AGON Henri, Pierre, Joseph. Pseudonyme : HUBERT Pierre.

Par José Gotovitch

Haine-Saint-Pierre (aujourd’hui commune de La Louvière, arr. Mons, pr. Hainaut), 19 octobre 1911 – Dortmund (Allemagne), 6 décembre 1943. Ouvrier modeleur, menuisier d’entreprise ; dirigeant des Jeunesses communistes, élève à l’École léniniste internationale (ELI) (1935-1936), officier des Brigades internationales en Espagne, agent de liaison pendant la « drôle de guerre », cofondateur et dirigeant des Partisans armés.

Né dans une famille ouvrière de la région industrielle du Centre, d’un père ancien verrier devenu métallurgiste, et d’une mère ménagère, tous deux passés du socialisme au communisme l’un en 1926, l’autre en 1936, Henri Agon termine l’école industrielle de Morlanwelz (pr. Hainaut, arr. Thuin) et travaille de quatorze à dix-huit ans comme apprenti, puis modeleur en bois chez un petit patron. De vingt et un à vingt-quatre ans, il suit les cours du soir aux Arts et Métiers de La Louvière.

Pendant la crise des années 1930, Agon exerce différents métiers. De menuisier en bâtiment, il passe à la menuiserie en construction métallique chez Baume et Marpent. Syndiqué de 1926 à 1935 à la Centrale du bâtiment et industries diverses à Jolimont (aujourd’hui commune de La Louvière, pr. Hainaut, arr. Soignies), il passe à la Centrale régionale des métallurgistes (CRM) de 1935 à 1936, pour rejoindre le syndicat socialiste en 1936.

Henri Agon adhère aux Jeunesses communistes (JC), puis au Parti communiste (PCB) en 1926, mais sa cellule est exclue en 1927 pour ralliement aux thèses trotskystes. Milicien pendant les grandes grèves de 1932, il milite parmi les soldats et est puni de huit jours de cachot. À l’issue du service militaire, en 1932, il est réadmis au PC, devient secrétaire de sa cellule, responsable fédéral de presse, membre du Comité fédéral des JC. Il est alors menuisier dans différentes entreprises métallurgiques. Licencié pour raisons politiques, il est au chômage depuis deux mois quand il est choisi par la direction de la JCB pour suivre les cours de l’École léniniste internationale (ELI).

Arrivé à Moscou en septembre 1935, Agon est admis au secteur français sous le nom de Pierre Hubert. Sa formation théorique se limite alors à une session de cinq semaines en Belgique et à la lecture de « quelques petites brochures ».

Alors que sa promotion se compose d’une dizaine de Belges (JC et PCB), Agon doit l’abandonner et quitter Moscou le 17 juillet 1936, rappelé pour préparer l’unification des Jeunesses communistes et des Jeunes gardes socialistes. Il assume ainsi des responsabilités à l’échelle de la Wallonie. Il dirige la section des Jeunes gardes socialistes unifiés (JGSU) de Haine-Saint-Pierre.

En octobre 1936, le PCB lui demande de recruter trente jeunes pour l’Espagne. Malgré de fortes réticences, il obtient de se joindre à eux et part le 23 octobre. Incorporé à la XIe Brigade, 1er Escadron de cavalerie, il monte au front de Madrid et est blessé fin novembre à la Casa de Campo. Il est rapidement promu Maréchal des Logis, ensuite commissaire politique de l’escadron. À sa sortie de l’hôpital en janvier 1937, il est affecté au Service des cadres de la base d’Albacete sous la direction de Winkler. Promu sous-lieutenant en juillet 1937, Agon obtient sa désignation pour l’école d’officiers de Pozzo Rubio. Au mois de décembre, il en sort commandant de compagnie. Il y est responsable politique de la section comprenant les Français, les Italiens et les Belges.

Henri Agon acquiert ensuite une formation de saboteur dont il se serait servi à l’arrière des lignes franquistes. Mais comme beaucoup de cadres formés à l’école de Pozzo Rubio, il est alors un militant de l’appareil de l’Internationale communiste (IC) et ses activités ne sont connues qu’avec imprécision.

Personnage charismatique dans sa région, la rumeur crédite Agon de diverses missions aventureuses. Fin 1938, il est à nouveau en Belgique où, selon une procédure classique qui touche ceux qui sont mis à la disposition de l’appareil international, il est officiellement mis hors du Parti. Il s’installe alors à Wiers (aujourd’hui commune de Peruwelz, pr. Hainaut, arr. Tournai), à cheval sur la frontière franco-belge où il assure le passage, vers la France, de matériel et de militants.

La campagne des 18 jours accomplie comme soldat, Henri Agon échappe à la captivité. Il reprend son travail international jusqu’au moment où le PCB entreprend de mettre sur pied les premiers groupes armés. Alors seulement, il est « libéré » pour cette tâche et devient l’adjoint, pour la Wallonie, d’un autre ancien d’Espagne, chef des Partisans armés, le verviétois Joseph Leemans. Il installe un laboratoire clandestin qu’il confia à son ancien compagnon-saboteur d’Espagne, le chimiste d’origine autrichienne Bruno Weingast. Là, dans le Brabant wallon, sont fabriquées les bombes utilisées lors des premiers attentats perpétrés par les Partisans armés.

Se déplaçant sans cesse pour mettre sur pied les premiers noyaux armés, Agon est surpris à Mons, poursuivi et blessé, incarcéré le 26 mai 1942. Transféré en Allemagne pour y être jugé en mai 1943, il est condamné à mort par le tribunal spécial d’Essen. Il est décapité à Dortmund, le 6 décembre 1943, après avoir chanté L’Internationale. Sa femme Aurélie Lemire (née le 15 avril 1913), arrêtée elle aussi, subit trois années de camps de concentration.

Henri Agon a eu un parcours emblématique de la symbolique communiste d’avant-guerre (lutte ouvrière, JGSU, Moscou, Brigades internationales, Komintern, Partisans armés), ponctué d’une mort héroïque sous la hache du bourreau nazi. Il est également un militant dont le charisme est demeuré tangible chez tous ceux qui l’évoquent.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article49895, notice AGON Henri, Pierre, Joseph. Pseudonyme : HUBERT Pierre. par José Gotovitch, version mise en ligne le 22 avril 2009, dernière modification le 4 avril 2020.

Par José Gotovitch

SOURCES : RGASPI, Dossiers cadres 495 193 516 – Fonds des Brigades internationales, dossiers individuels belges – AGR, fonds SPF Sécurité sociale, Direction générale Victimes de la guerre (Bruxelles) : Statut du prisonnier politique, dossier personnel – CEGESOMA, Front de l’indépendance, Bruxelles : dossier Partisan armé – Interviews de Jean Roch, Lucien André, Raoul Baligand par l’auteur – PLACE G., Plus de pitié au cœur des hommes. Regards sur les événements de 1940-1945 à Haine-Saint-Pierre et à Haine-Saint-Paul, La Louvière, 1960, p. 25-28.

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