FRANCOS Ania

Par Michèle Bitton

Née le 13 juillet 1938 à Paris, morte le 24 janvier 1988 à Paris ; journaliste ; militante tiers-mondiste ; essayiste et romancière.

4e de couverture de <em>Sauve-toi, Lola</em> (1983)
4e de couverture de Sauve-toi, Lola (1983)

Ania Francos était la fille d’émigrants juifs originaires d’Europe de l’Est. Sa mère, Shoshanah, était née à Varsovie, son père, Mordekhai Francos, né Tarnopol en Galicie, avait séjourné quelques années en Palestine avant de s’installer à Paris où il travailla comme journaliste dans la presse communiste yiddish. La guerre les ayant contraints à fuir la capitale occupée, ils se réfugièrent à la campagne, du côté de Vierzon, dans le département du Cher.

Le 13 juillet 1942, six jours avant son quatrième anniversaire, Ania assista à l’arrestation de son père qu’elle ne revit plus. En 1978, elle trouva son nom dans le « bottin tragique » (Le Mémorial de la déportation des juifs de France que venait d’éditer Serge Klarsfeld). Elle sut qu’il avait été déporté à Auschwitz par le convoi du 17 juillet 1942. Elle apprit aussi que plusieurs autres membres de sa famille avaient péri dans les camps et les ghettos polonais. Après la guerre, elle séjourna quelque temps dans une maison de la commission centrale pour l’enfance de l’Union juive pour la résistance et l’entraide (UJRE), qui accueillait d’autres enfants de déportés. Jeune fille, elle milita auprès de l’Union des étudiants communistes (UEC) et, ensuite, n’abandonna jamais la lutte, s’engageant dans tous les combats pour ce que l’on appelait alors le Tiers-Monde.

Devenue journaliste, elle collabora dans les années 1960-1970 aux journaux engagés qu’étaient Jeune Afrique, Libération et, plus tard, L’Autre Journal. Ses grands reportages à Cuba, en Algérie, en Afrique du Sud, en Palestine, furent chacun suivis d’ouvrages. Le premier, La Fête cubaine, un essai sur la révolution dont elle avait rencontré le dirigeant Fidel Castro, parut en 1962. La même année, elle séjourna en Algérie indépendante avec d’autres militants communistes et en ramena un roman, La Blanche et la Rouge. Son héroïne, Léna Eisenberg, ressemblait beaucoup à son auteure : journaliste comme elle, elle soutenait aussi les mouvements de libération des peuples. Après des essais dénonçant l’apartheid qui régnait en Afrique du Sud et le sort fait aux Palestiniens, elle revint sur l’Algérie en publiant, avec Jean-Pierre Séréni, la première biographie du président Houari Boumédiène en 1976. Au début des années 1970, elle commença à recueillir des témoignages de résistantes réunis dans Il était des femmes dans la Résistance (1978). Sans prétendre combler l’oubli des femmes dans l’historiographie de la guerre en général et de la résistance en particulier, elle eut le mérite de donner la parole à de nombreuses résistantes avant leur disparition. Son ouvrage fut récompensé par le prix des lectrices de Elle en 1979.

À la remise de son prix, elle avait quarante ans, une beauté rayonnante et une chevelure magnifique, mais elle savait probablement déjà qu’elle était atteinte d’un cancer. Elle le combattra pendant près de dix ans avant qu’il ne la terrasse. Elle accepta de participer à des entretiens télévisés sur le cancer (L’ennemi intérieur, FR3, 1983) et tint, dans L’Autre journal, des « Chroniques d’une mort annoncée » d’une ironie caustique. Elle les rassembla en 1983 dans un dernier roman, Sauve-toi, Lola. Plusieurs fois réédité, il fut porté à l’écran par Michel Drach en 1986. Deux ans plus tard, le 24 janvier 1988, son fils Sélim devenait orphelin à quatorze ans.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article49871, notice FRANCOS Ania par Michèle Bitton, version mise en ligne le 15 avril 2009, dernière modification le 15 octobre 2020.

Par Michèle Bitton

4e de couverture de <em>Sauve-toi, Lola</em> (1983)
4e de couverture de Sauve-toi, Lola (1983)

ŒUVRE CHOISIE : Dans Jeune Afrique : « Allende chez Fidel », n° 624, du 23 décembre 1972, « L’Algérie », n° 678, 12 janvier 1974, « Une Tunisie jamais résignée. Une interview de Charles André Julien », n° 699, 1er juin 1974. — Dans L’Autre Journal : « Chroniques d’une mort annoncée », n° 1, 26 février 1986 et n° 3, 12 mars 1986. « À votre santé », n° 16, 11 juin 1986 et n° 19, 2 juillet 1986. - Participation à L’ennemi intérieur, entretiens télévisés réalisés par Françoise Prébois, FR3/INA, 1983. — La Fête cubaine, Paris, Julliard, 1962. — La Blanche et la rouge, Paris, Julliard, 1964. — L’Afrique des Afrikaaners, Paris, Julliard, 1966. — Les Palestiniens, Paris, Julliard, 1969. — Un Algérien nommé Boumédiène, Paris, Stock, 1976, en collaboration avec Jean-Pierre Séréni. — Il était des femmes dans la Résistance, Paris, Stock, 1978. — Sauve-toi, Lola, Paris, Barrault, 1983 (réédition « Le Grand livre du mois, 1984 et « J’ai lu », 1986).

SOURCES : Claude Glayman, « Cancer où est ta victoire », chronique littéraire, L’Unité, n° 534, 18 janvier 1983. — Régis Debray, « Tu t’es sauvée, Ania », Libération, 25 janvier 1988. — Jean Lacouture, « Un témoin à décharge » . — Gilles Perrault, « La mort d’Ania Francos », Le Monde, 27 janvier 1988. — Josette Alia, « Les rires d’Ania », Le Nouvel Observateur, n° 1212, 29 janvier 1988. — F. P., « Adieu, passionnée et courageuse Ania », Jeune Afrique, n° 1413, 3 février 1988.

ICONOGRAPHIE : Illustration : 4e de couverture de Sauve-toi, Lola (1983), avec un portrait d’Ania Francos.

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