Par Jean-Pierre Besse, Jean-Claude Malé, Claude Pennetier
Né le 18 juillet 1900 à Pau (Basses-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques), mort le 13 juin 1996 à Aressy (Pyrénées-Atlantiques) ; cheminot ; militant communiste et syndicaliste CGT des Hautes-Pyrénées, secrétaire de l’UD CGT en 1945.
Né d’un père inconnu, et de Marie-Jeanne Hourquet, couturière de robes, Gustave Hourquet obtint le certificat d’études et entra dans la vie active à quatorze ans. Il fut apprenti ajusteur à l’entreprise Larcale à Pau puis travailla au centre d’aviation militaire Wrigth, école de pilotage, Pont long, toujours à Pau. Engagé volontaire en juillet 1918, il sortit de l’armée en 1921.
Employé aux Coopérateurs du Béarn (le directeur étant le socialiste Jean Lembeye), il se maria le 14 décembre 1923, à Pau, avec Aurora Maza. Il entra ensuite dans les chemins de fer à Tarbes (Hautes-Pyrénées). Militant communiste depuis 1921 (il le resta jusqu’ son décès à 96 ans), membre de la CGTU puis de la CGT, Gustave Hourquet dirigea en 1936 la grève de la grande usine Électro-Céramique de Bazet. Il devint un des responsables de l’UL et de l’UD CGTU puis CGT.
La guerre d’Espagne vit l’UD en première ligne du soutien à la République espagnole. Accueil des réfugiés, collectes d’argent, de vivres, de vêtements, construction d’une route en montagne pour permettre l’évacuation de la 43e division Républicaine Aragonaise du Colonel Beltran, bloquée dans la « poche de Biélsa » pour passer en France En 1938, il reçut les responsables gardois de la Fédération des Mineurs CGT. Ils visitaient et achetèrent, avec des fonds de la Fédération Britannique du sous-sol (1939), le château « d’URAC » à Tarbes, pour recevoir les orphelins d’Espagne. Le lieu fut occupé par des enfants de réfugiés, puis de déportés, et enfin le domaine devint maison d’enfant jusque dans les années 1990. En 1939 la presse de droite présentait le château d’URAC comme le château de Jacques Duclos, qui avait sa modeste maison de famille dans le village voisin.
Gustave Hourquet était secrétaire général de l’Union départementale CGT des Hautes-Pyrénées en 1938. il fut écarté comme les autres responsables proches du PC après le pacte germano-soviétique.
Il fut mobilisé en septembre 1939 dans la 63e Division d’infanterie, fin septembre en Savoie, dans l’attente d’une attaque italienne. Ils montaient des lignes de téléphone et de télégraphe. Fin novembre, ordre fut donné de démonter toutes les lignes, la division devant se porter vers le nord à Dôle (Jura).
Démobilisé fin juin 1940, il rentra chez lui à Bordère-sur-Échez, près de Tarbes.
À la reprise du travail à la SNCF au dépôt des machines, ses camarades de travail, l’’informèrent de la situation des militants CGT. Certains camarades étaient internés à Nexon (Dordogne) et d’autres Saint-Paul-d’Eyjeaux (Haute-Vienne). Ceux qui restaient en liberté étaient étroitement surveillés
Il rencontra Georges Lassalle avec lequel il fit un inventaire des camarades disponibles et fut chargé d’en contacter une bonne partie. Roland Barret, secrétaire du bâtiment et de l’UL de Tarbes en 1936-39, marin en cours de démobilisation, accepta de prendre sa part de responsabilités, qu’il assuma avec sa compagne jusqu’à la libération de Tarbes. Dans son village de Bordères-sur-Échez, Hourquet pouvait compter sur le maire, deux ou trois conseillers, des ouvriers de l’arsenal, soit une douzaine de volontaires, avec comme objectif immédiat, d’élargir aux communes voisines de Oursebellile et Bazet où habitaient un grand nombre d’ouvriers de « l’Électro-Céramique ».
