FAURÉ Henri [FAURÉ Joseph, Henri]

Par Jacques Girault

Né le 9 février 1899 à Bordeaux (Gironde), mort le 5 septembre 1993 à Paris (XIIIe arr.) ; professeur, chef d’établissement, inspecteur de l’éducation populaire, de le Jeunesse et des sports ; militant syndicaliste de la FGE-CGT puis de la FEN ; militant socialiste ; président de la Ligue de l’Enseignement.

Fils d’un douanier et d’une future femme de chambre devenue couturière, Henri Fauré reçut les premiers sacrements catholiques. Après avoir obtenu le baccalauréat en 1917, il s’engagea pour trois ans dans l’Artillerie en avril 1918. Affecté au front en juin 1918, il passa ensuite dans une unité du Génie. Il s’engagea alors pour 3 ans et 5 mois à compter rétroactivement d’avril 1918, et classé pour suivre les cours de l’École polytechnique, il annula son engagement en mars 1921 et fut renvoyé immédiatement dans ses foyers comme lieutenant de réserve.

Henri Fauré commença des études supérieures de mathématiques à la faculté des sciences de Bordeaux, tout en étant maître d’internat au lycée Michel-Montaigne de la ville, de 1921 à 1923. Il fut un des premiers à adhérer dans l’académie à la Fédération nationale des maîtres et maîtresses d’internat des lycées et collèges dont le statut venait d’être créé en juillet 1921.

Après avoir obtenu la licence ès sciences (certificats de mathématiques générales, de mécanique rationnelle et de calcul infinitésimal en 1921, puis d’astronomie approfondie et de physique générale en 1922), il fut admissible à l’agrégation de mathématiques en 1923. Nommé en octobre 1923 répétiteur au lycée Michelet à Vanves (Seine/Hauts-de-Seine), il demanda un poste à Paris intra muros, qu’il obtint au lycée Voltaire à la rentrée 1924, afin de pouvoir suivre, comme auditeur, les cours de l’École normale supérieure pour préparer l’agrégation qu’il obtint en 1928 après plusieurs tentatives.

Henri Fauré se maria en août 1925, uniquement civilement, à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), avec une ancienne élève de l’École normale supérieure de Sèvres, titulaire du certificat d’aptitude à l’enseignement des sciences dans les lycées et les collèges et de la première partie du professorat des écoles normales et des écoles primaires supérieures, qui enseignait au cours secondaires de jeunes filles de Meaux (Seine-et-Marne). Ils eurent une fille et deux garçons, qu’ils firent seulement baptiser. Elle mourut accidentellement en septembre 1939.

Admissible à l’agrégation en 1926, il demanda, avec son épouse, un poste double en Algérie et enseigna à partir d’octobre 1926 au lycée Mustapha à Alger. Adepte des réflexions et expérimentations pour la rénovation de l’enseignement de sa discipline, et par ailleurs militant du Parti socialiste SFIO à partir de 1928, il participa à la création, en Algérie, d’une section du Syndicat des professeurs de lycées affilié à la Fédération générale de l’enseignement-CGT, dont il fut le secrétaire.

Reçu au concours de l’agrégation de mathématiques en 1928, Henri Fauré souhaitait obtenir un poste pour son épouse ou revenir avec elle à Paris ou en métropole. Il indiquait, dans son témoignage, avoir été « muté pour ses activités » militantes au lycée Pasteur à Paris (1932-1933), tandis que son épouse obtenait un poste de préparatrice-professeur au lycée Victor Duruy. Nommé au lycée Buffon à la rentrée 1933, il y resta quatre ans, période durant laquelle, il fut le secrétaire de la section parisienne du Syndicat des professeurs de lycée de la CGT qui fusionna en 1935 avec la section des professeurs de la Fédération unitaire de l’enseignement.

Proche des milieux de La Révolution Prolétarienne, il s’engagea, après son retour à Paris, dans les actions en faveur de l’unité syndicale défendue par le « comité des 22 ». Membre des Combattants de la Paix, « pacifiste convaincu », il participa aux actions antifascistes en adhérant au Comité de vigilance des intellectuels antifascistes. Actif dans les groupes de travail du Parti socialiste sur les questions de l’enseignement, il milita dans la 15e, puis dans la 14e section de Paris en sympathisant avec les analyses de Marceau Pivert. Il ne suivit cependant pas ce dernier dans la constitution du Parti socialiste ouvrier et paysan et fut partisan des accords de Munich

Henri Fauré cessa toute activité politique publique, tout en restant inscrit à la SFIO, à partir de sa nomination à la rentrée de 1937, comme proviseur du lycée Ferdinand Foch à Rodez (Aveyron). Il se signala comme « la cheville ouvrière de beaucoup d’activités de la ville » selon l’inspecteur et y ouvrit notamment un foyer d’internes.

Mobilisé comme lieutenant le 2 septembre 1939, il fut fait prisonnier à Dunkerque, le 4 juin 1940. Captif en Allemagne, il fut dénoncé par un conférencier dans son Oflag pour avoir fait « l’apologie » de Jean Zay. Rapatrié comme ancien combattant en août 1941, il reprit son poste à Rodez où, malgré ses qualités et son comportement « neutre et objectif » mais autoritaire, selon l’inspecteur général en novembre 1942, il subissait diverses critiques souvent calomnieuses. Il refusa d’adhérer à la Légion des anciens combattants et de sanctionner deux fonctionnaires du lycée ayant manifesté lors du 14 juillet. L’administration centrale ne donna pas de suite à cette décision. Pourtant une mutation devenait « inévitable » selon le recteur de l’académie de Toulouse (1er mars 1943). Déplacé le 13 mars au Puy (Haute-Loire), il ne put s’y installer et resta « plus de deux mois sans poste » avant d’être nommé en juillet 1943 comme proviseur du lycée Guez-de-Balzac d’Angoulême (Charente) où il donna pleine satisfaction. À la Libération, il assura l’intérim de l’Inspecteur d’Académie suspendu pour collaboration.

