent, François Prigent , version mise en ligne le 6 avril 2009, dernière modification le 12 novembre 2019.

Par Christian Bougeard, Alain Prigent, François Prigent

SOURCES : Arch. Dép. Côtes-d’Armor, 3 M 142 ; 20 W 19 ; 20 W 79 ; 20 W 86-87 ; 128 W 2 ; 1043 W 36. — Fichier des membres du comité fédéral de la fédération des Côtes-du-Nord du PCF établi par Gilles Rivière. — Arch. OURS, dossiers Côtes-du-Nord. — L’Aube nouvelle (1944-1949). — Ouest Matin. — Le Combat socialiste (1945-1949). — François Chappé, L’épopée islandaise (1880-1914), Albaron, 1990. — Michel Pinault, Frédéric Joliot-Curie, Odile Jacob, 2000. — Alain Prigent, Histoire des communistes des Côtes-du-Nord (1920-1945), Saint-Brieuc, 2000. — Maud Croc, Marcel Hamon (1908-1994), une grande figure communiste des Côtes-du-Nord, mémoire de maîtrise, Rennes 2, 1998 — Frédéric Tirot, Les conseillers généraux des Côtes-d’Armor depuis 1945 : étude d’une élite départementale, mémoire de maîtrise, Rennes 2, 1994. — Entretiens avec Louis Conan, Max Querrien, Alain Le Guyader, Jean Le Jeune, Édouard Quemper et Raymond Charlès (maire de Plouézec). — État civil de Plourivo.

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