Il fit une rencontre qui devait être le vrai départ de ce qui annonça la clandestinité en la personne de Louis Gallaud, (arrêté en septembre1944) commerçant en machines à écrire, conseiller municipal socialiste, actif dans la création du Front Populaire, accompagné d’un inconnu, Léon Dalloz Léon, diamantaire ( déporté en avril 1944). Le 3 juillet 1940 avec Roland Barret et Georges Lassalle, une première réunion commune se tint au café Le cardinal, place de Verdun, le 3 juillet 1940. Étaient représentés les partis (radical, socialiste SFIO, communiste) et la CGT. D’importantes décisions furent prises, sur le recrutement, l’organisation de groupes, les répartitions de prospection. Ces débuts expliquent en partie la bonne entente dans la résistance tarbaise. Ces contacts se situent avant l’arrestation de Georges Lassalle interné à Gurs (Basses-Pyrénées) le 9 novembre 1940.
Des tracts du PCF venant de Toulouse furent distribués, des groupes se développèrent. Hourquet fit l’objet de deux perquisitions, de la Gendarmerie et des Renseignements Généraux. Il fut muté d’office au dépôt de Sévignac-le-Château dans l’Aveyron, en résidence surveillée, avec obligation de pointer à la Gendarmerie. Il y avait dans son dépôt de nombreux déplacés, dont Marcel Cazaban, ancien secrétaire du syndicat des cheminots de Tarbes, muté trois fois depuis la grève du 30 novembre 1938. Au printemps 1941, fut créé un groupe important du Front national qui faisait de la propagande dans la population et prenait des contacts avec des militants de Millau.
Le 30 juin 1941, un agent de liaison de la résistance, venant de Lyon, lui demanda de faire l’impossible pour trouver de la dynamite ou de la poudre de guerre. Il réussit à obtenir, de la Gendarmerie, l’autorisation de se rendre, du dimanche au lundi, à la pêche et partit pour Tarbes où il prit contact avec Brunet de l’arsenal ; l’après-midi il avait ses trois kilos de poudre bien emballés dans un joli paquet, avec un beau ruban, comme un coffret de bonbons. Sa fille de treize ans, qui l’accompagnait partit devant avec le colis. Il lut alors dans le journal que les troupes allemandes étaient entrées dans l’URSS depuis une semaine (22 juin 1941). Il passa la nuit chez sa mère à Pau. Au petit matin, quatre policiers entrèrent et fouillèrent l’appartement, mais ne touchèrent pas au paquet cadeau posé près de la radio, ils cherchaient des papiers. Interrogé à la 17e brigade à Pau, il fut transféré à Tarbes, présenté à un juge d’instruction, puis inculpé de reconstitution de société dissoute et propos séditieux.
Il fit six mois de prison. À la fin de sa peine, un surveillant, ancien secrétaire du syndicat de la Centrale d’Eysses, le fit sortir une demi-heure plus tôt, lui évitant les gendarmes et l’internement et lui permettant de s’éloigner de Tarbes.
Revenu à Pau, il fut planqué chez un artisan par M. Peypoudat, inspecteur du travail. Au bout de quelques semaines il rentra à la SAM (matériel d’aviation), entreprise d’une centaine d’ouvriers et cadres où il forma un groupe de cinq : distribution de journaux et de tracts venant de Tarbes.
Il fut désigné par le Front national pour réorganiser la CGT clandestine « région 3 » de « l’Inter G » Gard, Lozère et basse Ardèche, cantons de Vallon-Pont-d’Arc et les Vaux et enfin le canton de Lunel dans l’Hérault. Les deux derniers responsables du Gard avaient été condamnés à mort et exécutés.
Il revint à Nîmes, nouvelles planques, nouveaux contacts. Début 1944, les maquis redoublèrent d’activité. Le 20 mars 1944, les S.S. et Gestapo sortirent, de la prison de Nîmes, quinze maquisards et deux blessés de l’hôpital (Albert Lévéque et Fortuné Donati) et les pendirent au pont de la voie ferrée. Immédiatement il donna l’ordre de s’attaquer à la machine de guerre allemande, en particulier dans le bassin minier dont le charbon partait en Italie où la situation militaire était critique Les sabotages n’arrêtaient pas, surtout sur les locomotives réquisitionnées pour le front d’Italie.