Il se remaria religieusement, en avril 1944, à Angoulême, avec une directrice du collège de jeunes filles, sévrienne, reçue à l’agrégation féminine d’histoire en 1936, veuve de guerre, avec deux garçons. Ils eurent une fille en 1945.

En juillet 1945, Henri Fauré fut nommé inspecteur principal de l’éducation populaire, de la Jeunesse et des Sports dans l’Académie de Caen, puis il devint directeur régional. En juin 1946, il fut nommé suppléant de la section de l’Éducation populaire et de la Jeunesse dans le conseil de l’Éducation populaire et des sports. Avec son épouse, professeur au lycée de jeunes filles de Caen, il organisa des stages de maîtres d’internat au centre d’éducation populaire d’Houlgate (Calvados), d’enseignants dans les « classes nouvelles », d’inspecteurs primaires, de directeurs d’écoles normales, en relation avec les Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active.

Ayant contribué à former le premier syndicat du personnel de la Jeunesse et des Sports, il en fut le premier secrétaire général. Socialiste SFIO jusqu’en 1954, (« pour de multiples raisons, je m’en suis éloigné discrètement », il fut candidat aux élections municipales de Caen, sur la liste socialiste SFIO, en octobre 1947.

À la suite de compressions budgétaires, Henri Fauré revint dans l’Éducation nationale comme proviseur du lycée Michel Montaigne à Bordeaux (1948-1958), où il développa les « classes nouvelles » et les œuvres périscolaires (cinéma, coopératives, foyer des internes). Il contribua au lancement de l’annexe du lycée à Arcachon et au fonctionnement du Centre pédagogique régional. Son épouse enseignait l’histoire-géographie au lycée de jeunes filles de la ville qui devint lycée Camille Jullian. Il obtint en 1958 le poste de proviseur du lycée Carnot à Paris où il prit sa retraite en 1965, tandis que son épouse exerçait au lycée Racine. Il milita activement dans le Syndicat national des personnels de direction des établissements secondaires (FEN).

À Bordeaux, Henri Fauré était aussi le secrétaire général de la Fédération des œuvres laïques et le président de la fédération départementale de la Ligue de l’enseignement. Membre de la commission d’action et de défense laïques et du bureau national de la Ligue depuis juillet 1952, il en devint le vice-président. A partir de 1957-1958, en raison de ces responsabilités nationales, il souhaita se rapprocher de la capitale. Dans ses interventions orales ou écrites, il assimilait souvent éducation populaire et éducation permanente. Il participait aux rencontres internationales : mission d’études en URSS en novembre 1953, congrès en Yougoslavie en mai 1955, à Bruxelles en juin 1958, et pendant les vacances scolaires, il effectuait divers voyages (études, conférences internationales).

À la suite à la démission d’Albert Bayet de la présidence de la Ligue en septembre 1959, il fut élu président, responsabilité qu’il conserva jusqu’en 1971, année où elle devint Ligue française de l’enseignement et de l’éducation permanente. Critiquant régulièrement l’Église catholique, il prit une part active à l’organisation de la lutte pour la défense de l’école laïque et contre la loi Debré. Lors du rassemblement de Vincennes en juin 1960, il prononça « le serment des laïques de France de restaurer les principes républicains ». Le 29 mai 1966, il présida la commémoration du centenaire de la création de la Ligue devant le nouveau monument dédié à Jean Macé à Beblenheim (Haut-Rhin).

Il fut signataire en 1960, aux côtés de tous les responsables syndicalistes « autonomes » de la FEN, de « l’Appel à l’opinion » lancé par l’UNEF, qui se distinguait du « Manifeste des 121 », pour appeler à la fin de la guerre d’Algérie par « une négociation sans exclusive ni préalable ». En mars 1962 il participa à la manifestation organisée à l’UNESCO à Paris pour lutter contre le racisme et l’OAS ; en octobre, il effectua une mission en Algérie sur l’organisation des œuvres post-scolaires.

Sous sa présidence, la Ligue organisa aussi, à son siège de la rue Récamier, des débats entre membres influents des diverses composantes des mouvements se réclamant de la gauche. Ainsi sous son égide, naquit et se développa le « Comité pour une candidature unique de la gauche » pour l’élection présidentielle de 1965.

Henri Fauré siégea également pendant dix ans au comité central de la Ligue des Droits de l’Homme, et militait au Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et pour la paix. Vers 1964, il devint membre de la présidence de l’Association France-Tchécoslovaquie et l’était toujours en 1984.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article49821, notice FAURÉ Henri [FAURÉ Joseph, Henri] par Jacques Girault, version mise en ligne le 9 avril 2009, dernière modification le 4 août 2021.

Par Jacques Girault

SOURCES : Arch. Nat., F/17/28472. — Arch. Dép. Gironde, registres matricules. — Presse syndicale. — Renseignements fournis par l’intéressé. — Notes d’Alain Dalançon et de Nathalie Sévilla. — Martin (Jean-Paul), La Ligue de l’enseignement. Une histoire politique (1866-2016), Presses universitaires de Rennes, 2016.

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