Le 20 mai 1944, lors du bombardement de Nîmes, une bombe détruit la moitié de sa chambre située contre l’église Jeanne d’Arc. Le 27 mai, lors d’un rendez-vous avec Gontran (Janton), politique inter-régional et l’O.P. Henri (Lambert) quatre hommes armés de mitraillettes, des agents français de la Gestapo cherchèrent des hommes pour déminer les bombes non explosées. Celui qui contrôlait ses papiers dit : « ça va, vous êtes en règle » et il ajouta « partez ça presse ». Le Chef déclara : « Ils sont suspects, il y a des papiers sous les coussins de leur voiture. La prise est bonne : une déclaration des syndicats clandestins et du courrier. Ils sont bons pour le poteau. »
Les bourreaux français Kichner et Brun se déchaînèrent pendant plusieurs jours : brûlures, nerf de bœuf, torsions des bras, chevilles écrasées : les arrêtés ne parlèrent pas, les tortionnaires ne surent jamais qu’ils tenaient des responsables régionaux de la résistance. Ils furent remis à la Feldgendarmerie, où le commandant fit signer à Hourquet une attestation disant que c’était les auxiliaires français qui l’avaient mis dans cet état. Il fut transféré à la caserne Valogne à Uzés tenue par Gestapo allemande. Les interrogatoires musclés reprirent. Il fut transféré à Marseille en début juillet 1944.
Il fut déporté le 22 juillet de Marseille, gare Saint Charles, vers Compiègne. Deux jours pour atteindre Paris. Le 30 juillet il partit de Compiègne vers à Neuengamme, Bloc 11, avec le numéro 29 692. Il y retrouva des camarades rencontrés à Compiègne comme Dédé (André Duronéa), et des Russes, Vladimir et Wassili, prisonniers de guerre en Ardèche, libérés par les FTPF de l’inter 3, incorporés dans la Résistance, qui étaient en contact avec lui avant son arrestation. Ils organisèrent le sabotage des filtres à huile pour sous-marin et autres pièces en fabrication.
Le 4 avril 1945, les groupes de résistance se réunirent par nationalité, ainsi que le comité international, pour préparer l’évasion générale en profitant de l’avance des alliés. En avril 1944, le nazis menacés le firent participer à des jours de marche forcés puis l’embarquèrent à Lubeck sur « l’Athéna », bateau qui fut comme d’autres attaqué par l’aviation alliée, le cauchemar qui dura quinze jours jusqu’au 3 mai. La tragédie du golfe de Lubeck fit dix-huit mille morts chez les déportés politiques. Hourquet réussi à rejoindre les soldats britanniques et fut transporté à l’hôpital de Neustadt. Il pesait 38 kilos pour 70 en mars 1944.
Il rentra chez lui à Bordères-sur-Échez (Hautes-Pyrénénes) (il y était déjà porté mort). Il fut homologué au grade de commandant FFI, reconnu comme déporté interné résistant (DIR), fait Chevalier de la Légion d’Honneur, obtint la médaille de la Résistance (décret du 25 avril 1946 publié au JO du 17 mai1946), la Croix de Combattant Volontaire (carte CVR-CA), et la carte Déporté Résistant.
En 1945, il fut candidat aux élections législatives , dans les Hautes-Pyrénées, sur la liste communiste avec Jean Toujas et Albert Moulère, cultivateur.
Retraité, revenu dans ses Pyrénées-Atlantiques natales , il milita principalement à l’ANACR de Pau. En 1960 avec Jean Mazerolle ils fondèrent la section ANACR qui prit le relais de l’amicale des anciens FTPT, animée par Mazerolle et Paletrier. Il y déploya une grande activité. Président, il fut membre de la direction nationale, jusqu’à ses derniers jours. En 1994 ses camarades lui consacrèrent une brochure La rançon du devoir qui est largement tirée la présente biographie.
Il était membre du conseil national de l’ANACR lors de son décès annoncé dans le journal France-d’abord en septembre 1996.
Par Jean-Pierre Besse, Jean-Claude Malé, Claude Pennetier
SOURCES : RGASPI, 495 270 3560. — Service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 296946. — AVCC, Service historique de la Défense, Caen SHD/ AC 21 P 573088. — José Cubero, Les Hautes-Pyrénées dans la guerre 1938-1948, Cairn, 2002. — Le Syndicaliste d’Armagnac-Bigorre, 1938. — Dans son autobiographie communiste d’institution de 1937, Jean Lagrèze, militant de Pau, évoque pour le début des années 1930, sa collaboration avec "Hourquet, secrétaire de l’Union départementale CGT des Basses-Pyrénées". (RGASPI,495 270 4092) . — Brochure, La rançon du devoir, 1994. — Documents de l’IHS CGT 64 : Brochure ANACR 64 de 1994 (de son vivant), divers documents et recherches cités dans le texte... fréquentation de l’intéressé par Jean-Claude Malé